les dessous d’une découverte

les dessous d’une découverte
les dessous d’une découverte

Publiées en 2020 dans la revue Scientific Reports, les conclusions de l’étude furent reprises à l’époque par de nombreux médias et conduisirent le chercheur à faire le tour des radios francophones. C’est souvent la face connue et publique d’une découverte : sortie d’une étude, annonce médiatique, entretien avec les auteurs. Mais comment les scientifiques produisent-ils de telles connaissances ? Quelle approche suivent-ils ? Quand ont lieu les discussions sur les résultats et leurs interprétations ? Comment gérer les désaccords entre pairs ? Ce sont toutes ces questions cachées auxquelles l’auteur répond dans son livre. Il dépeint la science en devenir. Les lecteurs suivent l’enquêteur dans son travail, depuis son bureau du Musée de l’Homme avec un échantillon inconnu, sorti des placards en 2013 : un tube en plastique contenant un morceau de dent. C’est à partir de là que commence l’enquête qui nous fera remonter le temps de plusieurs décennies et millénaires.

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« J’ai voulu raconter cette histoire de manière plus personnelle avec l’opportunité de montrer la démarche scientifique et les limites que l’on peut rencontrer. Ce sont des aspects importants de la recherche qui sont souvent laissés de côté », confie Antoine Balzeau. L’expert néandertalien rappelle une polémique ayant éclaté en 2023, liée à l’étude des os néandertaliens.Homo starsun hominidé plus âgé queUn homme sage. Un chercheur a proclamé qu’un squelette d’enfant avait été enterré, repoussant bien plus loin dans le temps l’âge des premières sépultures de l’espèce humaine. « Les scientifiques à l’origine de la recherche étaient excités. Ils ont réalisé un livre, un documentaire sur Netflix. Ils ont parlé de plein de choses qu’ils avaient imaginées mais qu’ils n’ont pas du tout démontrées scientifiquement, regrette Antoine Balzeau. C’est compliqué pour le grand public de faire ensuite la part des choses. C’est toujours une forme d’investigation au cours de laquelle il ne faut pas laisser son imagination dépasser la raison. Il faut garder la tête froide et rester humble.

Nos plus proches cousins

L’humilité, l’auteur y fait appel dès le début de l’ouvrage en rappelant aux lecteurs qu’il faut situer notre espèce pour ce qu’elle est, dans son histoire évolutive. Il appartient à un buisson arborescent d’espèces d’hominidés qui vivent sur Terre depuis quatre millions d’années et dont nous sommes les derniers survivants. Ils se caractérisent tous par la bipédie, partageant très tôt la fabrication d’outils, et pour certains l’usage et le savoir-faire du feu comme L’homme s’est levé, néanderthalensis et sapiens. Sans oublier que ces deux derniers représentants du genre Homo ont également en commun l’art, l’utilisation des plantes médicinales et le traitement des défunts.

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Les Néandertaliens sont nos plus proches cousins, ayant vécu en Eurasie occidentale il y a entre – 400 000 et – 40 000 ans. La seule caractéristique biologique spécifique à Un homme sage c’est d’avoir un menton, et certains critères anatomiques sont attribués à cela néanderthalensisgénéralement plus petit, avec un cerveau plus gros, une large cage thoracique et une plaquette frontale osseuse. Ils sont si proches des humains modernes que les scientifiques débattent encore aujourd’hui de la classification des Néandertaliens, c’est-à-dire de la relation qu’ils entretiennent avec nous.

Le site préhistorique de La Ferrassie est l’un de ceux qui ont fourni au monde le plus d’ossements de Néandertal, provenant d’individus d’âges divers, et découverts entre 1909 et 1922. Les restes de l’enfant évoqué dans l’étude d’Antoine Balzeau ont été retrouvés en 1973. lors d’une fouille du site commencée en 1970 et supervisée par le préhistorien français Henri Delporte. Les premiers découvreurs qui ont mis au jour ces ossements ne doutaient pas qu’il s’agisse de sépultures, mais il manquait une démonstration scientifique. Mais certains archéologues étaient contre cette idée. « Ils y voyaient un acte religieux, et selon eux, ce n’était pas possible », indique Antoine Balzeau qui a échangé et collaboré lors de l’enquête avec des confrères plus que sceptiques.

