l’essentiel
Depuis le meurtre de Paul Varry, de nombreux cyclistes font entendre leur voix pour dénoncer les « violences motorisées ». Face à eux, les automobilistes, souvent exaspérés par les incivilités des deux-roues. Témoignages.
La mort de Paul Varry a réveillé certains traumatismes. De nombreux cyclistes ont déjà subi le comportement d’automobilistes pressés ou irrités, et n’ont pas hésité à monter au créneau. Mais aujourd’hui, ils ont peur. « Je suis optimiste, je leur dis quand ils m’ont mis en danger, mais parfois je me dis que je n’aurais pas dû, cet accident fait réfléchir, c’est sûr », témoigne Guillaume. « On se dit que ça pourrait nous arriver », glisse-t-il.
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Pour lui, les usagers ayant choisi de faire du vélo sont victimes du comportement d’une poignée de cyclistes « qui ne respectent rien », de son propre aveu. « J’ai déjà dû freiner en urgence pour éviter un vélo qui devenait rouge », raconte Claude. La réponse du cycliste ? Un majeur.
Qu’ils soient automobilistes, cyclistes, utilisateurs de scooter ou piétons, chacun constate que le climat est devenu tendu sur la route. La pression est grande et la moindre frustration peut entraîner un accrochage verbal ou physique. Cela implique parfois de devoir rester quelques minutes derrière un vélo lorsque le dépassement est impossible ou dangereux, une perte de temps intolérable pour certains conducteurs.
Effleuré par un poids lourd qui l’a obligé à se déplacer vers la droite, Jean-Luc a « interpellé poliment le conducteur », lui disant qu’il avait « très peur ». « Il m’a répondu : ‘Vous nous énervez, les vélos, on bosse !’ », raconte ce cycliste de 71 ans. L’échange ne s’est pas arrêté là puisque Jean-Luc a tenté de rappeler à son interlocuteur que 223 cyclistes perdront la vie sur les routes de France en 2023. Un triste constat que le conducteur a commenté avec un glaçant « Hé ben, ça aurait été 224 ! »
La police ne peut rien faire
Combien de personnes ont reçu de telles menaces ? Isaac dit qu’il est rentré chez lui en tremblant. « Ce n’est que le soir que je me suis effondré en larmes », raconte-t-il. Choqués, certains cyclistes ont tenté d’alerter la police ou la gendarmerie, en vain. « J’ai noté la plaque et j’ai appelé la gendarmerie qui m’a dit qu’il n’y avait rien à faire et qu’ils recevaient plusieurs appels de ce type chaque jour », raconte Pao, un motocycliste, victime de l’impatience d’un automobiliste.
Les cyclistes savent que très souvent, en cas d’altercation, les automobilistes évoquent des deux-roues qui ne respectent pas le code de la route, avec un certain sentiment d’impunité, de l’avis de nombreux conducteurs. « Je suis très en colère contre le manque de respect envers les cyclistes ou les scooters. Ils roulent sur les trottoirs, zigzaguent parmi les automobilistes, grillent constamment des feux rouges”, déplore Mic, qui réclame “des sanctions plus sévères”.
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Comme lui, Charline dit vivre dans la peur « d’en frapper un et de l’avoir sur la conscience pour le reste de la journée ». [sa] vie », évoquant les « comportements suicidaires » de certains usagers de deux-roues. Faute de lumières ou de casques sur les oreilles, certains cyclistes sont en effet difficiles à voir, ce qui a le don d’agacer.
L’exemple espagnol
« En Espagne, dès qu’il y a une collision avec un cycliste ou un piéton, l’automobiliste est toujours responsable », explique Raymond. Grâce aux lourdes sanctions et à l’éducation des usagers de la route espagnols, le climat y est paisible. C’est la raison pour laquelle cet ancien militaire, décoré de la Légion d’honneur et de l’Ordre du Mérite, qui a servi la France pendant 28 ans, a choisi de la quitter… Raymond avait été tabassé sur la route après avoir dû sauter dans un fossé pour éviter une voiture. Peu de temps après, sa femme a été, à son tour, agressée alors qu’elle circulait à vélo. Face à la manière « scandaleuse » dont elle était « méprisée par la justice », le couple a décidé d’émigrer à Valence.
« En France, nous souffrons du syndrome de la toute-puissance au volant », analyse celui qui ne rentre chez lui que lorsqu’il y a un impératif familial. De l’autre côté des Pyrénées, il soupire en racontant que les seuls problèmes qu’il a rencontrés sur son vélo concernent les automobilistes français…
