Le bonheur au travail : illusion ou nouvel horizon ?

Le bonheur au travail : illusion ou nouvel horizon ?
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Personne n’a pu passer à côté de cette formule choc, devenue exaspérante pour beaucoup, du « bonheur au travail ». À tel point que certains cherchent à le trouver en arrêtant de travailler pour un salaire. Retour sur ce phénomène avec Marianne Mercier, consultante en philosophie pratique et présidente du média associatif La Pause Philo.

Depuis quand parle-t-on de bonheur au travail ?

Je dirais que le le bonheur au travail est devenu un thème à la mode ces dix dernières années. Avant cela, dans les années 80, on commençait à parler de souffrance au travail. Ensuite la question de sens au travail est arrivé. La multiplication d’emplois aux tâches abstraites et déconnectées de la réalité d’une part, et le contexte de crise écologique et sociale d’autre part, ont fait naître la notion d’utilité.

Cette notion a atteint son apogée lors de la crise du Covid-19, avec le débat autour des « emplois essentiels ». Je remarque aussi qu’avant Covid, la philosophie d’entreprise était encore perçue comme très exotique ! Aujourd’hui, il y a plus de besoin sur le sujet, ou du moins, c’est plus reconnu.

Les métiers « essentiels » évoquent une image d’Epinal, celle d’un métier que l’on exerce par vocation (infirmier, enseignant…). Mais ces travailleurs déplorent des rémunérations trop faibles.

En complément de mes activités de conseil, j’enseigne aussi bien aux futurs travailleurs sociaux qu’aux jeunes en écoles de commerce. Ce sont les premiers qui ont le plus de craintes, même si une partie de la société compte sur eux. Ils me disent : « nous savons que ce que nous faisons est important, mais cela ne se reflète pas dans la manière dont nous allons être payés ». Les étudiants en école de commerce ne posent pas ces questions. Ils disent : « nous sommes là où nous devons être pour réussir dans la vie ». Il est normal de vouloir une sécurité financière.

Il existe aujourd’hui un écart entre le degré d’utilité et la reconnaissance financière des emplois.

Depuis quand parle-t-on de bonheur au travail ?

Je dirais que le le bonheur au travail est devenu un thème à la mode ces dix dernières années. Avant cela, dans les années 80, on commençait à parler de souffrance au travail. Ensuite la question de sens au travail est arrivé. La multiplication d’emplois aux tâches abstraites et déconnectées de la réalité d’une part, et le contexte de crise écologique et sociale d’autre part, ont fait naître la notion d’utilité.

Cette notion a atteint son apogée lors de la crise du Covid-19, avec le débat autour des « emplois essentiels ». Je remarque aussi qu’avant Covid, la philosophie d’entreprise était encore perçue comme très exotique ! Aujourd’hui, il y a plus de besoin sur le sujet, ou du moins, c’est plus reconnu.

Les métiers « essentiels » évoquent une image d’Epinal, celle d’un métier que l’on exerce par vocation (infirmier, enseignant…). Mais ces travailleurs déplorent des rémunérations trop faibles.

En complément de mes activités de conseil, j’enseigne aussi bien aux futurs travailleurs sociaux qu’aux jeunes en écoles de commerce. Ce sont les premiers qui ont le plus de craintes, même si une partie de la société compte sur eux. Ils me disent : « nous savons que ce que nous faisons est important, mais cela ne se reflète pas dans la manière dont nous allons être payés ». Les étudiants en école de commerce ne posent pas ces questions. Ils disent : « nous sommes là où nous devons être pour réussir dans la vie ». Il est normal de vouloir une sécurité financière.

Il existe aujourd’hui un écart entre le degré d’utilité et la reconnaissance financière des emplois.

Il y a donc un lien entre la question du bonheur au travail et la rémunération, mais pas forcément celui qu’on imagine (plus on gagne mieux, plus on est heureux) ?

En effet, ce sont les entreprises les plus riches qui me demandent comment rendre leurs salariés heureux. Ils ont le luxe de pouvoir remettre en question ce thème. Ils me disent : « Nos salariés sont déjà très bien payés. Comment les retenir ? « . Il s’agit donc d’une préoccupation de gestion des ressources humaines.

Quelle est la représentation du bonheur au travail dans ces entreprises ?

