Mylène Farmer ravit ses fans au Stade de dans un spectacle gothique-hitchcockien

Mylène Farmer ravit ses fans au Stade de dans un spectacle gothique-hitchcockien
Mylène Farmer ravit ses fans au Stade de France dans un spectacle gothique-hitchcockien

Un an après le report de ses dates parisiennes, l’énigmatique star conclut sa tournée « Nevermore ». Vendredi soir, ce fut un déluge de hits dans une impressionnante scénographie auto-référencée, placée sous le signe du corbeau. Régressif!

Mylène Farmer et sa voix toujours aérienne. Photo Robin

By Léa Bucci

Publié le 28 septembre 2024 à 9h12

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Ntoujours (« plus jamais »)Vraiment ? La tournée des stades de Mylène Farmer a bien failli honorer le titre en lettres rouges qui apparaît ce vendredi 27 septembre sur l’écran du mythique Stade de . La série de concerts franciliens a été reportée de l’été 2023 à l’automne 2024, en raison des émeutes liées à la mort du jeune Nahel. Une bénédiction déguisée : la grisaille convient mieux à l’univers sépulcral de la star. La pluie s’est tarie, tout comme la file de fidèles qui campaient devant l’entrée et laissaient derrière eux des couvertures de survie et des bouteilles. Dans le stade, presque plein, l’ambiance est bon enfant. Alors mon voisin de table, qui s’avérera doté de cordes vocales à faire pâlir la rousse chanteuse, se targue d’être son “le plus grand fan, évidemment”.

Comme ceux-là, sans doute, massés dans la fosse, autour d’une saillie scénique taillée en forme de croix. A la fin, deux corbeaux géants se dégonflent sans que personne ne s’en aperçoive. L’écran diffuse le clip en noir et blanc de Regrets (1997), que Mylène Farmer a enregistré avec feu Jean-Louis Murat, décédé en mai 2023. L’hommage laisse place à une volée d’oiseaux noirs hitchcockiens, tourbillonnant jusqu’à dessiner une silhouette creuse. Enfin, le chanteur sort de terre sur une version allégée de Temps (2011). Des deux côtés apparaissent des épouvantails avec des crânes d’oiseaux. Véritable icône du spectacle, le corbeau apparaîtra pendant deux heures sous diverses formes. Pour les plus subtils : une voix off gutturale déclamant Le Corbeau du poète romantique américain Edgar Allan Poe. Pour le plus spectaculaire : une sculpture géante du ventre de laquelle Mylène Farmer, en costume doré, interprète Tristana (1986), ce qu’elle n’avait plus fait depuis Tournée 89.

Pierres tombales et croix lumineuses

Une tournée au cours de laquelle Plus jamais n’arrête pas d’y faire référence, m’informe mon voisin, qui y a assisté – malheureusement je ne suis pas né. Le retour en grâce des années 80 n’a pas échappé à l’équipe stylistique de la chanteuse : cheveux cuivrés coiffés en queue de cheval, vestes à basque et chemises à volants d’époque. Libertin (1986). Pas besoin de retrouver l’inspiration pour le tableau Sans contrefaçon (1987), qui reprend la chorégraphie et les costumes à carreaux noirs et blancs du célèbre Tournée 89. Les pierres tombales surmontées de croix lumineuses poussent comme des fleurs sur scène – encore une fois, cela ressemble à du déjà vu.

Comme toujours chez Mylène Farmer, la scénographie multiplie les éléments mystico-religieux de manière attendue mais excessive. D’où des séquences visuellement remarquables, principalement autour des chansons de l’album La prise (2022) : une gigantesque faucheuse gonflable et un défilé de personnages encapuchonnés tenant des lanternes pour Que je deviens… ; l’incendie lumineux d’une partie d’une cathédrale gothique sur Comme l’aube est belle. Sans oublier le superbe rappel de Raviver les étoiles : écran scintillant de tons bleutés, rayons balayant la salle, Mylène Farmer suivie de ses seize danseurs… Ces dernières insufflent aussi la dynamique des titres les plus entraînants, comme C’est une belle journée (2001) ou Oui mais… non (2010). Sans eux, le chanteur semble parfois s’en tenir à une mécanique (trop) bien huilée entre deux fondus au noir. Comme lorsqu’elle se produit perchée sur un bras mécanique dès le deuxième titre du concert (Peut-être que toi, 2005) : l’effet aurait été plus fort à la fin.

« Mylèèèèneeeee » dans une faucheuse gonflable géante.

« Mylèèèèneeeee » dans une faucheuse gonflable géante.

« Mylèèèèneeeee » dans une faucheuse gonflable géante. Photo Robin

Heureusement, à mi-chemin, la basse laisse la place au piano d’Yvan Cassar et aux musiciens (guitaristes, bassiste, batteur), jusqu’ici noyés dans le décor. Dans une robe en lamé argenté, Mylène Farmer déploie plus frontalement sa voix éthérée, que l’on se réjouit de retrouver plus intelligible. Les lumières des smartphones s’illuminent comme autant d’étoiles dès les premières notes de Rêve (1995). La foule communie avec ses “Mylène.” Alors la mystérieuse rousse lui laisse le dernier mot (“aimer”) et tend le micro pour un refrain a cappella. Elle fera de même, bien plus tard dans la soirée, avec Désabusé (1991), “une chanson qui rassemble”dit-elle. Peu bavarde, la réservée Mylène Farmer offre ses sourires les plus francs à ses invités surprises : AaRON et Seal, interprètes respectifs et respectés de Rayonne verte (2022) et Les mots (2001). Dans les tribunes, on soupire de contentement.

Après un dernier remerciement, le chanteur tire sa révérence en s’envolant dans les airs, enfermé dans une cage d’écrans qui s’assombrissent pour devenir nuages ​​puis oiseaux. Ici, elle redevient une énigme. Force est de constater que deux heures se sont écoulées en un clin d’œil. Quel musicien français vivant peut se vanter, sur une telle période, de n’interpréter (presque) que des tubes ? Si Mylène Farmer n’est plus l’artiste transgressive des débuts, son apparente immuabilité a quelque chose de réconfortant. Et fait de Plus jamais un plaisir régressif, qu’on avale comme un paquet de bonbons.

 
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