comme un conte pour adultes

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À la cour d'assises Nord de Douai, le 8 septembre 2017, à l'ouverture du procès pour infanticide de Fabienne Kabou. COURBE/PHOTOPQR/VOIX DU NORD/MAXPPP

« Récit de certains faits », par Yasmina Reza, Flammarion, 240 p., 20 €, numérique 15 €.

Recueil de cinquante-quatre textes – tous inédits. Courts, nerveux, secs comme le corps d’un athlète, limpides comme le cristal. On peut se demander si le projet initial n’était pas de consacrer cet ouvrage entièrement à la chronique judiciaire. L’ouvrage est également dédié à Pascale Robert-Diard, chroniqueuse judiciaire à Mondeet à Stéphane Durand-Souffland, qui officie à Figaro. Ces récits, qui traitent aussi bien de la justice ordinaire traitée en cour correctionnelle que des crimes jugés aux assises, forment un tout cohérent. Les autres textes évoquent des événements autobiographiques.

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On pourrait écrire un roman sur chaque cas. Le procès de Nicolas Sarkozy, transformé, le temps d’un coup de fil avec son avocat, en l’improbable Paul Bismuth, devenu depuis aussi célèbre que le Loup Blanc. Celui de Jean-Marc Morandini, à qui l’on reproche ses échanges – pour le moins malsains – avec des garçons mineurs et qui prononce en guise d’explication et d’excuse ces phrases entendues un nombre infini de fois dans les salles d’audience : « À aucun moment je n’ai imaginé cela. Je suis désolé pour les conséquences. Bon, voyons, et d'ailleurs, on n'imagine même pas que l'océan déchaîné est liquide avant de se jeter à l'eau. Yasmina Reza assiste également au procès de Fabienne Kabou, qui a abandonné sa fille Adélaïde sur la plage de Berck-sur-Mer (Pas-de-Calais) pour qu'elle soit submergée par la marée. Elle traite de ces délits et crimes sans chercher à les étirer dans tous les sens pour en tirer des vérités éternelles.

Yasmina Reza évoque aussi le procès de Jonathann Daval, qui a assassiné sa femme, Alexia Fouillot, et est ensuite apparu dans les médias pendant des semaines, en pleurs, dans les bras des parents de la jeune fille qui le considéraient désormais comme un fils. Interrogé, il affirme que le meurtre est le résultat d'une dispute et puis qu'en réalité il n'en sait rien, que désormais tout lui est indifférent, qu'il se moque de la peine qui lui sera infligée. Et le procès pour viol de Tariq Ramadan, depuis renvoyé par la cour d'appel au tribunal correctionnel départemental. Sans compter ces audiences correctionnelles au cours desquelles les « violence domestique ordinaire ». Toute l’horreur, toute la misère du monde.

Petits éclats de vie

Le reste du livre se déroule principalement à Paris et à Venise, où l’auteur a un appartement. Venise, ses nuages, son soleil, sa mélancolie. Lumière blanche du zénith, orange du crépuscule, lumière noire de la nuit – si un tel oxymore pouvait jamais exister. Reza nous livre de rares fragments de son quotidien. Non pas des tranches, mais de petits éclats de vie. L’auteur n’aime pas se confier, répugne même à donner des interviews. Des personnages proches, soupçonnés au loin et puis tous ces gens qu’on ne voit qu’une ou deux fois dans sa vie. Certains, avec qui on a échangé quelques mots, d’autres avec qui on a entamé une conversation d’autant plus personnelle qu’on ne les reverra jamais, et ces atomes de la foule qu’on a croisés en silence, les prenant un instant pour d’autres, perdus de vue depuis longtemps.

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