« Ce qui me préoccupe aujourd’hui, c’est la Ligue 1 : la situation est grave. Avec un déficit de 1,2 milliard d’euros, il va falloir agir vite. […] C’est paradoxal car il y a, d’un côté, une situation financière compliquée, et, de l’autre, un engouement dans les stades, avec plus de 27 000 personnes en moyenne par match. » Marie Barsacq, récemment nommée ministre des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative dans le gouvernement de François Bayrou, ne mâche pas ses mots dans les colonnes deOuest de la France. Personne ne peut lui reprocher de parler sans savoir, surtout sans savoir compter. L’ancien patron du COJO de Paris 2024 connaît bien le sujet pour avoir longtemps travaillé à la FFF, certainement du côté amateur.
Son discours s’appuie surtout sur les chiffres effrayants de la DNCG et les déclarations alarmistes de son président, Jean-Marc Mickeler. Ces dernières ont notamment ciblé les dépenses excessives des clubs alors que les recettes, et notamment celles des droits TV, ont chuté. Et l’avenir s’annonce plutôt sombre. DAZN, dont la politique commerciale a largement contribué à nous faire oublier la Ligue 1, ne peut toujours pas, de rabais en rabais, dépasser les 500 000 abonnés (estimation). La chaîne demande déjà à renégocier les termes d’un contrat peu généreux. Sachant que dans 18 mois, il pourra mettre fin à ses engagements et abandonner Le Havre-Auxerre. La clarté financière n’est pas pour demain, et la LFP risque de devoir à terme lancer sa propre chaîne, avec les inévitables coûts que cela entraînera.
Bref, dans ce contexte morose, les autorités de tutelle font pression sur les clubs professionnels qui, pour l’instant, ne semblent toujours pas avoir pris la mesure, ou simplement avoir eu conscience de la catastrophe imminente, préférant ne pas parler uniquement bons résultats des équipes françaises – hormis le PSG – sur la scène européenne. Les déclarations de John Textor – qui ont pourtant le mérite de faire trembler le cocotier – ont ainsi été réduites à un affrontement avec Nasser al-Khelaïfi. La fédération s’accroche à son projet de Ligue 3 tandis que des esprits brillants veulent ressusciter une Coupe de la Ligue que personne ne regrette.
Certes, Pierre Ferracci, président du Paris FC désormais propriété de la famille Arnault et Red Bull, a fait preuve d’un réalisme un peu égocentrique sur RMC : « Nous devons faire du football une grande cause nationale. Aujourd’hui, il court un grave danger. J’ai toujours dit qu’il fallait copier le football allemand. » Mais avant de lancer les grands chantiers, il serait surtout indispensable que les principaux coupables, qui ont réussi le tour de force de reconduire Vincent Labrune à la tête d’une LFP sans perspective ni stratégie, commencent à réfléchir un peu à leur part de responsabilité dans ce naufrage. Nous en sommes loin.
-L’appel du 425 ne trouve pas d’écho dans le football
Evidemment, c’est l’ensemble du sport français qui souffre du désastre. 425 athlètes ont signé un texte pour exiger que l’État sauvegarde l’héritage de Paris 2024. Teddy Riner, Marie Patouillet, Nicolas Batum et compagnie expriment leur profonde déception et un touchant sentiment d’abandon : « Moins de 6 mois après la fin des Jeux, on nous annonçait une baisse de 33% du budget sportif en France. Mais cela ne représente déjà que 0,2 % du budget total de l’État. A cela s’ajoute une baisse de 50% des crédits dans certaines collectivités territoriales, qui sont pourtant de véritables piliers pour nos clubs. » Dans le lot, quelques FC de village ou de quartier, sacrifiés sur l’autel de l’austérité, dont aucun des brillants dirigeants de la fédération, de la ligue ou des footballeurs professionnels – qui brillent par leur silence sur le sujet – ne semblent s’inquiéter.
Nos athlètes olympiens peuvent avoir le sentiment légitime d’avoir fait du travail et de demander en retour un peu de reconnaissance aux pouvoirs publics. Dans le cas du football, le diagnostic est tout autre. C’est en effet tout un écosystème qui menace de s’effondrer sous le poids de la folie des grandeurs et de l’incompétence de ses patrons. En espérant que l’argent public ne serve pas de couverture à leurs échecs.
Il y en a bien d’autres « grandes causes nationales » dont il faut s’occuper en priorité, y compris dans le football : violences sexuelles, homophobie, racisme, etc. Le football professionnel préfère aujourd’hui s’enliser dans les théories complotistes autour de l’arbitrage plutôt que de remettre en cause la qualité du jeu proposé sur le terrain. Pourtant, contrairement à une opinion qui se répand sur les plateaux télé, nos concitoyens n’aiment pas moins le football (la preuve : les stades n’ont jamais été aussi pleins, les matchs en clair se suivent), par contre ils se reconnaissent de moins en moins dans le spectacle qu’on leur donne à voir au quotidien. Pour se relever, le football français va devoir reconquérir les cœurs. A moins qu’il ne soit déjà trop tard.
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