BORIS HORVAT / AFP
Aux Pays-Bas, les peines de prison sont parfois très courtes. Contrairement à la France.
POLITIQUE – Les prisons françaises ont atteint un nouveau record en novembre. Plus de 80 000 personnes y sont incarcérées. Du jamais vu auparavant. Conditions insalubres, manque d’hygiène, mauvais entretien, manque d’intimité… Les maux sont nombreux. Le nouveau garde des Sceaux Gérald Darmanin, nommé le 23 décembre, arrive donc dans un contexte difficile. Comme il l’a déjà expliqué, l’ancien maire de Tourcoing entend lutter contre cette surpopulation carcérale. Et cela pourrait être une source d’inspiration pour regarder ce qui se fait en dehors de nos frontières.
En visite à Amiens (Somme) le 25 décembre, l’ancien homme fort de la place Beauvau a présenté ses premiers projets : « plus de lieux de détention pour les peines mineures »établissements pénitentiaires “à échelle humaine”volonté d’exécuter à tout prix « phrases courtes »… Des priorités qui semblent calquées sur celles du ministère de l’Intérieur Bruno Retailleau, qui plaidait en octobre pour « une rupture dans la politique pénale ». Surtout, cela s’inspire fortement de ce qui existe aux Pays-Bas, où les prisonniers ne peuvent être enfermés que quelques jours.
Invitée d’Europe 1 ce 27 décembre, la magistrate Béatrice Brugère a vanté les mérites de « choc carcéral » qui, selon elle, consiste à prononcer des peines de prison très courtes. “C’est pour des profils de jeunes délinquants qui font des choses graves et pour lesquels il n’y a pas de réponse immédiate”elle a expliqué. Expliquant qu’aux Pays-Bas, “on incarcère deux fois plus”tandis qu’en même temps, « les prisons se vident ». Le taux d’incarcération est l’un des plus bas d’Europe.
Baisse de la criminalité
Un constat a priori contre-intuitif qui s’explique par les deux piliers sur lesquels repose le « Modèle néerlandais » : des peines de prison courtes, mais souvent prononcées. Ainsi, 23 % des condamnations prononcées par les tribunaux néerlandais sont des peines de prison, contre 15 % en moyenne dans le reste de l’Europe, selon le monde diplomatique. 52% des sanctions pénales concernent également des peines de prison inférieures à un mois. Résultat : le nombre de prisonniers diminue, les prisons se vident et la délinquance diminue significativement.
Un exemple qui montre que l’encombrement des prisons que nous connaissons aujourd’hui n’est pas une fatalité. Les effets sont évidents : les peines courtes servent à prévenir la grande délinquance et à prévenir la récidive. Un jeune qui a vécu la prison, même deux ou trois semaines, saura qu’il doit tout faire pour ne pas y retourner. Une logique qui fait prévaloir la prévention.
Des moyens mis sur la table
De même, les Pays-Bas accordent une grande importance aux sanctions financières et aux travaux d’intérêt général. L’avocat Guillaume Jeanson, qui a comparé les systèmes néerlandais et français, souligne que les peines communautaires représentent 30 % des peines prononcées aux Pays-Bas… contre seulement 4 % en France.
Mais au-delà des annonces, la France peut-elle vraiment se rapprocher de « Modèle néerlandais » et ainsi modifier profondément son système pénitentiaire ? La marche semble haute, puisque l’application des peines courtes n’est pas entrée dans la culture française. Au contraire, les peines courtes sont souvent sujettes à aménagement, empêchant ainsi les condamnés d’aller en prison.
Les Pays-Bas peuvent se vanter d’exécuter leurs peines beaucoup plus rapidement que la France, où certains condamnés entrent en prison plusieurs mois, voire un an, après le prononcé de leur peine. La question des moyens est centrale, puisque les Pays-Bas investissent bien plus que la France dans le système judiciaire. En 2022, ils ont alloué 120 euros par habitant et par an, contre 70 euros pour la France. En théorie, les Pays-Bas constituent donc un modèle. En pratique, c’est beaucoup plus compliqué.
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