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Brahim Chnina ou l’errance du parent de l’affaire Paty

Par Mathieu Delahousse

Publié le 2 décembre 2024 à 20h57mis à jour sur 3 décembre 2024 à 7h29

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Le procès pour l’assassinat de Samuel Paty est prévu jusqu’au 20 décembre 2024. SABRINA DOLIDZÉ/SIPA / SABRINA DOLIDZÉ/SIPA

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Interrogé ce lundi, le père de l’écolière à l’origine des premiers messages et insultes contre Samuel Paty impute la faute au directeur de l’école qui, selon lui, aurait pu stopper la spirale. En revanche, il refuse de se présenter comme l’instrument, même involontaire, d’une stratégie islamiste contre l’école.

Il risque d’être difficile de suivre Brahim Chnina. Le père de famille aujourd’hui accusé d’association de malfaiteurs terroriste, dans l’enchaînement des événements qui ont conduit à l’assassinat du professeur Samuel Paty, s’en tient néanmoins à cinq points dont il ne dérogera pas. Ils peuvent essentiellement se décomposer comme suit : j’ai cru au mensonge de ma fille ; Je n’avais pas réalisé les conséquences possibles de mes messages ; Je n’ai pas été trop formé par Abdelhakim Sefrioui ; ce n’est pas le blasphème qui m’a choqué mais la discrimination ; enfin, et ce n’est pas le moindre point de sa défense : si la directrice du collège m’avait reçu le 9 octobre, elle aurait pu tout arrêter !

Ces cinq points, que Brahim Chnina répète invariablement depuis sa loge avec un petit chevrotement dans la voix et une inclinaison de la tête qui lui donne bien plus que ses 52 ans, ne résistent pas tous à l’analyse. Elles forment pourtant la ligne intangible de ses réponses tout au long de son interrogatoire ce lundi 2 décembre devant la cour d’assises spécialement composée de Paris. Alors que le procès de l’assassinat de Samuel Paty entre dans sa cinquième semaine, cette journée constitue un moment clé, tant pour la vérité judiciaire que pour la compréhension des mécanismes qui se sont mis en place en coulisses.

Le mensonge originel de sa fille

Nous devons nous en tenir uniquement aux faits. Afin d’expliquer pourquoi le 7 octobre 2020, il a affronté Samuel Paty et son parcours, Brahim Chnina, 48 ans au moment des faits, se place résolument sous le couvert du mensonge de sa fille, 13 ans. ans à l’époque. . “J’ai fait l’erreur de croire complètement ma fille”, “Je voulais protéger ma fille, j’ai mal fait”, “Moi, je voulais juste défendre ma fille, je ne sais pas ce qui m’a pris de mettre ça sur les réseaux”, le parent répète encore et encore.

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Ce n’est pas le seul tic du langage. “M. Paty, paix à son âme”dit-il d’un seul tenant presque à chaque fois qu’il doit désigner l’enseignant décapité sans voir que cette expression a systématiquement le don de déclencher un net frémissement d’agacement sur les bancs des parties civiles.

«Pourquoi ai-je voulu régler ça sur les réseaux…»

Pour eux, lorsque leurs questions arrivent, Brahim Chnina s’attache à prouver qu’il a « toujours recherché l’apaisement ». “Je ne sais pas pourquoi, nom de Dieu, j’ai voulu régler ça sur les réseaux plutôt que d’en parler à M. Paty”dit-il le matin d’un ton de regret.

Dans l’après-midi, l’avocate Virginie Le Roy, qui représente les parents et l’une des sœurs du professeur assassiné, l’interroge sur une hypothèse à laquelle personne, il faut le dire, ne pensait plus tant on a encore en tête le virulent tonalité des messages de Brahim Chnina envers le professeur – “voyou” et ” malade “ – dont il avait diffusé le nom et l’adresse du collège « dire stop ».

– « Pourquoi, et obstinément, refusez-vous de rencontrer Samuel Paty ? »demande l’avocat.

– « Mais au contraire, j’ai tout fait pour le rencontrer ! Le lendemain, quand je suis allé voir le directeur. Et puis vendredi… »

– « Cela ne correspond pas au dossier : la proviseure assure que vous lui avez dit qu’il était impossible de se retrouver nez à nez avec ce voyou ! »

– « J’ai dit ça parce que j’étais à cran ! » »

– « Depuis ce matin, vous hésitez à accepter de décrire votre colère. Malgré toutes ces alertes, tous ces mensonges du 7 octobre, vous continuez… Vous persistez… Pourquoi ? »

– « Je veux dire, j’ai essayé de créer du lien avec M. Paty. Si je l’avais rencontré, cela ne serait pas arrivé. »

Chnina se jette sur le directeur de l’école

Cette théorie est un point auquel s’accroche Brahim Chnina. Le père de famille répète plusieurs dizaines de fois le fait que la machine infernale aurait pu être stoppée s’il avait été prévenu du mensonge de sa fille et de son absence de la fameuse classe. « Une phrase de quelques mots et ça aurait pu sauver la vie de Samuel Paty »dit-il, impliquant directement le directeur du collège. La directrice de l’établissement, entendue lors de la deuxième semaine d’audience, a quant à elle expliqué son refus de recevoir le père vendredi 9 octobre, tenant compte du fait qu’il venait de porter plainte au commissariat contre Samuel Paty après après avoir procédé à son intrusion spectaculaire aux côtés d’Abdelhakim Sefrioui… Le principal “a une certaine responsabilité”mais a surenchéri sur Brahim Chnina.

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Dans ce décor, on oublierait presque le rôle du prédicateur islamiste Sefrioui dans l’amplification de la vidéo du père de famille. Brahim Chnina a choisi de ne pas l’éclairer. “Si j’avais été seul [lors de l’entretien avec la principale]ça ne se serait pas passé comme ça”il admet mais il “je ne veux pas [se] décharger sur M. Sefrioui ». Comme il ne le fait pas tout seul, le tribunal creuse. L’espace d’un instant, on pense à un rebondissement : le premier expert extrait du dossier d’enquête une lettre adressée au juge par Brahim Chnina. “J’ai l’impression que quelqu’un m’a tendu un piège”avait écrit le père de famille. «J’ai été manipulé!» »approuve immédiatement depuis le banc des accusés Brahim Chnina. Nous pensons qu’il va dire quelque chose. Mais il récupère tout aussi vite : “Manipulé par moi-même!” »

De même, Brahim Chnina veut convaincre sur un point majeur : sa motivation à agir reposait sur la question de la prétendue discrimination des étudiants musulmans et non sur la polémique plus sensible du blasphème. Il faut rappeler que ces folles journées autour du collège du Bois d’Aulne se sont déroulées dans le contexte du procès Charlie Hebdo et de la republication des caricatures de Mahomet.

« Ce qui m’a d’abord blessé, c’est l’exclusion. Deuxièmement, la discrimination et troisièmement, les caricatures… »jure Brahim Chnina comme pour tenter de redonner une signification locale à l’événement qui a pris l’importance qu’on lui connaît le 16 octobre 2020. «Je regrette beaucoup ce que j’ai fait. Je ne suis pas un terroriste”confie Brahim Chnina qui dresse au passage son propre profil : musulman, “pas radicaliste” (sic), avoir « une pratique ouverte » mais n’étant pas “pas Charlie” voiture « Ici, [en ] nous avons la chance d’être Charlie ou de ne pas être Charlie”. Ce point aurait pu être le 6e de son autoportrait.

 
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