Le printemps de la reconnaissance | La presse – .

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Le printemps arrive lundi. Ce sera notre premier vrai printemps, depuis un bon bout de temps.

Mars 2020, c’est le début des délits, rappelez-vous. Il faut aplatir la courbe de progression du coronavirus. Le docteur Arruda claque des doigts, pour nous montrer comment. Tout est fermé pendant 14 jours, disent-ils. Les 14 jours les plus longs de l’histoire.

Mars 2021, nous y sommes toujours. La troisième vague fait rage. Le Québec est divisé en zones de couleur, comme un hôpital. Zone verte, zone jaune, zone orange, zone rouge. Nous sommes devenus bons en télétravail, nous n’oublions plus de rallumer notre micro quand nous voulons parler. Le gouvernement ouvre des choses et les ferme ensuite. Heureusement, la vaccination commence.

Mars 2022, toujours dedans, mais à moitié sorti. La sixième vague fait rage. Pas grave. On commence à s’y habituer. A tel point qu’on peut aller au karaoké. Mais tout le monde chante avec son nez, car il faut rester masqué.

Mars 2023. Nous y sommes. Le printemps arrive lundi. Et nous pourrons l’accueillir à visage découvert. On pourra même le prendre dans nos bras et l’embrasser. Il n’y a plus deux mètres à respecter. Plus de passeport de vaccination. Plus de couvre-feu. Fini le nombre limité de personnes à recevoir à domicile. Tout est redevenu comme avant. Tout sauf nous.

La fin du confinement et des mesures sanitaires s’est faite avec tant de prudence et d’appréhension qu’il est à se demander si nous l’avons réalisée, si nous l’avons assimilée.

Une chose est certaine, autant la mise en place des interdictions a été brutale et douloureuse, autant leur levée n’a pas provoqué l’euphorie à la hauteur du mal évanoui.

Au printemps 2021, alors qu’on peut à peine sortir de chez soi, une pub Extra gomme nous fait rêver. Il commence par une phrase : Parfois dans un futur pas trop lointain. Quelque part dans un futur pas trop lointain. Un homme se réveille au son de la radio. L’animateur annonce : « Nous sommes de retour ! On peut revoir du monde ! L’homme regarde dehors, les yeux incrédules. Il prend une gomme. La chanson de Céline Dion sonne : Tout me revient à présent. Une femme reçoit plein de SMS : on peut se rencontrer maintenant ! Les gens disparaissent de Zoom et quitter leur maison. Tout le monde court dans les rues. La femme prend un chewing-gum et embrasse un inconnu. Tout le monde commence à s’embrasser. Et Céline continue de chanter. Le slogan Extra s’affiche : nous pourrions tous utiliser un nouveau départ.

Ouah! Comme nous attendions ce moment avec impatience. A ce grand mouvement de masse. A ce débordement de joie et d’affection.

Cela ne s’est pas passé ainsi.

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Pour le confinement, tout coupé carré. Pour le déconfinement, tout ne s’est pas enchaîné. C’est arrivé lentement. Un masque tombé à la fois. Une poignée de main du bout des doigts. Il nous a fallu du temps pour retrouver notre spontanéité d’antan. A tel point qu’on se demande si on l’a vraiment trouvé.

Les conséquences sur notre moi profond de tous ces mois cloîtrés, nous aurons besoin de plus de recul pour les évaluer. Mais nous pouvons déjà voir que le monde vieillit. Et c’est tout à fait normal. On ne sort pas d’un isolement aussi prolongé frais comme une rose.

Pour retrouver notre légèreté, pour se donner un coup de jeune, il faudra plus que du chewing-gum. Il y a des étapes à franchir.

Le premier est le deuil. Plus de 18 000 Québécois sont morts pendant la pandémie. C’est six fois le 11 septembre. Avons-nous suffisamment honoré leur mémoire ? Samedi dernier, les drapeaux du Québec étaient en berne pour marquer ces vies perdues. Saviez-vous ?

Je sais, nous en avons marre d’entendre parler de COVID-19. Nous serions moins. C’était le seul titre pendant deux ans. Pourtant, des gens en meurent encore; pourtant les gens en souffrent encore.

Un jour, il faudra l’affronter. Faire le deuil, d’abord. Saluez le défunt. Avec grandeur. Soulignez le courage des malchanceux qui luttent encore contre le virus. Aérer nos solitudes enfermées, nos drames personnels.

Alors, célébrons tous ceux à qui nous devons d’être encore en vie. Les travailleurs de la santé, les scientifiques, les travailleurs essentiels, les gens autour de nous qui nous ont aidés à garder le moral, nous ont empêchés de sombrer. Il me semble que nous leur avons témoigné notre gratitude, surtout dans les premières semaines. En fin de compte, ils ont été pris pour acquis. Comme d’habitude.

En mars 2020, au plus fort de nos peurs, si quelqu’un nous avait promis que nous serions encore là, en mars 2023, et que le pire serait derrière nous, nous aurions souri de bonheur.

En ce premier printemps sans masque, il est temps de s’offrir, ce sourire de reconnaissance.

Ce sourire de renaissance.

 
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