Le vélo, outil d’une élite sociale et de loisir
« Les pratiques du vélocipède dans la seconde moitié du XIXe siècle étaient réservées à une élite sociale, qui utilisait l’objet vélocipède à des fins sportives et de loisirs. Mobilité récréative, mais peu d’usage au quotidien ; et pourtant, c’est grâce à ces sociabilités et à ses usages restreints qu’ont vu le jour les premiers aménagements cyclables, et que le vélo a pu se démocratiser à la fin du XIXème siècle » explique la chercheuse Manon Eskenazi dans sa thèse, Voir, faire et découvrir la ville à vélo. Pratiques cyclistes et politiques de mobilité dans deux métropoles européennes.
Les clubs de cyclotourisme ont également joué un rôle important dans la construction des premières infrastructures cyclables. La réflexion sur les vitesses commence en France en 1883… Le cyclisme sportif se développe avec la construction des premiers vélodromes en 1870 et 80.
Aux Pays-Bas, grâce au développement du vélo touristique, l’identité nationale se développe, ce qui explique pourquoi les Pays-Bas ont investi au fil des années dans le développement d’itinéraires touristiques.
Le vélo s’est popularisé en 1900 : l’avènement de la mobilité quotidienne
Le grand été Écoute plus tard
Conférence écouter 4 minutes
La démocratisation du vélo a eu lieu à la fin du 19ème et début du 20ème siècle, elle était liée à une question de production de masse. En France, de 1895 à 1901, on dénombre 240 000 vélocipèdes et vélos recensés soit 1 106 000. Les commerçants et les médecins se déplaçaient à vélo. « Les ouvriers utilisaient le vélo pour se rendre à l’usine, les médecins pour voir les patients, les postiers pour livrer le courrier. »
Les années 60 et 70, un nouveau souffle pour le cyclisme (notamment aux Pays-Bas)
Lors de la crise pétrolière de 1974, les Pays-Bas organisèrent les premiers dimanches sans voiture. Ils décideront d’investir dans les infrastructures cyclables pour éviter de s’orienter vers une motorisation de masse. De son côté, la France a choisi de réaménager ses transports en commun davantage que le vélo. En France, l’essor des transports en commun et de la voiture marque la diffusion des fonctions sur le territoire, et signale le déclin des modes de déplacement locaux, notamment le vélo. Dans les années 1980, le cyclisme redevient une activité de loisir et la course cycliste connaît son âge d’or.
Le tout automobile financé par les USA a permis le développement de l’automobile en Europe à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Des ingénieurs français des Ponts et Routes (en charge de la planification des routes) sont partis se former aux USA pour mettre en place les premiers modèles de prévision du trafic. Depuis les années 1960, des voix s’élèvent contre elle, et on observe les premiers embouteillages. Il existe encore une expertise cycliste qui se construit en France au niveau de l’État avec des comités d’expertise technique qui accompagnent les collectivités locales.
Entre 1995 et 2019, la pratique du vélo utilitaire a évolué en France, en Allemagne et dans certaines villes européennes
En France, la grève des transports publics de 1995 a été un moment marquant, “un certain nombre de personnes sortent leur vélo pour aller travailler” explique la chercheuse Manon Eskenazi. Les crises montrent qu’il est possible d’utiliser le vélo au quotidien, mais il faut que les pouvoirs publics s’en chargent, c’est le début des premiers plans vélo. Il y a eu un petit retour à la normale après 95. Dans les années 2000, le mouvement associatif s’est structuré, la fédération cycliste a pris de l’importance ces 20 dernières années.
En France, c’est à la fin des années 1990 que le vélo commence à se développer dans les centres-villes, il est présenté comme une alternative à l’usage de la voiture individuelle.
« Il y a des pratiques cyclistes différentes car il y a des politiques différentes » explique Manon Eskenazi. Aujourd’hui dans les villes centrales, nous investissons dans des vélos utilitaires avec une intention orientée vers le travail à domicile. Dans les villes moyennes, les équipements cyclables étaient des équipements touristiques, le vélo a longtemps été investi dans le cyclotourisme.
Jusqu’ici, tout va bien Écoute plus tard
Conférence écouter 51 minutes
Manon Eskenazi, researcher at École des Ponts ParisTech, LVMT laboratory