Quelle a été votre première réaction au moment du tirage au sort ?
Nicolas Séguin : J’étais content car c’était une belle vitrine pour le club et, d’un autre côté, je me suis dit : « Bon sang, c’est toujours un grand joueur de Ligue 1. » Evidemment, sur le papier, nous ne sommes pas favoris. Bon, c’est mieux de perdre contre l’OL en sortant par la grande porte que de tomber face à l’Espaly ou contre une autre équipe de notre groupe, dans un match bourbier. Sur le papier, c’est plus intéressant de se faire sortir par un grand gaillard.
Sofiane Article: Je me suis dit : « Merde, encore ? » J’ai déjà joué deux fois contre l’OL. Mais j’étais super content, avant le tirage au sort, je voulais une Ligue 1, et de préférence une bonne Ligue 1. Lyon, Marseille, Paris, c’est un rêve et ça attire du monde, toutes les places ont été vite vendues.
N.-É. : On ne va pas se mentir, notre objectif prioritaire n’est pas la Coupe. On a un match important à Espaly en championnat (1-1, entretien réalisé mercredi 8 janvier). Je suis le rabat-joie…
Que représente l’OL pour vous ?
N.-É. : C’est mon club formateur et c’est la première fois que j’aurai la chance de l’affronter, en dehors de la réserve. J’y ai passé dix ou onze saisons, je connaissais le groupe qui a sorti sept titres. J’ai pu voir Juninho, Cris, (Grégoire) Coupet, c’est l’occasion de pouvoir les rencontrer et découvrir ce monde. J’ai joué avec Anthony Lopes, Mathieu Gorgelin, Saïd Mehamha, de la génération 1990, et avec les plus jeunes comme Alexandre Lacazette, Corentin Tolisso, Clément Grenier, Yannis Tafer… Ma formation à l’OL fait en grande partie ce que je suis aujourd’hui, j’étais formaté comme joueur, mais aussi comme homme, et ça a été bénéfique.
À : Je n’ai jamais été approché par le club, mais j’ai souvent joué contre eux. Premier au début de sa carrière chez La Duchère (défaite 1-3)en 2012, contre Lisandro López, Bafé Gomis, c’étaient des joueurs qu’on regardait à la télé tous les week-ends et en Ligue des Champions. En 2020, je les reprendrai, également en Coupe de France, avec Bourg-en-Bresse (défaite 0-7). Je les rencontre à trois âges différents, et cette fois, cela me tient particulièrement à cœur car c’est avec Bourgoin, mon club, que tout a commencé pour moi. Je suis quand même un peu plus serein. J’ai prévenu les jeunes, la première fois, tu n’arrives pas à dormir la nuit, tu penses à la façon dont tu vas jouer, à quelle fête faire si tu marques. (Rires.) Au final, vous tremblez surtout.
Vous rencontrerez également Pierre Sage, que vous avez rencontré à La Duchère, lorsqu’il était entraîneur adjoint de Karim Mokeddem…
À : Pierre bien sûr, mais aussi Jamal Alioui (Adjoint de Sage)que je connais très bien et avec qui j’ai un peu joué à La Duchère, Cédric Uras (préparateur physique)avec qui j’ai aussi joué à Saint-Priest. Il y aura un peu d’émotion de mon côté, ce sont des gens que j’aime beaucoup. D’ailleurs, avant de savoir qu’on allait jouer l’OL, je parlais déjà avec Pierre. Je l’ai rencontré lors d’un shopping à Lyon il n’y a pas si longtemps, c’était toujours un plaisir de discuter avec lui.
Comment s’est déroulée votre année sous son commandement ?
À : En un an, c’est quelqu’un dont la personnalité m’a le plus marqué. C’est un gars qui a la capacité de transmettre ses connaissances footballistiques à tout le monde, même aux joueurs avec un QI footballistique moins développé, d’une manière très juste, très simple, sans jamais crier.
N.-É. : En effet, Karim avait choisi Pierre Sage car il partait en formation diplômante une semaine par mois et il souhaitait un assistant capable de gérer son absence. Quand le chat n’est pas là, les souris dansent, et le premier entraînement sans Karim, c’était de la merde.
À : C’est vrai, c’était une foire.
N.-É. : Le lendemain, Pierre était très calme. Il a dit : « C’est simple, si vous faites la même chose qu’hier, j’arrêterai l’entraînement et vous rentrerez tous chez vous. » Il disait tout cela si calmement, avec tant de persuasion, que personne ne broncha. Ce jour-là, il a gagné le respect de tous, à partir de ce moment-là, nous pourrions tous mourir pour lui. Il n’a pas besoin d’élever la voix, c’est quelque chose qu’il dégage naturellement.
Le connaissiez-vous avant son arrivée ?
N.-É. : On connaissait tous Pierre Sage de nom, il était à Bourg-en-Bresse depuis longtemps. Je n’avais pas forcément de visage en tête, mais son nom était connu dans la région pour son bon travail.
À : On a vite vu qu’il jouait le même football que Karim, très offensif, très joueur. Il a une telle connaissance du football, qu’on se dit tout de suite que ce n’est pas un perdant.
N.-É. : Aujourd’hui plus connu, il est véritablement devenu un scientifique du football.
À : Moi, Pierre Sage, je l’appelle le philosophe !
N.-É. : Il est en avance sur tout le monde. Pour être cru, c’est quelqu’un qui pue le football.
Comment ça se passe à l’entraînement ?
À : Il m’a rapidement dit : « Je suis pro-Barça, vous ne me verrez jamais vous dire de lancer le ballon. » Il veut jouer au ballon tout le temps, en commençant par derrière. Je me suis vite dit qu’on allait bien s’entendre. C’est aussi un fan de Guardiola, il parlait souvent de lui.
