Girls of the Golden West de John Adams, ou la face très sombre de la ruée vers l’or

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John Adams (né en 1947) : Girls of the Golden West, opéra en deux actes sur un livret de Peter Sellars, basé sur différentes sources : Mark Twain, Louise Clappe, William Shakespeare, Rosalía de Castro, Alfonsina Storni, Ramón Gil Navarro, Frederick Douglass, Poèmes cantonais. Avec : Julia Bullock, soprano (Dame Shirley) ; Daniela Mack, mezzo-soprano (Josefa Segovia) ; Hye Jung Lee, soprano colorature (Ah chante) ; Elliot Madore, baryton (Ramón) ; Paul Appleby, ténor (Joe Cannon) ; Davóne Tines, baryton (Ned Peters) ; Ryan McKinny, baryton (Clarence). Los Angeles Master Chorale (directeur de chœur : Grant Gershon) et Los Angeles Philharmonic, chef d’orchestre : John Adams. 2 CD Rien de tel. Enregistré au Walt Disney Concert Hall de Los Angeles les 27 et 29 janvier 2023. Notice de présentation de 72 pages en anglais. Durée : 58:33 + 68:14

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Filles du Golden Westle quatrième opéra de John Adams, met en musique une nouvelle page de l’histoire des États-Unis : la ruée vers l’or.

Si l’on exclut les opéras-oratorios (du type Le Niño) de son catalogue, on remarque que les opéras à proprement parler de John Adams sont consacrés à des pages de l’histoire de son pays. Après les relations Est-Ouest (Nixon en Chine), le problème palestinien (La mort de Klinghofer), la bombe atomique (Docteur Atomique), John Adams fait revivre la ruée vers l’or (1848-1856) avec notamment, respectivement à partir de 1910 et 1925, Giacomo Puccini (La Fille du Far West) et Charlie Chaplin et avait déjà incarné le côté obscur. Composé à partir de plusieurs sources, Filles du Golden West assombrit l’image. Librettiste quasi-officiel du compositeur, Peter Sellars s’est une nouvelle fois transformé en rat de bibliothèque : Filles du Golden West repose sur une certaine notoriété (La manière dure par Mark Twain ou Macbeth de Shakespeare) mais surtout sur les lettres que Louise Clappe, avant de les publier en feuilleton sous le pseudonyme de Dame Shirley, envoyait régulièrement depuis la Sierra Nevada à sa sœur restée à l’Est.

Filles du Golden Westun opéra en deux actes d’une durée de 2 heures et 10 minutes créé à San Francisco en 2017, met en scène sept personnages dont l’acte I, à la manière d’une longue scène d’exposition, dresse de très beaux portraits. La parité est quasiment respectée entre Clarence et Joe (deux mineurs), Ned (cuisinier, esclave récemment affranchi), Ramdepuisn (barman au saloon) et Josefa (barmaid), Ah Sing, prostituée chinoise et Lady Shirley. Cette dernière dénoue les enjeux financiers, raciaux et sexistes de ce microcosme dans lequel elle suivait son mari banquier, un regard qui n’est pas sans évoquer l’œil rétrospectif du Capitaine Vere de Benjamin Britten dans Billy Budd. L’acte II, dont l’action se déroule le 4 juillet (un sacré symbole aux Etats-Unis, leur fête nationale), également plus explicite dans sa description de ce que l’humanité peut condenser en toxicité masculine, se conclut sur l’étonnement d’un lynchage perpétré par une meute : aucune fille du Far West de Puccini ne vient chez Adams pour desserrer la corde que Josefa aura nouée autour de son cou, pour avoir, en état de légitime défense, osé poignarder la mineure qui voulait la violer.

Pour son Il était une fois en Occident lyrique, John Adams affirme avoir composé la musique la plus directe et la plus simple de toute sa carrière. Il avoue avoir voulu revenir à ses huit ans et, pour ce faire, avoir dû « sauter par-dessus » Cage et Stockhausen. Comme frappées par l’urgence, les premières mesures éclatent en fait comme une autre Côté ouestcelui de Leonard Bernstein. La suite, très contrastée, ressuscite un Far West plein de pulsations et de clair-obscur. Très nombreux, les chœurs (d’hommes bien sûr) sont comme d’habitude chez Adams, magnifiquement écrits, ils passent d’innocentes premières chansons à boire à des terrifiantes et très « petergrimsiennes » Ce Joe et Cela fait quatre longues années que je suis arrivé sur cette terre finales déversées par la meute hurlante. Les lignes vocales des solistes affichent le lyrisme brûlant que l’on retrouve généralement dans tous les opéras américains. Qu’elle s’essaye ou non à flirter avec le chant traditionnel (la Ballade des Ah chante de l’acte II ou du Viens autant de Josefa), la virtuosité orchestrale de John Adams est manifeste, et même captivante, au détriment, comme on le voit depuis Docteur Atomiqueavec un sens mélodique vraiment mémorable.

Du côté des filles, Julia Bullock (ambitus intense), Hye Jung Lee (colorature radieuse), Daniela Mack (mezzo sombre) ; côté garçons, Paul Appleby (ténor percussif), Ryan McKinny et Elliott Madore Davdepuisne Tines (splendide trio de barytons sombres) : le casting n’a pas de maillon faible. John Adams, à la tête du Los Angeles Philharmonic, est un parfait ambassadeur de son travail. Quant à la prise de son, comme toujours avec Nonesuch, c’est une pure merveille. En attendant peut-être (comme le fait le cinéma depuis les années 1970) que Peter Sellars et John Adams mettent prochainement en scène le massacre des peuples amérindiens, on peut déjà se précipiter vers la « splendeur insondable » (ce sont les derniers mots de Dame Shirley) de ceux-ci Filles du Golden West.

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John Adams (né en 1947) : Girls of the Golden West, opéra en deux actes sur un livret de Peter Sellars, basé sur différentes sources : Mark Twain, Louise Clappe, William Shakespeare, Rosalía de Castro, Alfonsina Storni, Ramón Gil Navarro, Frederick Douglass, Poèmes cantonais. Avec : Julia Bullock, soprano (Dame Shirley) ; Daniela Mack, mezzo-soprano (Josefa Segovia) ; Hye Jung Lee, soprano colorature (Ah chante) ; Elliot Madore, baryton (Ramón) ; Paul Appleby, ténor (Joe Cannon) ; Davóne Tines, baryton (Ned Peters) ; Ryan McKinny, baryton (Clarence). Los Angeles Master Chorale (directeur de chœur : Grant Gershon) et Los Angeles Philharmonic, chef d’orchestre : John Adams. 2 CD Rien de tel. Enregistré au Walt Disney Concert Hall de Los Angeles les 27 et 29 janvier 2023. Notice de présentation de 72 pages en anglais. Durée : 58:33 + 68:14

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