C’est une véritable bombe que vient de lâcher Stéphane Séjourné, vice-président exécutif de la Commission européenne, chargé de la prospérité et de la stratégie industrielle, dans un entretien à France Inter. Interrogé sur les projets de révision des normes de durabilité, le commissaire européen a annoncé que la législation européenne omnibus, qui doit être présentée le 26 février à Bruxelles, pourrait aller jusqu’à « suppression des rapports ».
« Nous allons changer beaucoup de choses dans la bureaucratie » explained Stéphane Séjourné. « On garde notamment les objectifs climatiques, mais on change le parcours des entreprises pour y arriver »il a ajouté. Alors que depuis plusieurs semaines, les débats sont tendus entre acteurs européens sur la modification de la réglementation issue du Green Deal, l’annonce de Stéphane Séjourné pourrait donc signifier une suppression pure et simple des obligations liées à la CSRD, la directive européenne sur le reporting des entreprises. durabilité.
« Choc de simplification » pour le CSRD
Le commissaire européen a ainsi confirmé que la législation omnibus constituerait un véritable «choc de la simplification», ce qui affecterait notamment les différentes réglementations issues du Green Deal européen. La proposition était sur la table depuis plusieurs mois, notamment à la suite du rapport Draghi publié en septembre, qui proposait de remettre en cause ces réglementations afin de réduire ce que certains considèrent comme une « fardeau réglementaire » pour les entreprises opérant en Europe. Un moratoire sur le CSRD a également été réclamé par certains acteurs politiques l’année dernière, poussant le président de la Commission européenne à ouvrir une renégociation du Green Deal. Mais pour la première fois, le responsable européen parle de la suppression pure et simple des obligations de transparence sociale et environnementale mises en place en Europe depuis une dizaine d’années. Abus de langage ou vrai projet ? La décalcomanie de Stéphane Séjourné fait en tout cas déjà polémique.
« La suppression du reporting signifie non seulement l’éradication de la CSRD et de ce qui l’accompagne (taxonomie, CS3D, et peut-être des obligations de reporting spécifiques aux banques) mais aussi celle de la précédente NFRD (Non-Financial Reporting Directive), adoptée par le Parlement européen en 2007. 2014, qui a été la première législation sur le reporting au niveau européen », s’inquiète Martin Richer, expert en responsabilité sociale des entreprises (RSE) sur LinkedIn. « Si cette suppression devait être confirmée, ce serait un regrettable retour en arrière » analyse de son côté Charlotte Guériaux-Reynal, directrice générale de Transition & Co, experte en transformation durable des entreprises, un revers particulièrement fort en termes d’ambitions de transformation durable européenne. « On va donc régresser de 15 ans, quel progrès ! » ajoute ironiquement Martin Richer.
-Flou réglementaire et incertitudes pour les entreprises européennes
« La CSRD est un levier essentiel pour responsabiliser les entreprises sur les enjeux sociaux et environnementaux, et reculer sur ce sujet enverrait un signal désastreux pour la transition durable. » Charlotte Guériaux-Reynal réagit également. Alors que les grandes entreprises concernées par la directive CSRD doivent rendre obligatoires dès cette année les premières versions de leur reporting, cette annonce pourrait ainsi contribuer à un véritable climat d’incertitude. Depuis plusieurs semaines, les acteurs du secteur se mobilisent pour tenter de maintenir à flot la directive CSRD, arguant notamment de la nécessité d’une stabilité réglementaire.
160 ONG et syndicats ont également lancé la semaine dernière un appel pour maintenir l’ambition européenne en matière de durabilité. De son côté, le syndicat patronal du Mouvement Impact France estime que « cette directive est un levier clé de compétitivité et de protection de l’économie européenne »and calls, with a dozen business networks (France Invest, Cercle des Jeunes Dirigeants, Fondation Face, B-Lab France, la Convention des Entreprises sur le Climat, etc.) to preserve European achievements in terms of sustainable regulations . « Il faut travailler à défendre une simplification intelligente, sans compromettre l’importance d’un cadre aussi structurant que le CSRD », résume Charlotte Guériaux Reynal.
Outre la CSRD, la contestation pourrait aussi peser sur la directive sur le devoir de vigilance, adoptée difficilement en avril dernier, et qui subit depuis une vive opposition de la part de certains acteurs économiques et politiques. Les entreprises européennes qui ont commencé à se conformer ces dernières années à toutes les réglementations du Green Deal pourraient donc devoir repartir de zéro.