Témoignage. «C’est le lot de tous ceux qui vivent un deuil violent», se reconstruire après la perte d’un enfant

Témoignage. «C’est le lot de tous ceux qui vivent un deuil violent», se reconstruire après la perte d’un enfant
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Le 8 mars 2020, un coup de téléphone bouleverse la vie de cette famille nordiste : Jean, 19 ans, tombe d’une grue lors d’un week-end de complicité avec son équipe de rugby à Lisbonne. Il a perdu la vie alors qu’il était sur le point de fêter ses 20 ans quatre jours plus tard. Pourquoi a-t-il voulu monter sur cette grue pour prendre une photo de la ville la nuit, d’où lui est venue cette quête d’adrénaline, cette envie de relever ce défi ? Aujourd’hui, avec l’association « Un instant, Une vie », Hélène Decherf, sa mère, sensibilise les jeunes aux comportements à risque.

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Comment aurions-nous réagi face à ce drame qui a brisé une famille en quelques secondes ? ? Aurions-nous eu la force de continuer à vivre, voire de survivre ? ?

C’est le lot de tous ceux qui vivent un deuil violent, il faut se reconstruire autrement

La première question que j’ai posée à Hélène était tout simplement : comment vas-tu aujourd’hui ?

Ça va plutôt bien, j’ai une vie bien remplie, en action, une famille et un métier que j’aime, et puis nous sommes au printemps, cette saison du renouveau avec la nature qui se réveille…« .

Comme me l’explique Hélène, sa famille aussi se porte plutôt bien. Certes ils ont dû redessiner leur cellule familiale, l’étoile à cinq branches augmentée à 4, mais ils sont forts, unis, et n’oublient pas la cinquième branche, Jean, qu’ils imaginent et se sentent toujours proches d’eux. “C’est le lot de tous ceux qui vivent un deuil violent, il faut se reconstruire autrement« .




durée de la vidéo : 00h13mn00s

Marie Sicaud reçoit Hélène Decherf


©France Télévisions

>>> Pour voir ou revoir l’émission dédiée à Hélène Decherf, cliquez sur l’image ci-dessus.

Dans les jours qui ont suivi la mort de Jean, la France s’est retrouvée confinée à cause du Covid19. Hélène, formatrice en entreprise, est donc chez elle comme beaucoup d’entre nous. Elle ne comprend pas, n’arrive pas à expliquer ce geste insensé de son fils. Comment se fait-il qu’il ait eu besoin de relever un tel défi ? Elle a besoin de comprendre ce qui s’est passé et surtout de donner un sens à la mort de son fils. Elle commence à écrire et publie un livre « Mon zèbre s’est mort », c’est le début de l’aventure « Un instant, une vie », de l’association créée par Hélène quelques mois plus tard et de la pièce de théâtre « Adrénaline » qui raconte l’histoire de Jean, nous sommes en 2021.

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Simon Herlin est Jean dans Adrénaline

© Félix Stein

Un signe du destin ?

Ce qui me nourrit, mon carburant, c’est vraiment le retour des jeunes après avoir découvert ce témoignage qui est fort et qui les touche. Ça les bouscule, ils réalisent que les accidents n’arrivent pas qu’aux autres

La pièce est écrite à quatre mains. Hélène, qui fait du théâtre pour s’amuser, a pris contact avec Jacky Matte, un metteur en scène avec qui elle a déjà travaillé. Ensemble, ils dessinent ce qui deviendra l’histoire de Jean racontée par Jean. Ce monologue de 35 minutes est magnifiquement interprété par l’acteur Simon Herlin. Il est accompagné, souligne-t-il, d’un pianiste, Mathis de Ruyver (il fut le professeur de piano de Jean). N’oublions pas Jérémy Scherpereel qui est le directeur général de la pièce.

Jacky est extrêmement brillant, il révèle la beauté de chaque situation. Cette pièce révèle que Jean aimait la vie. Et Simon est magnifique dans son interprétation, les émotions qu’il dégage« .

Les premières représentations ont eu lieu au cours du dernier trimestre 2021, entre couvre-feux et périodes de confinement, la petite équipe a réussi à jouer et à échanger : «Ce qui est incroyable c’est que beaucoup de choses se sont faites facilement dans ce monde confiné, il y a eu tellement de voyants qui sont passés au vert dans cette période rouge.« .

Mon deuil est très particulier, dans Adrénaline, je vois et j’entends Jean. J’ai pris beaucoup de libertés avec lui, je ne sais pas ce qu’il dit là-haut…

Plus de 12 000 jeunes ont vu Adrenaline

Après chaque représentation, un moment d’échange est organisé avec le public.Ce qui me nourrit, mon carburant, c’est vraiment le retour des jeunes après avoir découvert ce témoignage qui est fort et qui les touche. Ça les bouscule, ils réalisent que les accidents n’arrivent pas qu’aux autres« .

Comme me le dit Hélène, il y a beaucoup de jeunes qui, à un moment donné, prennent des risques. Certaines personnes ont une bonne étoile au-dessus de leur tête et rien ne se passe. Mais les chemins ne sont pas forcément toujours droits, il y a des obstacles. Cette pièce a du punch, et son rôle de prévention et de sensibilisation aux comportements à risque est pleinement atteint. Surtout quand on regarde les chiffres, 35% des adolescents estiment qu’il faut prendre des risques pour devenir adultes, 59% cherchent avant tout à expérimenter des sensations fortes.

