rencontre avec le pionnier de la télé-réalité

Elle passait parfois ses nuits dans un débarras vidé de ses cartons remplis de cassettes vidéo pour faire un lit. Pas même le temps de rentrer dormir à la maison. Durant ces deux mois – peut-être les plus intenses de sa vie – elle a mangé et respiré « Loft Story ». « En plus, je portais toujours la même tenue. Un treillis – je me demande même quand je l’ai lavé – et une paire de Converse, se souvient, amusée, Alexia Laroche-Joubert. J’étais un guerrier, j’avais un couteau entre les dents. Ce n’est pas tant que je voulais réussir, c’est que je voulais absolument faire ce programme. »

Retour au début du millénaire. Alexia Laroche-Joubert comprend – bien avant tout le monde – quel bouleversement la télé-réalité va être pour le petit écran, média né à peine un siècle plus tôt, mais déjà vieillissant. Aux Pays-Bas, « Big Brother », la version originale du genre, était un phénomène de société. En France, le « Loft » sera une révolution culturelle. « Intellectuelle, même », assure Alexia Laroche-Joubert. Aucun autre pays n’a vécu une telle situation. Pour nous, le sujet est passé de la rubrique TV des journaux aux pages d’enquête. »

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A son arrivée chez Endemol en 2004, elle crée « La ferme célébrités », dont la première saison a réuni près de 6,5 millions de téléspectateurs en moyenne.

RÉDACTION
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© S.MICKE/PARISMATCH/SCOOP

Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? De nombreux ersatz au goût douteux ; des petites phrases consignées dans les annales – « Vous les énervez avec un grand A » – ; et bien évidemment la scène non censurée dans la piscine entre Jean-Édouard et Loana. Celle-là même qui fera s’exclamer Alexia Laroche-Joubert, en coulisses : « Comment va-t-on changer l’eau ? » « J’étais tellement fatiguée, la tête dans le guidon, que je m’accrochais à une forme de matérialité », explique-t-elle aujourd’hui. En coulisses, c’est ce qui nous manquait : « C’est pour cela que nous avons voulu raconter l’histoire du loft dans le loft, comme une sorte de poupée russe. Il n’y avait pas que les candidats qui étaient enfermés, nous aussi. »

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Enfin la liberté ! La gagnante de la première saison en route pour aller danser. 6 juillet 2001.

© Khayat Nicolas/ABACA

Elle a produit « Loft Story », elle produira « Cult »

Vingt-trois ans plus tard, Alexia Laroche-Joubert a puisé dans ses souvenirs pour les livrer aux scénaristes Matthieu Rumani et Nicolas Slomka. Elle a produit « Loft Story », elle produira « Cult ». « Un scénario unique », vante-t-elle, avant de préciser qu’elle n’a été en aucun cas interventionniste dans le processus de création. Dans la série, Alexia Laroche-Joubert est rebaptisée Isabelle de Rochechouart : « Ce n’est pas un biopic. Et heureusement, car à l’époque, ma vie était ennuyeuse. J’étais marié, j’allais avoir un enfant, tout était calme. »

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L’actrice Anaïde Rozam, 27 ans, a été choisie pour incarner la productrice.

© Fanta Kaba

Un quotidien bien rangé qui est selon elle une des clés de sa réussite. « Je fais du tai-chi, je me couche toujours avant minuit, je n’ai jamais bu ni fumé. » Et dire qu’on la croyait mondaine. Autre inexactitude : contrairement à ce qu’affirme la série, cette petite fille du 16ème arrondissement s’entendait bien avec ses parents. Papa est directeur de publicité, maman est journaliste de guerre. « Ils ont adoré le « Loft », corrige Alexia Laroche-Joubert. Quoi qu’il en soit, ils m’ont soutenu dans tout ce que j’ai fait. » Dyslexique, elle a suivi une scolarité tumultueuse, manquait chaque année un redoublement et devait travailler dix fois plus que ses camarades de classe pour obtenir des résultats passables. Rien pour décourager cette femme ambitieuse. «Je suis née pour manger le monde», nous dit-elle, racontant que lorsqu’elle était petite, elle montrait déjà ses griffes.

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type="image/webp"> type="image/webp"> type="image/webp"> type="image/webp">Chez elle, à Paris, avec ses deux teckels : Hip-Hop, 12 ans, et Wilow, 5 mois, le 30 septembre.>>>>

Chez elle, à Paris, avec ses deux teckels : Hip-Hop, 12 ans, et Wilow, 5 mois, le 30 septembre.

© Ilan ALLEMAND

Sa réputation n’est plus à faire. Au fil des portraits publiés dans la presse, elle est décrite comme toujours intransigeante, souvent autoritaire, parfois castratrice. Elle s’avoue « cash » et « dure », regrette seulement d’avoir « laissé des gens sur la plateforme » à plusieurs reprises. Difficile de la suivre alors qu’elle roule à cent à l’heure. Un flux de mots aussi rapide que le flux de ses idées. Pas étonnant que certains de ses collègues la surnomment – ​​plus ou moins affectueusement – ​​le « petit lapin Duracell ».

