Il y a ces postures qui laissent sans voix. Celui du très algérien Chems-eddine Hafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris, institution de droit français censée représenter l’ensemble de la communauté musulmane de France, en fait bien partie. Remarqué pour son rôle actif dans le recrutement de membres de la communauté algérienne de France afin de vanter le régime d’Alger et, surtout, d’appeler à la haine, au meurtre et aux attentats sur le sol français contre toutes voix ayant la présomption de le critiquer, l’ancien avocat d’affaires, reconverti en représentant de l’islam en France, n’a rien trouvé de mieux… que de s’en prendre à ces mêmes voix.
Dans un communiqué en réaction aux dernières arrestations en France parmi les influenceurs de la haine, incités à semer la terreur en France par un régime fragilisé par le soutien irrévocable apporté par Paris à la souveraineté du Maroc sur son Sahara et par les bouleversements de la justice pénale Incarcération de l’écrivain Boualem Sansal à Alger, Chems-eddine Hafiz a livré une véritable diatribe contre certaines figures de cette opposition. A commencer par le lanceur d’alerte algérien Chawki Benzehra, qualifié de «blogueur obscur».
Sa faute ? Ayant alerté à juste titre sur le caractère méthodique et orchestré des appels d’Alger susvisés. Pour lui, il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une campagne téléguidée distillée à travers de nombreux relais médiatiques et portée par « des milliers » de soi-disant influenceurs. Objectif : terroriser. “Il faut aussi s’intéresser à la Grande Mosquée de Paris qui accueille ces influenceurs et qui les finance. Il ne se passe pas un mois sans que le recteur de la Grande Mosquée de Paris ne se rende en Algérie pour rencontrer le président Tebboune. Nous sommes face à un véritable agenda ourdi en Algérie et qui se met en place en France à travers la Grande Mosquée de Paris, devenue un outil au service d’une campagne de déstabilisation de la France.», a déclaré Chawki Benzehra. C’était hier dimanche 5 janvier sur la chaîne CNews. Suffisant pour que le recteur émette une véritable fatwa contre l’intéressé, ajoutant «certaines personnalités de bas niveau».
Les médias algériens n’ont pas tardé à amplifier les propos, élargissant ainsi la liste noire des voix qu’Alger ne peut pas entendre. Porte-drapeau de l’appareil militaire au pouvoir, Algérie54 comprend également le journaliste et écrivain Mohamed Sifaoui, coupable d’avoir agressé LCI «aux représentations algériennes en France, comme la Grande Mosquée de Paris», les accusant de «mener une guerre contre la France au profit de l’Algérie« . Comme pour Sansal, Sifaoui est également traité comme «voleur« . Certainement! D’ailleurs, le régime d’Alger se trahit méchamment lorsqu’il considère la Grande Mosquée de Paris comme «une représentation algérienne», même s’il s’agit d’une association de droit français, représentative de TOUS les musulmans de France. “La machine de propagande néocoloniale française dirigée par le régime français en pleine décadence, ne chôme pas et escalade dans la diabolisation de l’Algérie, de ses institutions, de ses dirigeants et aussi de ses symboles.», lit-on, entre autres pépites.
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Le recteur Hafiz ne manque pas de s’en prendre à l’ancien ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt, «connu pour son hostilité aveugle envers le pays où il a servi» et qui détenait «un discours similaire” sur CNews. Alors que ce sont sa personne et ses liens avec le régime d’Alger et le président Tebboune qui sont dénoncés, Chems-eddine Hafiz réussit une évasion magistrale en se cachant derrière l’ensemble de la communauté musulmane. Rien de moins. “Ces propos diffamatoires s’inscrivent dans la stratégie globale de CNews visant à discriminer tous les musulmans de France, à leur refuser le simple droit d’exister dans notre pays, et à répandre le poison de l’extrême droite dans notre société.», écrit-il. Et voilà. Comme pour ne pas fâcher ses sponsors, le recteur souligne néanmoins le «des liens forts et historiques avec l’Algérie».
Par «historique», a certainement entendu Chems-eddine Hafiz depuis sa prise de fonction à la tête de l’institution française, le 11 janvier 2020. Une institution qu’il a depuis transformée en pharmacie algérienne. Au point qu’il est devenu le véritable ambassadeur d’Algérie à Paris. Journaliste algérien et YouTubeur exilé en France, Abdou Semmar a dénombré au moins 8 audiences officielles accordées par le chef présumé de l’Etat algérien à son principal soutien en France. “Ceci, sans compter les échanges téléphoniques et les innombrables rencontres avec Boualem Boualem, le très influent directeur de cabinet du président. Les principaux ministres n’ont pas droit à de tels honneurs», remarque-t-il dans un vidéo dédié.
Officiellement, l’Algérie n’a plus d’ambassadeur en France depuis fin juillet 2024 et les relations diplomatiques entre Paris et Alger sont gelées depuis le soutien solennel de la France à la souveraineté marocaine sur le Sahara. Mais officieusement, c’est le recteur de la Grande Mosquée de Paris qui fait office d’ambassadeur effectif de Tebboune & Co. Au point de s’ériger en interlocuteur des autorités françaises au nom du pouvoir, en s’entretenant avec les plus proches lui conseillers du président Macron ou encore de ses ministres de l’Intérieur. Et ce, même s’il n’a ni la qualité ni la légitimité pour le faire.
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Un tel « engagement » a une contrepartie : les largesses en espèces sonnantes et trébuchantes du gouvernement algérien. Aux subventions annuelles accordées par l’État voisin à la Grande Mosquée de Paris, allant de 1,2 à 2 millions d’euros, s’ajoutent des contrats lucratifs. Vous avez bien lu, surtout quand on sait que depuis juillet 2023 la Grande Mosquée de Paris possède la certification halal exclusive de toutes les viandes rouges importées par l’Algérie en provenance de l’Union européenne. Pendant ce temps, «aucun bilan financier n’est publié, aucun relevé de dépenses n’est connu et aucune forme de transparence n’est observée dans la gestion financière de la Grande Mosquée de Paris. Tout cela, au vu et au su des autorités françaises qui préfèrent regarder ailleurs», dénonce Abdou Semmar. De la même manière qu’ils ont assisté passivement à la transformation de la Grande Mosquée de Paris en centre de la dernière campagne électorale de Tebboune en France pour la fausse élection présidentielle de septembre 2024.
Qu’elle se transforme à nouveau en « Mecque » des haineux de tous bords pour menacer de mort et d’attentats les opposants algériens sur le territoire français n’est finalement qu’une issue logique. En cours À une série d’arrestations parmi les promoteurs de la criminalité sur le Web, les autorités françaises apportent la preuve qu’elles prennent très au sérieux ces menaces et leurs diverses ramifications. Tous pointent dans une seule direction : Alger. Le changement radical de ton du président Macron, ce lundi 6 janvier, s’adressant au régime voisin sur l’affaire de l’écrivain Boualem Sansal, âgé, malade et emprisonné par la junte, pour aucune autre considération que ses idées, ne fait pas que renforcer cette idée. Devant les ambassadeurs de France réunis à l’Élysée, le chef de l’Etat français a déclaré : l’Algérie est «déshonoré» en ne libérant pas l’écrivain franco-algérien. D’une rare intensité, la sentence et le discours qui a suivi résument toute la considération dont l’Algérie jouit désormais dans le concert des nations : une thugocratie même pas digne d’une mafia. Elle, au moins, a un code d’honneur.