Mon deuil est très particulier, dans Adrénaline, je vois et j’entends Jean. J’ai pris beaucoup de libertés avec lui, je ne sais pas ce qu’il dit là-haut…« .

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Débat, réunion après la représentation

© Hélène Decherf

A ces âges (16/25 ans), les jeunes sont en train de construire leur identité, ils ont envie de sortir des sentiers battus. L’équipe, pour les besoins des débats/réunions, s’est entretenue avec des professionnels de santé. Il s’avère que le développement cérébral joue également un rôle clé dans ces comportements à risque : «Pour résumer, il y a le cerveau reptilien, celui qui régule les besoins fondamentaux et qui aide les petits à quitter le nid, à prendre leur envol. Vient ensuite le cerveau limbique, il y a l’émotion, la mémorisation, la prise de décision. Dans son processus de développement pour atteindre la maturité, il va plus vite que les deux autres, c’est là que le jeune peut ressentir le besoin de prendre des risques. Enfin, le néocortex, qui est le siège du raisonnement, mais qui n’a pas encore appris à comprendre les risques« .

Percevoir ce qu’il a fait, qui lui semblait anodin, m’aide à accepter. C’est la compréhension qui nous permet d’avancer vers la résilience

A cela, il faut ajouter les soirées parfois arrosées auxquelles sont exposés les jeunes, et l’envie d’appartenir à un groupe. Quand Hélène demande aux jeunes qui viennent voir la pièce : qui pense qu’ils ont déjà pris un risque dangereux, morts ? La moitié du public a levé la main. À cette autre question, voyez-vous quelqu’un dans votre entourage qui pourrait prendre de tels risques ? Ici aussi, un tiers, voire la moitié, du public lève la main.

Cette pièce est un excellent outil de prévention, les retours que nous recevons nous motivent à continuer. Par exemple, l’autre fois qu’un jeune après le débat est venu me voir, il m’a dit que je n’appelle pas souvent ma mère, si jamais, je vais l’appeler ce soir, lui dire que je l’aime. D’autres me disent qu’ils comprennent que se mettre en danger signifie mettre en danger tout le monde autour d’eux. Pour quelques secondes d’adrénaline égoïste, ils mettent en danger tous ceux qui les aiment. Car après tout, quelle est la responsabilité de rester en vie ?

Ces 12 000 jeunes rencontrés par Hélène lui ont permis de comprendre ce qui se passait dans la tête de Jean. “Percevoir ce qu’il a fait, qui lui semblait anodin, m’aide à accepter. C’est la compréhension qui nous permet d’avancer vers la résilience« .

>>> Écoutez le podcast de l’émission

Hélène a également rencontré des familles qui ont vécu un drame dans des circonstances différentes, mais toujours liées à une prise de risque. C’est le cas de Philippe qui l’a contacté après avoir lu son livre (quelques semaines après le décès de son fils également). Il a compris beaucoup de choses et a demandé à l’équipe de venir jouer à Adrénaline au lycée de Boulogne-sur-Mer où était scolarisé son fils (en décembre 2022). Témoignage également d’une mère, qui a perdu son fils aîné décédé en Italie. Il y a aussi ces familles qui la contactent, leur enfant est resté en vie après avoir pris ces risques, mais avec des séquelles terribles.

En réalité, même un enfant aimé, bien construit, dans un environnement propice au développement, avec qui nous avons parlé de comportements à risque comme l’alcool, la drogue, peut encore ressentir cette envie de montrer qu’il est capable de…

Depuis maintenant trois ans, Hélène, à travers l’association Un instant, Une vie, se donne cette mission d’alerter et de prévenir ces comportements à risque. L’équipe vient de signer pour une quatrième année, mais il faudrait aller encore plus loin, décupler ses actions.

Je le fais aussi pour mon enfant, pour garder la tête haute, la vie n’est pas finie…

>Hélène Decherf entourée de Jacky Matte (réalisateur) assis à ses côtés, debout derrière Mathis de Ruyver (pianiste) en noir, et Simon Herlin acteur en gris.
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Hélène Decherf entourée de Jacky Matte (réalisateur) assis à ses côtés, debout derrière Mathis de Ruyver (pianiste) en noir, et Simon Herlin acteur en gris.

© Félix Stein

Idéalement, tous les lycées et tous les établissements d’enseignement supérieur devraient pouvoir aborder cette thématique. La pièce de monnaie est un excellent outil, mais la prévention peut-elle être faite différemment ? Je devrais m’arrêter et y réfléchir, il y a encore beaucoup à faire !« .

Il est difficile de mettre des mots sur ce besoin d’expériences nouvelles, la recherche de hauteur, de vitesse, d’aventure… Confronter les jeunes, et les moins jeunes qui vont voir la pièce, à « l’amour du risque », répondre à des questions telles que comment savoir si je me mets en danger, que signifie réussir dans la vie ?

Adrénaline est parfois proposée en spectacle grand public (hors écoles), rendez-vous sur le site de l’association en cliquant ici pour connaître les prochaines dates.

Bien entendu, le dernier mot revient à Hélène : «Quand je rencontre tous ces jeunes, qui me parlent, m’expliquent leur vie, qui sans doute en me voyant après la pièce comprennent encore plus les conséquences des comportements à risque, ils me donnent envie de continuer. Je le fais aussi pour mon enfant, pour garder la tête haute, la vie n’est pas finie…« .

 
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