47 nouveaux fragments dans le placard

Au Musée national d’archéologie de Saint-Germain-en-Laye, en région parisienne, Antoine Balzeau et ses collègues fouillent le contenu des cartons d’archives de cette célèbre fouille de 1973 à La Ferrassie. Le paléoanthropologue retrouve la référence de cette « dent humaine » associée au carré de fouille n°1. 1 de La Ferrassie. Une zone importante puisque c’est de là qu’ont été exhumées les restes de l’enfant, connu sous la référence LF8. Une grande partie des matériaux retirés de cette place en 1970, et datés de la période moustérienne, du nom de l’ère Néandertalienne, sont encore rassemblés dans des sacs, intacts depuis quarante ans et prêts à révéler leurs trésors.

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Ernest Collard, le « célèbre » fouilleur de la place no. 1 de La Ferrassie en 1973, dont les archives furent fouillées par Antoine Balzeau et ses collègues, quarante ans plus tard. — © Musée National d’Archéologie (MAN) de Saint-Germain-en-Laye

Les scientifiques y ont découvert 47 nouveaux fragments osseux, qu’ils ont caractérisés anatomiquement et ont même réussi à les relier aux restes connus de LF8. Et grâce à une technologie de pointe, la tomographie aux rayons X, ils révèlent ses mystères internes. Comme cette canine se formant dans un gros morceau de mandibule, confirmant le stade de développement de l’enfant.

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Recherches dans des cartons issus de fouilles des années 1970 au Musée National d’Archéologie. Des milliers de restes osseux ont été triés et 47 nouveaux restes fossiles appartenant à l’enfant néandertalien « La Ferrassie 8 » ont été reconnus. — © Antoine Balzeau – CNRS/MNHN

Un an s’écoula avant que le paléoanthropologue obtienne l’autorisation de retourner aux fouilles de la place n°1. 1, pour tenter de retrouver les jambes de l’enfant, car seuls des éléments du haut du corps avaient été retrouvés. Sur place, d’éminents collègues anglo-saxons travaillent déjà et une collaboration se noue. L’auteur décrit l’ambiance des fouilles, la communication avec ses pairs, qui démarre plutôt bien mais se fige ensuite au moment de publier ses conclusions.

Recherches à venir

De ce travail de terrain, le scientifique et son groupe tireront principalement des informations contextuelles, datant des couches autour de l’enfant, grâce à une batterie de méthodes modernes – très bien popularisées par l’auteur – dont étaient privés leurs prédécesseurs : le théodolite pour la reconstruction 3D. de fouilles, paléoprotéomique et ADN ancien pour l’identification de morceaux d’os, datation au carbone 14 et luminescence optiquement stimulée.

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L’enquête sur LF8 a duré sept ans, avec son lot de découvertes et de déceptions, mais au final une démonstration scientifique basée principalement sur l’orientation des ossements et l’âge du sol contenant les restes qui est plus ancien (-60 000 ans) que celui des os de l’enfant (-42 000). Et la compréhension de ces Néandertaliens de La Ferrassie se poursuit pour Antoine Balzeau. «Nous avons fait une datation des ossements associés au premier adulte retrouvé à La Ferrassie LF1 et qui donnaient un âge très proche de celui de l’enfant», note le paléoanthropologue. J’ai fait une demande pour exploiter d’autres fragments d’os, j’attends la réponse. Si nous parvenons à trouver des informations complémentaires sur les différents individus, nous pourrions essayer de construire un certain réseau, pour voir s’ils étaient contemporains ou non, voire peut-être parents. On peut répondre à ces questions, c’est extrêmement intéressant.»


Antoine Balzeau, Histoire d’os. Sur les traces des NéandertaliensEditions Tana, 2024.

 
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