Des punaises sont régulièrement déposées, pointe vers le haut, sur la piste cyclable entre Obernai et Goxwiller (Bas-Rhin) depuis plusieurs mois. Des actes ouvertement malveillants envers les cyclistes, signe d’une tension croissante entre les usagers de la route.
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Depuis juillet, les cyclistes et marcheurs voient leurs balades rongées par la présence de punaises de lit, pointes vers le haut, déposées le long de la piste cyclable entre Obernai et Goxwiller, dans le Bas-Rhin. Ces objets sont à l’origine de nombreuses crevaisons. Selon Dernières Nouvelles d’Alsace, un habitant de Gertwiller s’est fait avoir à plusieurs reprises dans la semaine du 6 novembre.Qui est dérangé par les cyclistes au point de commettre ces actes malveillants ?», demande la victime dans le journal local.
Sa question est d’autant plus pertinente qu’il ne s’agit pas d’un cas isolé. En juin et juillet 2023, une véritable épidémie de crevaisons a touché les cyclistes dans la vallée de la Bruche, dans le Bas-Rhin. Des centaines de punaises de lit ont été trouvées sur la piste cyclable de Wolxheim. “Ils étaient dispersés sur plusieurs kilomètresretrace Adrien Kiffel, le maire de la commune. C’était donc clairement un geste réfléchi, fait selon moi à vélo pour pouvoir s’enfuir au cas où la personne serait repérée.“
Depuis, l’auteur des faits est revenu dans le rang et les cyclistes peuvent à nouveau circuler sans crevaisons intempestives. Mais le maire de la commune reste avec une impression d’impuissance insurmontable lorsqu’on lui évoque l’épisode. “Il n’y avait rien à faire. Nous avons fait tous les signalements nécessaires à la gendarmerie, mais eux-mêmes nous ont dit qu’à moins de prendre l’agresseur sur le fait, il était impossible de le retrouver.“
Des actes malveillants similaires ont souvent été commis dans les zones rurales. Est-ce aussi parce que ce sont des zones moins fréquentées ? En 2020, une ou plusieurs personnes ont commencé à disperser des punaises de lit et à installer des barbelés le long d’une voie verte en Mayenne, pendant plusieurs mois. Le conseil départemental avait même un temps envisagé d’investir dans des caméras de vidéosurveillance, avant de changer d’avis en raison du coût.
Beaucoup plus médiatisés, les actes de sabotage et de malveillance envers les vététistes, en pleine nature, sont aussi légion : des câbles tendus entre deux arbres dans cette commune du massif vosgien en mars, ou une planche de clous soigneusement cachée sur un sentier. du VTT dans l’Aisne fin 2023.
Ce sont donc systématiquement des lieux peu fréquentés, sauf par les cyclistes ou marcheurs occasionnels. Qui sont ceux qui se livrent à de tels actes et quelles sont leurs motivations ?
Il est difficile d’établir un profil précis, car les responsables sont très rarement identifiés. Mais Vincent Kaufmann, directeur du laboratoire de sociologie urbaine de l’Université de Lausanne, a étudié en profondeur tous les comportements anti-cyclisme. Il existe selon lui un véritable « sentiment de haine » envers les cyclistes au sein d’une partie de la population. “Face au développement des pratiques multimodales, c’est-à-dire des personnes qui se déplacent un jour en voiture puis le lendemain à vélo par exemple, on remarque une poignée d’irréductibles qui ne jurent que par l’automobile. Ils ont le sentiment que le développement des routes et des politiques de transport ne va pas dans leur sens. Et pour ces personnes, le vélo est devenu synonyme d’être vert, ce qui suscite un sentiment de haine.»
Même si rien ne dit que l’installateur de bugs d’Obernai soit un anticycliste invétéré, il est indéniable que la plupart des actes cités ci-dessus ont été commis sur des chemins exclusivement dédiés aux cyclistes. Pistes cyclables et voies vertes représentent pleinement ce nouvel aménagement de l’espace public, potentiellement perçu comme désavantageux pour les automobilistes.
Peut-être que ceux qui dirigent les politiques publiques doivent faire attention à ne pas agir trop vite.
Vincent Kaufmann, sociologue
La sociologue Rachel Aldred s’exprimait également dans ce sens dans un article du Guardian (article en anglais) en 2015 déjà, lorsqu’elle caractérisait la perception du vélo par certains : «Autrefois moyen de transport pour ceux qui n’avaient pas le choix, il est aujourd’hui vu comme le véhicule de ceux qui ont le choix et qui s’offrent le luxe – celui de vivre dans des lieux adaptés à la pratique et dont la densité permet de se rendre au travail. à une distance raisonnable.“
Alors faut-il désormais sortir les épingles et les barbelés pour exprimer notre mécontentement face à une orientation de développement urbain ? Et, d’autre part, déplorer simplement l’existence de « crétins » ou de « criminels », comme des élus locaux, après chacun de ces actes de malveillance ? Vincent Kaufmann, auteur d’une tribune dans Le Monde à ce sujet, plaide pour un nouveau «fraternité» entre usagers de la route. «Peut-être que ceux qui dirigent les politiques publiques doivent faire attention à ne pas aller trop vite, à ne pas entraîner l’ensemble de la population avec eux. Il est urgent d’apaiser, on l’a vu il y a quelques semaines à Paris Même si ce n’est pas comparable aux punaises de lit, bien sûr, il y a derrière cette perception que l’on a du cycliste…“
Mardi 15 octobre, Paul Varry, cycliste de 27 ans, a été écrasé à mort par un automobiliste après une violente altercation, déclenchant un véritable débat de société sur les tensions entre cyclistes et automobilistes.