N.-É. : Pierre est une encyclopédie. Il sait ce qu’il veut, il sait comment atteindre son objectif, il a toujours un plan A, un plan B, un plan C, un plan D… Il est arrivé dans un contexte très particulier à l’OL, mais il a tout de suite soudé son groupe, d’abord sur des choses simples, puis en mettant en œuvre ce qu’il voulait, et c’est parti.
À : Lorsqu’il a rejoint l’OL, j’ai tout de suite dit : « Oh les gars, vous verrez le changement de mentalité qui va se produire dans l’équipe. » Cela n’a pas échoué, c’était incroyable. Une chose qui m’a marqué, ce sont les matchs qu’il a joués à l’entraînement. En regardant ses séances, vous avez compris ce qu’il voulait que nous fassions le week-end : construire, déséquilibrer par la passe, par le mouvement. Ce sont des choses que les grandes équipes ont faites et nous l’avons réussi en National.
N.-É. : Nous avions une équipe pour jouer du bon football. Pierre apportait sa touche au mouvement, à la qualité technique, son œil extérieur lui permettait d’être très pointilleux sur les détails. Quand il disait quelque chose, nous l’écoutions, c’était toujours pertinent.
Vous avez terminé cinquième du championnat, le meilleur résultat du club, cela avait quelque chose à voir avec le fait d’être “ seulement » adjoint ?
À : Oui bien sûr. Il était très engagé dans le dialogue, dans l’enseignement. Quand ça n’allait pas bien techniquement, il nous expliquait certaines choses, c’était un accompagnement positif, toujours sous forme de conseils.
N.-É. : Il était dans son rôle d’adjoint et trouvait toujours le bon équilibre en étant proche des joueurs. Il faisait aussi de la vidéo, il était très pointilleux là-dessus. Déjà, c’est le premier adjoint que Karim laisse faire. Sans dénigrer les autres, il est le seul à avoir le contrôle à 100%, et Dieu sait que c’est dur, Karim aime contrôler son équipe. (Rires.)
À : Le binôme a très bien fonctionné. Le duo Pierre Sage Karim Mokeddem, je ne pense pas qu’on puisse faire mieux en National.
N.-É. : Quand ça n’allait pas, Karim était capable de débrancher, de prononcer des noms d’oiseaux, car il a un caractère très fort. Pierre était tout le contraire. Quand il était en colère, on le voyait parce qu’il était un peu plus froid, mais sa façon de parler était la même. Au niveau du groupe, on a dû le remarquer et se dire que ce calme était impressionnant, ça lui valait notre respect.
À : C’est vrai, Karim nous a mis le bâton, et Pierre est venu avec sa force tranquille. Aujourd’hui, à l’OL, il forme le même duo avec Jamal Alioui, qui est aussi une grande gueule, qui s’y met. S’il y a des gars à recadrer, Jamal s’occupe d’eux, et derrière, il y a Pierre qui fait passer son message. Je trouve aussi que Pierre a des similitudes avec Freddy (Morel, entraîneur de Bourgoin)il y aura un match dans le match.
On peut parfois entendre qu’un bon entraîneur doit avoir été un joueur professionnel, qu’a-t-il de plus que les autres pour atteindre ce niveau sans s’appuyer sur son passé ?
N.-É. : Aujourd’hui, il n’y a plus de vérité là-dedans, je pense, on le voit aussi avec Will Still. Pierre n’a jamais joué au football, certes, mais il ne faut pas confondre : un excellent joueur n’est pas forcément un bon entraîneur, pourquoi ne pourrait-on pas devenir un bon entraîneur sans avoir été joueur ?
À : Le curseur est basé sur la crédibilité. On peut être moins crédible quand on n’a pas été joueur et qu’on nous corrige sur la qualité du contrôle, mais quelqu’un comme Pierre Sage sait tellement que ce qu’il dit est vrai, qu’il arrive à le prouver et à nous faire comprendre que c’est la bonne chose. Pour chaque problème, il a une réponse. Une fois, deux fois, trois fois, à la fin, c’est vous qui réalisez qu’il sait tout et qu’il faut lui faire confiance.
N.-É. : Et c’est une personne très humble par rapport à ça, c’est une force.
Vous souvenez-vous de son départ, en fin de saison, pour le centre de formation de l’OL ?
N.-É. : C’était une opportunité. D’autant plus que je pense qu’il se voyait plutôt comme un entraîneur. C’est aussi un rôle pour lequel il excelle. L’OL ne peut pas se refuser. Par ailleurs, Karim quitte La Duch le même été.
Quel visage aura son OL face à Bourgoin ?
À : J’ai hâte de savoir ce qu’il va mettre en place. Je suis convaincu qu’il constituera une grande équipe, très, très compétitive.
N.-É. : Surtout, il nous connaît, il connaît Alors’, Jimmy (Nirlo)moi, et je suis sûr qu’il connaît tous les joueurs parce qu’il a travaillé le jeu. Il a analysé l’équipe, il a un plan A, un plan B, un plan C pour nous poser des problèmes. Il a déjà fait le match dans sa tête, c’est sûr.
À : Son discours sera : « Les gars d’en face, je les connais, je les ai formés, ce ne sont pas des peintres, on va y aller pour gagner. »
N.-É. : D’une certaine manière, c’est bien, c’est qu’on est respectés.
À : Ils ont une grosse séquence, avec le retour de la Coupe d’Europe. Il y a des joueurs qui attendent de partir. Nous ne serons pas la priorité.
N.-É. : Heureusement qu’il y a des rugbymen qui jouent au Rajon avant nous, ça peut mettre les choses au niveau ! (Rires.)
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