Par
Éditorial Paris
Publié le
17 janvier 2025 à 19h05
Quatre dirigeants du Cinémathèque française (Paris 12e) ont été convoqués, jeudi 16 janvier 2025, par la commission de l’Assemblée nationale sur les violences commises dans les secteurs artistiques et médiatiques.
Ils sont accusés d’avoir voulu projeter « Le Dernier Tango à Paris » ; un film marqué par une scène de viol tournée sans le consentement de l’actrice ; sans avoir prévu la moindre contextualisation.
Une scène de viol filmée sans le consentement de l’actrice
L’institution de la cinéphilie, au rayonnement international, est en pleine tourmente depuis décembre 2024. Et pour cause, la Cinémathèque française avait prévu de projeter « Le Dernier Tango à Paris » le mois dernier… sans le mettre dans son contexte. Un film de Bernardo Bertolucci, datant de 1972, qui comprend une scène mettant en scène un viol commis par le personnage de Marlon Brando, filmé sans le consentement de l’actrice Marie Schneider.
Face au tollé que cela avait provoqué, la programmation avait logiquement été annulé 24 heures avant la projection. La raison, alors, officiellement invoquée ? Raisons de sécurité.
Un dossier qui a finalement atterri, jeudi 16 janvier, à la commission de l’Assemblée nationale sur les violences commises dans les secteurs artistiques et médiatiques, au cours de laquelle quatre dirigeants de l’institution ont été convoqués.
Un film aux conséquences graves
La programmation de ce film sans contexte “a suscité un nombre considérable de réactions”, a d’abord reconnu la cinéaste et présidente de la Cinémathèque Costa-Gavras, devant la présidente de la commission, l’écologiste Sandrine Rousseau, et son rapporteur MoDem, Erwan. Balant. Avant d’ajouter : “Notre envie était loin d’être une provocation, elle était de présenter une œuvre importante avec un acteur légendaire, Marlon Brando”.
Et d’admettre enfin : « Le le film aurait dû faire l’objet d’une présentation très détaillée et approfondi car (cela a eu) des conséquences graves, incontestablement, sur la vie de Maria Schneider.
“Je prends ma responsabilité dans ce refus” de contextualiser, a-t-il conclu. « Je regrette profondément que nous n’ayons pas prévu d’accompagner la présentation du film avec un spécialiste. […]. C’est une leçon pour l’avenir ».
-Un mea culpa… qui n’en est pas un
De son côté, le directeur général de la Cinémathèque, Frédéric Bonnaud, a assuré que le conseil d’administration de la Cinémathèque venait de décider de « prendre davantage en compte lors de la présentation de certains films de la rétrospective lumière que le passage du temps, l’évolution de la société et le respect dû aux victimes».
Il a cependant longuement défendu, aux côtés du programmateur Jean-François Rauger, la volonté de la Cinémathèque de projeter des films qui appartiennent à « l’histoire du cinéma », malgré leurs conditions de tournage ou l’action de leurs réalisateurs. Bertolucci, sur « Le Dernier Tango à Paris », « par souci de faux réalisme et en utilisant la manipulation pour tournage de la surprise inédite de Maria Schneider lui a fait subir, contre son gré, une situation d’une extrême violence », a déclaré Frédéric Bonnaud.
Et de poursuivre : “Néanmoins, le film appartient à l’histoire du cinéma car il a su capturer un morceau du passé l’air du temps et l’évolution de la société ». Puis d’estimer, à propos des réalisateurs accusés de violences : “on est sur un chemin étroit, une ligne de crête difficile […] D’un côté il y a (leur) importance artistique et le devoir de les montrer, et de l’autre il y a les faits et l’évolution de la société. »
Le passif écrasant des dirigeants
Pour rappel, Frédéric Bonnaud avait décrit, en 2018, sur Mediapart, comme des féministes « à moitié folles »qui s’est opposé à la programmation d’une rétrospective du cinéaste Jean-Claude Brisseau, tandis que Jean-François Rauger déclarait «peut [-on] faire de bons films sans violerles actrices ».
Le second, interrogé jeudi sur cette déclaration, a expliqué que le verbe viol devait être pris au sens… « symbolique ». La commission, qui mène depuis des mois des auditions publiques avec des dizaines de responsables ou d’acteurs du secteur, et donne la parole à de nombreuses victimes, n’a pasje n’avais pas l’air convaincu. Sa présidente s’est dite “très circonspecte”.
« Il faut comprendre que le cinéma change, parce que la société change. […] La résistance dont vous êtes un des piliersévidemment, cela ne durera pas très longtemps car la société est bien en avance sur vous », a-t-elle également déclaré. Les auditions doivent s’achever fin janvier, début février, et son rapport est attendu début avril 2025.
Avec l’AFP
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