En vingt ans, le Québécois Pierre Lapointe s’est imposé comme une valeur sûre de la chanson française. Il le prouve avec son magnifique nouvel album.
Il l’avoue : il a bien réussi. En plein Covid, Pierre Lapointe se lasse de l’album électro qu’il compose. «Je voulais réunir la chanson française et les Beastie Boys», raconte-t-il. Mais je me suis lancé dans un autre jeu : écrire de belles chansons, comme si elles m’avaient été commandées par des artistes français. Mais comme personne ne me demandait rien, j’ai commencé à les chanter moi-même. » Le résultat, premier disque majeur de l’année 2025, s’intitule « Dix chansons à l’ancienne pour ceux qui ont le cœur abîmé », « parce que je suis convaincu que nous avons tous le cœur abîmé par la vie… »
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Car lorsque le Québécois a tenté de se mettre à la place des autres, il s’est rendu compte « que tout parlait beaucoup de [lui] à la fin.” De « Toutes vos idoles » (disparues) à « Où irons nos souvenirs » en passant par « Comme les pigeons d’argile », Lapointe chante de grandes émotions et de grands sentiments avec une conviction que Charles Aznavour n’aurait pas nié. «C’est quelqu’un qui a été très important dans ma carrière», reconnaît le Canadien, rappelant qu’il a répété à maintes reprises «Les Plaisirs Démodés» sur les plateaux de télévision de Montréal. « Mais quand j’étais enfant, mon panthéon personnel se résumait à quatre personnes : Diane Dufresne et Robert Charlebois pour les Québécois, Barbara et Gainsbourg pour les Français, ce sont ceux que j’écoutais le plus sur ma platine. » De là est né en lui un souci d’élégance mais aussi une envie de séduire le grand public.
Un juré de « The Voice »
Lapointe s’invente dans son pays natal un personnage mi-snob mi-diva qui fait fureur dans les médias. Et s’impose comme un juré incontournable de « The Voice », l’équivalent outre-mer de notre « The Voice ». « J’ai vendu tellement de disques au Québec que j’ai même dépassé une artiste comme Nelly Furtado, qui chante en anglais. Je me suis retrouvé aux Juno Awards [équivalent des Grammy Awards, NDLR] seulement parce que mes chiffres de vente étaient fous. Personne au Canada anglais ne savait qui j’étais. »
Pierre Lapointe, 43 ans, n’apprécie guère cet anonymat prolongé. Et ses rêves d’expansion impliquent évidemment la France. « Je vis quatre mois par an à Paris et je suis reconnu sept fois pendant mon séjour… C’est bien, ça me montre qu’il y a encore du chemin à parcourir », rigole-t-il. Mais rien ne me fera dévier de ma ligne : je ne chante qu’en français. Je suis probablement encore plus francophone que vous les Parisiens ! »
« Je suis peut-être plus francophone que les Parisiens ! »
Ce que Lapointe ne dit pas nécessairement, c’est qu’il est aussi à l’aise dans son rôle de juré d’un télécrochet que dans une galerie d’art contemporain. Qu’il puisse aussi chanter l’amour tourmenté, la maladie d’Alzheimer de sa mère et faire la une des journaux people québécois. «Quand j’ai compris, très jeune, que j’étais gay, j’ai longtemps eu peur de le dire. Je tombais souvent dans des dépressions sans fond, parce que je ne savais pas comment j’allais être perçue par la société. Et avec mes chansons, depuis vingt ans, j’arrive à exprimer l’homme que je suis. Alors aujourd’hui, je n’ai plus peur. » Alors, pour ses prochains concerts français, Pierre a décidé de suivre la voie à l’ancienne : un piano, quatre mains et un micro. Comme seuls Brel, Gréco ou Barbara savaient y faire. Démodé, mais tellement moderne.
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