Pourquoi est-il si difficile de faire du vélo en banlieue parisienne ?

Pourquoi est-il si difficile de faire du vélo en banlieue parisienne ? C’est la question que s’est posée un étudiant de l’Université Gustave Eiffel en master transport et mobilité dans le cadre de son mémoire de fin d’études. Un mémoire sobrement intitulé «Stratégie de développement d’un réseau cyclable dans les grandes villes, le cas de la banlieue parisienne« . Cet ouvrage, rédigé par Timothée Ait-Isha Serafim, propose de revenir sur les obstacles concrets à la mise en place d’un réseau cyclable. Et ils sont nombreux. Il faudra attendre avant de bénéficier d’un réseau de pistes cyclables en Île-de-.

en Île-de-France : hors Paris, la lutte ?

Pour le meilleur ou pour le pire, la France entière a entendu parler de la fermeture de la rue de Rivoli au trafic de transit. L’objectif était alors d’allouer plus d’espace à la circulation cyclable. Si vous nous lisez, vous savez que c’était plutôt une bonne idée, compte tenu du nombre de vélos sur cet axe stratégique est-ouest de la capitale. Mais saviez-vous que son tracé correspond au premier plan vélo de la ville de Paris ? Lancé en 2015, il a changé le visage de la capitale, du moins pour les cyclistes.

En dehors de Paris, pas de salut pour les pistes cyclables en Île-de-France ?

Hors Paris, il n’y a pas de salut pour les honnêtes gens« . Cette observation des pédants Les précieux ridicules s’applique étonnamment bien aux pistes cyclables d’Île-de-France. Il suffit de prendre son vélo en banlieue pour constater la différence, parfois catastrophique, des infrastructures cyclables selon les communes.

Il reste plus difficile de faire du vélo en grande ou petite couronne qu’à Paris. Malgré la promesse du RER Vélo. Un projet imaginé par des acteurs associatifs en 2019 et repris par la région Île-de-France en 2020. Un projet qui propose de créer des itinéraires structurants pour les cyclistes sur tout le territoire.

Timothée Ait-Isha Serafim connaît les procédures de fabrication des pistes cyclables. Il a travaillé sur le vélo sur la commune de Chesnay-Rocquencourt dans le cadre de son stage chez Colas Route (entreprise habituée à répondre aux appels d’offres des collectivités pour la construction de pistes cyclables). Il a rédigé son mémoire en utilisant deux intercommunalités comme domaine d’études. Celui du Grand Paris Seine Ouest (dans les Hauts-de-Seine) et celui de Versailles Grand Parc (dans les Yvelines).

Pour lui, une première réponse expliquant la difficulté de créer des pistes cyclables est à chercher dans la volonté politique. “Schémas directeurs du cyclisme [des collectivités] dépendent avant tout de la volonté politique et ont tendance à être très optimistes. En effet, les communautés élaborent souvent des plans ambitieux qui reflètent une vision idéale du développement des infrastructures cyclables.“, écrit l’étudiant. Mais cette grande volonté affichée risque d’avoir beaucoup de mal à créer un véritable réseau cyclable.

Un beau revêtement flambant neuf

« La suppression du stationnement reste un point délicat dans les négociations avec les riverains »

Même lorsqu’il existe une volonté politique, les communautés peuvent se heurter au refus des résidents. La suppression du stationnement reste un point délicat dans les négociations avec les riverains. Un problème »omniprésent dans tous les territoires qui[‘il a] étudié» selon Timothée.

Les élus préfèrent aussi l’inauguration de belles infrastructures plutôt qu’une révision du plan de circulation de leur ville. Cette dernière solution permet de calmer un quartier à peu de frais. Mais elle est bien moins visible dans l’espace public qu’une belle piste cyclable au beau revêtement flambant neuf.

Certaines collectivités privilégient souvent les constructions « permanentes », ce qui leur permet d’organiser des inaugurations et de concrétiser leur politique, un avantage indéniable en termes de visibilité.», écrit l’étudiant. Et c’est vrai : nous n’avons jamais ouvert autant de pistes cyclables dans le pays.

Une achillée millefeuille lourde à digérer

Dans les Hauts-de-Seine, selon l’étudiant, les choses évoluent petit à petit. “L’investiture de Georges Siffredi comme président du conseil général du département en 2022 [à la suite de la mort de Patrick Devedjian NDLR] a permis au vélo de trouver sa place sur un territoire autrefois « pro-automobile » et encore aujourd’hui dans certaines communes comme Issy-les-Moulineaux et Boulogne-Billancourt“, says Timothée.

Le département s’est depuis lancé dans d’importants réaménagements de 150 km de routes départementales respectant le cahier des charges du Cerema. Une volonté d’améliorer la qualité des équipements cyclables est suffisamment rare pour être soulignée.

Administrative millefeuille

« Le millefeuille administratif est autant, sinon plus, indigeste qu’après une balade à vélo »

Deuxième gros problème pour développer les infrastructures cyclables, notamment en banlieue parisienne : la multiplicité des compétences et des acteurs. Le millefeuille administratif est autant, sinon plus, indigeste qu’après une balade à vélo. “La pluralité des acteurs implique inévitablement une pluralité de schémas directeurs», précise l’étudiant.

Un état de fait qui nécessite un «une forte concertation entre les parties prenantes« . Ce qui n’est pas toujours le cas, constate-t-il. Résultat : si, côté Hauts-de-Seine, la RD907 est aménagée d’une piste cyclable, elle débouche sur une voie rapide côté Yvelines…

Une note d’optimisme pour l’avenir

© Versailles Grand Parc

Le meilleur peut être l’ennemi du bien, y compris lors de la construction d’un réseau cyclable. C’est, du moins, l’un des enseignements que Timothée Ait-Isha Serafim tire de son étude de cas. En l’occurrence, pour la construction du RER vélo, la région Île-de-France subventionne très largement les communes qui souhaitent construire un tronçon.

Mais seuls les projets respectant les recommandations du Cerema ne sont pas éligibles à une telle subvention. Cependant, le respect de ces recommandations »est souvent difficile à appliquer en raison de […] l’étroitesse des routes, la forte circulation automobile en banlieue… […] Sur certains axes et malheureusement très souvent sur les axes structurants, la complexité du respect des recommandations rend la phase d’étude longue et difficile», ajoute-t-il. Autant de facteurs qui freinent la conception et la mise en œuvre de projets cyclables en banlieue parisienne.

Une note d’espoir

Le mémoire se termine cependant sur une note d’espoir. Les choses évoluent et il faudrait plus de continuité pour les pistes cyclables en Île-de-France. Parce que les collectivités sont plus impliquées sur le sujet. Surtout depuis la crise sanitaire.

Depuis 2022, la mise en place de schémas directeurs vélo en banlieue représente un vrai changement, avec des objectifs clairs en fin de mandat“, concludes Timothée Ait-Isha Serafim in particular. “Malgré les obstacles politiques et les défis de mise en œuvre, il est encourageant de constater que de nombreux acteurs […] sont de plus en plus convaincus des bénéfices d’une politique cycliste ambitieuse», souligne enfin l’étudiant, avec optimisme.

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