« Si rien n’est fait, nous pourrions passer de l’inquiétude au désastre. » Le président du tribunal de commerce de Niort, Bernard Baré, s’y est rendu directement ce lundi 20 janvier 2025 lors de l’audience solennelle de rentrée. Lorsque, au cours de l’année 2024, il se retrouve face à face avec des chefs d’entreprise en difficulté, la litanie des sujets abordés est interminable : baisse de la croissance, manque de professionnels, prêts garantis par l’État pour être remboursés, épuisement professionnel, burn-out. .
“La reprise judiciaire n’est pas une honte”
En Deux-Sèvres, si l’on regarde le nombre de procédures collectives (rectifications judiciaires, liquidations entre autres), 2024 a été relativement stable par rapport à 2023 : + 5 % contre + 15 % à l’échelle de la Nouvelle-Aquitaine et + 30 % à Bordeaux. Mais on reste à des niveaux élevés par rapport à 2022. Les nouvelles procédures de sauvegarde ont doublé, passant de 5 à 10 en trois ans. Dans le même intervalle, les sursis de paiement sont passés de 106 à 159, les réorganisations judiciaires de 33 à 45, les liquidations judiciaires directes de 86 à 143. Principaux secteurs concernés : la restauration et le bâtiment.
La fragilité est là. « L’année 2024 a été marquée par des défis importants. De nombreuses entreprises ont du mal à s’adapter à un environnement incertain »a souligné lors de cette audience solennelle le substitut du procureur de la République, Nicolas Leclainche.
Un « problème de survie »
Dans ce contexte, Bernard Baré considère d’autant plus précieux le modèle de la justice commerciale : une justice rendue par des juges bénévoles, des chefs d’entreprise ou des cadres, capables de parler le même langage que les entrepreneurs. « Cela permet de dire : je comprends vos problèmes. » L’occasion de rappeler un leitmotiv : les chefs d’entreprise arrivent souvent trop tard pour frapper à la porte du tribunal.
« Le chef d’entreprise est un optimiste. D’ailleurs, c’est parce qu’il est optimiste qu’il est chef d’entreprise. Mais cela peut encourager le déni. »observe Bernard Baré. La foi en sa bonne étoile dissuade les gens de demander de l’aide. La peur aussi. Encore, « le redressement judiciaire n’est pas une honte pour l’entreprise »souligne le président du tribunal, rappelant que cela pourrait être l’occasion d’un rebondissement. Et la récupération judiciaire n’est de toute façon pas une démarche obligatoire lorsqu’on s’adresse au tribunal : « Au tribunal de commerce, nous ne nous contentons pas de rendre justice, nous essayons patiemment d’aider les entreprises à résoudre leurs problèmes de survie. […] L’expérience montre que ceux qui sont venus ne regrettent qu’une chose : ne pas être venus plus tôt. »
-L’année qui commence sera sa dernière à la tête du court. Cet ancien entrepreneur du BTP, élu juge il y a dix-sept ans, a succédé à Dominique Pluviaud en 2020.
Deux nouveaux juges
Le tribunal de commerce compte dix-neuf juges, cinq femmes et quatorze hommes. Deux nouveaux juges ont été installés lors de cette audience solennelle. Il s’agit de Fabienne Gréteau et Vincent Louis.
Fabienne Gréteau a effectué une grande partie de sa carrière dans le monde bancaire, notamment au sein du Crédit coopératif. Depuis 2008, elle dirige le cabinet niortais Cofinest, spécialisé dans la cession et la transmission d’entreprises. Cofingest rayonne dans tout le Poitou-Charentes et les Pays de la Loire.
Ingénieur de formation, Vincent Louis était consultant en région parisienne avant de créer son entreprise en 1993. En 2006, il reprend la société niortaise Sodip, fabricant et distributeur de peintures. Il est aujourd’hui à la tête de Sodip Industrie dont la clientèle est nationale et même internationale.