à pas mesurés, entre avenir et mémoire

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« Ailes fragiles » (2012). KYLE THOMPSON/AGENCE VU

« Cette vieille chanson qui brûle », d’Alexandre Lenot, Denoël, 240 p., 20 €, numérique 15 €.

Le retour d’un fils au bercail… C’est un vieux refrain qui Cette vieille chanson qui brûle, deuxième roman d’Alexandre Lenot, après Écorce vivante (Actes Sud, 2018). Pourtant, cela se lit comme l’aube des mots. Noé marche avec sa colère, qui pèse plus lourd que le monde. La route le ramène à son père. À son frère qui n’est plus. Des vents vers leurs retrouvailles, sans que l’on sache si le livre acceptera ou non de confronter le patriarche à celle de sa progéniture qui est encore vivante.

C’est dans ce suspens que chaque phrase cascade à travers le chapitre, dégringolant d’une vision à l’autre, mimant le rythme syncopé de la marche. Parfois, elle continue malgré tout, bute de l’autre côté du point – l’urgence est telle, alors, qu’aucune clause ne peut interrompre son souffle déchiré. Après ces années de silence sous lesquelles le père a enterré Noé et son jumeau Jérémie, reprendre la route, c’est aussi pour lui, enfin, écrire sa propre histoire.

Noé est un danseur. Dans ses mouvements comme dans sa vie, il n’a pas encore réussi à entrer en relation avec les autres. C’est donc avec ses phrases en vers, ses rejets et ses contre-rejets, un régime somptueux de prose et de poésie, qu’il avance. Cette chanson romantique éblouissante est une méditation d’équilibriste, au-dessus d’un fil fragile, sur ce qui pourrait être dit au père affamé. Un geste et sa négation, une avance et un recul. Dans quelle direction, au fond, marche Noé ? Est-il en train de partir, cherchant toujours à partir, ou ne cesse-t-il jamais d’arriver, de revenir ?

Car comment peut-on vivre dans l’orbite d’une étoile morte ? Noé sait que les lieux où il est sur le point de retourner – les ” Restes “ du père, « rangée de pièces vides » sur les hauteurs, entouré d’une forêt « impénétrable et touffu »la cabane construite avec Jérémie au bord d’une rivière pour construire une vie loin du père, la « sous-bois plein d’humus » – ne sera plus jamais comme avant : celui qui en était pour lui le cœur n’est plus. La maison, en revanche, a été amputée de la forêt, vendue à des promoteurs. Si la route qui y mène est la même, il faut inventer un nouveau chemin. Alors il se pose des questions, supplie son père de se souvenir avec lui. De partager une partie du voyage.

La mécanique de l’absence

Avant de mourir pour sa forêt, Jérémie avait décidé de rester auprès de son père, et la relation gémellaire avait basculé. Intrépide quand Noé avait peur de tout, il était le fils préféré. Alors Noé marche, englouti par cette question : son père aurait-il préféré que ce soit lui qui meure ? Est-il, lui, Noé, un faux être vivant ? La mécanique de l’absence a inversé ses rouages ​​: maintenant que celle dont il s’est abreuvé de la présence pour recracher le père s’est dissoute dans les limbes, il doit faire rentrer dans le cercle celle qu’il a passé sa vie à éloigner.

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