Une vie marquée par plusieurs drames

Elle se précipite, tête baissée. En 2003, son partenaire, le patron de la maison de disques Yan-Philippe Blanc, se suicide en moto alors qu’il rentrait chez lui après avoir dîné au restaurant. Leur fille Solveig venait d’avoir un an. Bien que dévastée, Alexia Laroche-Joubert est revenue au bureau trois jours après le drame. Elle se souvient de ce SMS envoyé par une amie : « Dieu choisit les gens pour qu’ils connaissent une douleur et un bonheur extrêmes. » Elle connaîtra d’autres chagrins. En 2021, son demi-frère cadet, Andréas, est décédé à l’âge de 25 ans, également dans un accident de la route. Une fois de plus, le travail aidera Alexia à surmonter cette épreuve.

A-t-il déjà été critiqué pour avoir fait de son travail sa première priorité ? « Oui, j’avais des gars qui pensaient que je n’étais pas assez présent. Mais vous savez, vous ne pouvez pas avoir d’amis, faire du sport, travailler, prendre soin de vos enfants et avoir du bon sexe. À tout moment, sur cinq, il y en a deux qui doivent être abandonnés. A vous de choisir lesquels. » Aujourd’hui, elle a trouvé son équilibre avec Mathieu Grinberg, entrepreneur dans l’hôtellerie : « Il travaille six mois à l’étranger, six mois chez lui. Lorsqu’il est là, c’est lui qui s’occupe de l’environnement familial. La période vraiment compliquée de ma vie, c’est quand j’étais veuve et seul interlocuteur pour mon aînée. Puis quand j’ai divorcé alors que ma deuxième fille avait 1 an. »

En regardant les années en arrière, elle avoue qu’elle n’était peut-être pas une mère idéale. Mais ses remords sont vite balayés : l’essentiel, dit-elle, c’est que ses filles se « sentent bien ». On se demande alors : les laisserait-elle faire de la télé-réalité ? ” Bien sûr ! Je ne serais pas en mesure de me boucher le nez… Alors, au moins, je pourrais les avertir des conséquences. » La question n’est, pour l’instant, pas posée. Solveig, l’aîné, 22 ans, vient d’obtenir son diplôme de l’Université McGill au Canada. Tandis que la plus jeune, Isaure, 16 ans, a déjà mis les pieds au cinéma, en jouant aux côtés de Vincent Lacoste dans le film « Amanda », de Mikhaël Hers (2018).

Alexia Laroche-Joubert

Alexia Laroche-Joubert aurait aussi pu être comédienne. En 1995, elle décroche un rôle dans « Le garçu », de Maurice Pialat. « Après, je me suis dit, plus jamais ça. Et cela n’a rien à voir avec Depardieu, un partenaire de tournage que j’ai trouvé formidable. Mais déjà, je me sentais mal. Aussi, je ne voulais pas participer au désir de l’autre, même si c’est la base pour être acteur. »

Pourtant, elle n’hésite jamais à faire le show. Directrice de la « Star Academy » pendant cinq saisons, elle s’est livrée à des chorégraphies endiablées aux côtés d’un Kamel Ouali survolté, chaque samedi soir en prime time sur TF1. À plusieurs reprises, on lui a proposé la présentation d’un spectacle. Même si elle ne refuse pas quelques apparitions – comme en 2022, mouillant le t-shirt dans « Fort Boyard », émission qu’elle produit –, elle préfère tirer les ficelles dans l’ombre. «J’aime me sentir puissante», avoue-t-elle d’emblée, sans rougir ni cligner des yeux. Un aveu pas si habituel pour une femme de pouvoir. « Mais je n’ai jamais fait de sales tours dans ma carrière, j’ai seulement été assez stratégique pour obtenir ce que je voulais. » Depuis septembre 2023, elle a accédé aux sommets, nommée PDG de l’entité française de Banijay, premier producteur mondial d’audiovisuel, qui conçoit les mastodontes que sont « Koh-Lanta », « Touche pas à mon poste » ou encore « Miss France ». .»

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Moment de complicité entre l’actrice et celui qu’elle incarne dans les bureaux de Banijay. Paris, le 9 septembre.

© Ilan ALLEMAND

Un jour – elle ne se souvient plus exactement quand – elle a pensé à tout arrêter. Elle s’était même renseignée sur les possibilités de formation pour devenir vétérinaire. Après tout, pourquoi pas… Elle adore les animaux, ne se sépare jamais de ses deux adorables teckels, monte à cheval depuis longtemps et a la nostalgie des séjours passés chez sa grand-mère à la campagne, entourée de vaches, de poules et de lapins. Mais la réalité l’a ramenée à la raison : les études prenaient beaucoup de temps et ne lui auraient pas permis de subvenir aux besoins du ménage.

Était-ce vraiment ces considérations financières qui l’en dissuadaient ? Ou plutôt son amour immodéré pour la télé ? Alexia Laroche-Joubert n’a jamais cessé de la regarder, curieuse de choses nouvelles, même de celles qui n’étaient pas de sa faute. Elle a un faible pour « L’amour est dans le pré » et « Mariés au premier regard », préfère les émissions avec des anonymes à celles avec des célébrités, s’ennuie devant « Frenchie Shore », que nous voulions présenter comme l’héritière du « Loft ». ». Récemment, elle a assisté à la conférence de rentrée de la chaîne Arte et a été attirée par tous les programmes proposés. Elle s’arrête un instant puis continue en riant : « En tant que personne très adolescente dans mon caractère, cela m’a vraiment fait paraître vieille. »

 
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