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Le procureur a-t-il vraiment dit « ça me ferait trop de mal » de demander sa libération ?

Toutes les figures du Rassemblement national dénoncent un procès politique, après les réquisitions du parquet de Paris dans le procès des assistants parlementaires européens de l’ex-Front national, mercredi 13 novembre. Il a notamment requis cinq ans de prison, dont deux pour qui pourrait être amendé, et cinq ans d’inéligibilité pour Marine Le Pen. Si le tribunal donne suite à ces réquisitions, Marine Le Pen ne pourra pas se présenter à l’élection présidentielle de 2027.

« Le parquet est extrêmement outrancier dans ses réquisitions »» a dénoncé Marine Le Pen à la presse juste après les réquisitions. Avant de continuer : « Il y a au moins un événement qui aurait pu faire sourire si les faits n’étaient pas si graves et les enjeux si importants. C’est l’aveu du procureur lorsqu’elle dit : écoutez ce contrat, je n’ai aucune preuve, mais je ne peux pas demander la libération car cela me ferait trop de mal. Cette phrase, “Ça ferait trop mal”est dénoncée de plateau en plateau par de nombreux élus du RN, comme les députés Jean-Philippe Tanguy sur 2, Sébastien Chenu, Mathieu Valet ou encore Thomas Ménage sur BFMTV, et partagée à plusieurs reprises sur les réseaux sociaux.

Précisons d’abord que cette sentence a bien été prononcée par la procureure de la République Louise Neyton, au milieu de son réquisitoire qui a duré plus de neuf heures. Elle a été entendue par au moins sept journalistes, dont quatre de franceinfo et les autres de BFMTV, de parisien un toi Figaro.

Les membres du Rassemblement national estiment qu’il s’agit d’une opinion politique, le masque du procureur est tombé et la preuve que sa mise en examen est politiquement orientée. En lisant cette phrase hors contexte, on peut effectivement la comprendre dans ce sens. Cependant, si on le replace dans le contexte dans lequel il a été prononcé, il n’est pas certain qu’il s’agisse d’une opinion politique. Il peut aussi s’agir d’un commentaire du point de vue des faits.

Selon Stéphane Durand-Souffland, chroniqueur juridique chevronné au FigaroContacté par Vrai ou Faux, le procureur ne s’est exprimé à l’époque que sur un seul élément du vaste dossier qui est examiné par la justice, à savoir sur les accusations de recel de détournement de fonds publics qui visent Jean-François Jalkh, alors qu’il était assistant parlementaire de Jean-Marie Le Pen. Les deux ne sont pas jugés pour le moment pour des raisons de santé.

Louise Neyton, procureure, a expliqué qu’elle avait la profonde conviction que cette dissimulation de détournement de fonds avait bien eu lieu, au vu du reste du dossier, des nombreuses preuves de ce qu’elle appelle un « système organisé » de détournement de fonds du Parlement européen pour financer l’ancien Front National, mais qu’elle n’avait pas de preuve absolue sur cette partie précise. Et c’est parce que c’était contraire à cette conviction profonde que demander sa libération l’aurait fait “dommage”pour reprendre son expression.

Justement, selon Vincent Vantighem, journaliste à BFMTV qui a retranscrit les réquisitions au fur et à mesure sur le réseau social X, elle a déclaré : “Je ne peux pas demander une libération [partielle]. Cela ferait trop mal. Je relate donc [à la décision du tribunal]… »

Dire que cette phrase révèle des plans secrets du parquet qui voudrait s’en prendre au RN pour des raisons politiques est donc une interprétation. Le procureur, pendant des heures et des heures, a détaillé tous les autres faits avérés qui sont reprochés au RN et notamment à Marine Le Pen qui a joué, selon le procureur de la République, un « rôle principal » dans le détournement de fonds publics au profit du FN.

Par ailleurs, sachez que les magistrats ont le droit de s’exprimer librement. « La parole à l’audience, dans le cadre du débat juridique, est libre »explique Ludovic Friat, le président du Syndicat de la Magistrature, au Vrai ou Faux, que cela concerne l’accusation, la défense ou les parties civiles.

Cette liberté d’expression est consacrée, comme l’a rappelé le Conseil supérieur de la magistrature dans un avis adressé au ministère de la Justice en mai 2023, après une demande d’Éric Dupond-Moretti lorsqu’il était garde des Sceaux. « La garantie de la liberté d’expression des magistrats est assurée tant par le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État que par la Cour européenne des droits de l’homme »explique le CSM.

Toutefois, cette liberté d’expression est réglementée, notamment par la loi organique relative au statut de la magistrature qui date de 1958. Son article 10 précise que « Toute manifestation d’hostilité au principe ou à la forme de gouvernement de la République est interdite aux magistrats, ainsi que toute manifestation d’ordre politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions. L’expression publique des magistrats ne peut nuire à l’exercice impartial de leurs fonctions ni porter atteinte à l’indépendance de la justice. ».

“Tout manquement par un magistrat aux règles d’indépendance, d’impartialité, d’intégrité, de probité, de loyauté, de conscience professionnelle, d’honneur, de dignité, de délicatesse, de réserve et à la discrétion ou aux devoirs de son Etat constitue une faute disciplinaire”ajoute l’article 43.

 
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