Ruben Barrouk est un « juif arabe », un Français de 27 ans d’origine marocaine et le plus jeune prétendant au Goncourt, le prix littéraire le plus prestigieux de France, avec son roman Tout le bruit du Guéliz qui évoque la cohabitation pacifique passée entre Juifs et musulmans de Marrakech. Son livre, publié chez Albin Michel, est le seul premier roman parmi les 16 figurant sur la première liste du célèbre prix Goncourt.
« C’est beau parce que ça donne de la visibilité au livre. Pour moi, c’est tout ce qui compte», explique-t-il au festival littéraire Correspondances à Manosque, dans le sud-est de la France.
Le roman raconte une histoire vraie : celle de sa grand-mère, Paulette, dont il a gardé le prénom, une des dernières représentantes de la communauté juive de Marrakech.
Presque tous ont fui cette ville et le Maroc, lorsqu’Israël et les pays arabes sont entrés en guerre.
« Au moment où, très précisément, Israël bombardait l’Egypte, en 1967, il y eut la dernière grande vague de départ des populations juives vers Israël, mais pas seulement. Ma mère et ses frères et sœurs sont également allés en France. Nous avons de la famille aux États-Unis, au Canada… », raconte Ruben Barrouk.
Paulette est restée. Comme elle le dit dans le roman, elle ne sait pas vraiment pourquoi, à part qu’elle a entendu « une voix ».
souffler pour le faire.
Le jeune romancier est né bien plus tard, en 1997, à Paris, où il a grandi. Et j’ai hérité de cette histoire.
« Je suis un juif arabe. Et avant d’avoir un quelconque désir de paix, vous devez aussi faire la paix en vous-même avec vos identités », dit-il.
« Le vide »
Le fameux bruit du titre est un son non identifié qui empêche de dormir cette grand-mère, habitante de Guéliz, un quartier de la ville ocre au pied de l’Atlas.
Tout est authentique quand Ruben Barrouk affirme que lui et sa mère, à l’hiver 2022, vont identifier ce bruit. Ou bien aidez la grand-mère à l’identifier, en plongeant dans un passé où le quartier juif, le Mellah, grouillait de monde.
« Les Juifs étaient présents et vivaient dans une certaine forme d’harmonie et de paix possible, à cette époque, avec les populations musulmanes. Il est important de comprendre qu’aucune guerre n’a suivi cette paix. Rien ne s’est produit parce que les Juifs sont partis. Le vide», souligne le jeune écrivain.
« Je sais que tout n’était pas rose à cette époque. Il y a eu la colonisation, évidemment, et de nombreux épisodes dramatiques. Mais ça ressemblait à quelque chose de beau. Nous en sommes loin aujourd’hui », ajoute-t-il.
A Manosque, il a débattu avec un autre romancier en lice au Goncourt, le Marocain Abdellah Taïa, 51 ans et 11 romans à son actif. Parmi les 200 à 300 personnes présentes, un vieil homme s’est levé pour crier en arabe : « Vive le Maroc ! Vive la France ! »
Ruben Barrouk comprend cette langue mais ne la parle pas.
Sa grand-mère, encore aujourd’hui, le fait très peu. Dans le roman, il raconte que les enfants comprennent qu’elle est juive, donc forcément étrangère pour eux, et veulent lui montrer le chemin de la synagogue. Elle leur répond dans leur langue, avec un accent de Marrakech.
« Tout le monde nous regardait, bouche bée », décrit le narrateur. « Ils vivaient dans l’ancien quartier juif, qui leur appartenait désormais, sans le savoir. »
Hugues HONORÉ/AFP
Ruben Barrouk est un « juif arabe », un Français de 27 ans d’origine marocaine et le plus jeune prétendant au Goncourt, le prix littéraire le plus prestigieux de France, avec son roman Tout le bruit du Guéliz qui évoque la cohabitation pacifique passée entre Juifs et musulmans de Marrakech. Son livre, publié chez Albin Michel, est le seul premier roman parmi les 16…