Ils pensent souvent que le développement personnel serait Source de bien-être. Nous proposerons des services de coaching et de psychologue, créerons des espaces confortables, installerons des distributeurs de bonbons, etc. Nous recherchons une solution individuelle. Au contraire, l’approche que je propose est organisationnelle.

Les personnes victimes de Burnout ne sont pas mal organisés. Le problème est collectif (processus trop lourds et dénués de sens, etc.). Je ne focalise donc pas mon accompagnement sur le RPS (sans évidemment nier le rôle essentiel de ces aspects), mais plutôt sur la culture d’entreprise.

Ces derniers mois, les témoignages de salariés se disant sous la pression de l’injonction du bonheur au travail ont fleuri.

Dans leur livre Happycracy, Eva Illouz et Edgar Cabanas soulignent la pression qui s’exerce sur les individus. Le bonheur est quelque chose de personnel. Parler de bonheur au travail, c’est donc intégrer le travail dans la sphère intime. Et à cela s’ajoute le souci des entreprises de l’engagement de leurs salariés et de leur niveau de productivité. Quand on demande aux salariés de travailler à devenir « une meilleure version » d’eux-mêmes, quand on les incite à sortir de leur « zone de confort », on ne s’intéresse pas tant à leur bonheur qu’à leur performance.

Par ailleurs, tout le monde n’a pas le même rapport au travail. Pour beaucoup, c’est un moment de la journée où il s’agit de gagner de l’argent pour pouvoir faire autre chose de leur vie. Le travail n’est pas toujours une fin en soi, il peut n’être qu’un moyen.

Serions-nous plus heureux si nous arrêtions de travailler ?

Je pose souvent cette question à mes étudiants. Tout d’abord, qu’est-ce que le travail ? Nous visualisons le travail salarié pour gagner sa vie. Mais le travail ne se limite pas à cela : c’est tout ce que nous faisons pour transformer le monde qui nous entoure. Par exemple, le volontariat est un travail, au même titre que le travail domestique.

On parle de plus en plus de salaire universel. Je pense que même s’ils trouvent leur gagne-pain dans le salaire universel, les gens auront toujours envie, et même besoin, de contribuer à la société.

Ceci est en effet propre à l’Homme : le besoin de transformer son environnement d’une part, et celui de s’intégrer au groupe d’autre part. Il y a aussi une question fondamentale concernant le salaire universel qui n’est presque jamais posée : si une partie de la population bénéficie du salaire universel, et que l’autre partie doit travailler pour gagner sa vie, comment apaiser les sentiments ? d’injustice qui émergera nécessairement ? Comment faire en sorte que tout le monde continue à vouloir vivre ensemble ?

Cette question est complexe et mérite d’être explorée car le sentiment d’appartenance, le fait de se savoir utile aux autres nous transcende.

Je ne sais pas si on peut parler de bonheur, mais savoir que ce que nous faisons a un but palpable pour les autres est fondamental pour notre bien-être. En effet, en philosophie, le bonheur fait référence à un état de plénitude absolue. C’est un horizon à atteindre. Pour nous aider, Spinoza nous encourage à cultiver des moments de joie. Ces moments de joie peuvent être cultivés en équipe : s’amuser avec les contraintes inévitables qu’implique tout métier, partager nos valeurs, notre savoir-faire. S’il doit y avoir du bonheur, le collectif pourrait bien en être Source.


Marianne Mercier travaille comme consultante indépendante auprès d’organisations depuis 2016, afin de les accompagner sur leurs valeurs, leur culture et leur raison d’être. Elle a travaillé avec tous types de structures : associations, secteurs ESS et Tech, industries, etc. Elle enseigne également l’éthique appliquée dans des écoles de commerce, d’ingénieurs et de travail social. Elle s’implique dans les Nouvelles Pratiques Philosophiques, mouvement visant à promouvoir une philosophie décloisonnant le monde académique, notamment à travers l’animation du média associatif La Pause Philo, dédié à la promotion de ces pratiques.

Emma Pitzalis

Psychologue clinicien – Consultant

Née en 1992 à Enghien-les-Bains, Emma Pitzalis est psychologue clinicienne (Paris X), diplômée en thérapies brèves et stratégiques de l’Institut Grégory Bateson. Emma a débuté sa carrière au sein…

 
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