Le nouvel outrage anti-chinois de Donald Trump

Le nouvel outrage anti-chinois de Donald Trump
Le nouvel outrage anti-chinois de Donald Trump

Il a promis que lors de son entrée à la Maison Blanche, le 20 janvier, il mettrait un terme à cette « arnaque totale ». Il a exigé du petit pays une exploitation « sûre, efficace et fiable » du canal, sous peine de restitution aux États-Unis. Après 24 heures de silence que l’on peut attribuer à l’étonnement, José Raul Mulino, président du Panama, a répondu avec fermeté que « chaque mètre carré du canal de Panama et de ses zones adjacentes appartient au Panama et continuera à lui appartenir ». Et que « la souveraineté et l’indépendance » du pays ne sont pas négociables.

Le précédent de 1989

Les discours du milliardaire populiste contre les pays souverains ne se limitent pas au cas panaméen. La semaine dernière, il a répété qu’annexer le Canada pour en faire le 51e État américain serait « une excellente idée ». Son absence de barrière morale sur ce type de sujet n’est pas nouvelle. En 2019, lors de son premier mandat, il a lancé à plusieurs reprises l’idée d’acheter le Groenland au Danemark.

Le canal de Panama a une résonance bien plus forte dans l’imaginaire américain. Après les vaines tentatives des Français à la fin du XIXème siècle sous la houlette de Ferdinand de Lesseps, ce sont les Etats-Unis qui rouvrirent ce projet pharaonique en 1904 pour l’achever dix ans plus tard. Pour avoir les coudées franches, ils ont favorisé le déclenchement d’une révolution dans ce qui était alors une province colombienne. Le mouvement aboutit à la déclaration d’indépendance de la République du Panama en novembre 1903, immédiatement reconnue par les États-Unis. En échange, les Américains obtenaient le contrôle total de plus de 1 400 kilomètres carrés, soit huit kilomètres de chaque côté du canal.


Le président panaméen José Raul Mulino et le président élu des États-Unis Donald Trump.

DOCUMENT ANDREW HARNIK / AFP

L’aventure coloniale n’a pas duré plus d’un siècle. Les troubles contre la présence américaine se sont accrus à partir des années 1960. À tel point qu’en 1977, le président (démocrate) Jimmy Carter a signé un traité qui rendait l’ensemble de la zone au Panama le 31 décembre 1999. La période de transition ne s’est pas déroulée sans heurts. En décembre 1989, les États-Unis interviennent militairement au Panama pour destituer Manuel Noriega, le commandant des forces armées du pays, ancien agent de la CIA impliqué dans le trafic de drogue. L’une des raisons officielles de cette opération, baptisée « Just Cause », était de garantir la protection de la voie navigable.

Des revenus records

Nous comprenons le vif intérêt des Américains pour la lecture des chiffres. Selon les services fédéraux américains, 72 % des navires en transit le sont à destination ou en provenance de ports américains. Grâce au canal, la distance maritime entre New York et San Francisco est tombée en dessous de 10 000 kilomètres, alors qu’elle est supérieure à 22 000 kilomètres lors de la traversée du Cap Horn. Les États-Unis, la Chine, le Japon et la Corée du Sud sont les principaux utilisateurs de cette route, qui concentre 5 % du commerce maritime mondial. Les produits pétroliers américains l’emportent, du golfe du Mexique jusqu’en Asie. Les céréales aussi.

Avec la mise en service d’un nouveau jeu d’écluses en 2016, les plus grands porte-conteneurs pourront y naviguer. Calibré pour des navires de 366 mètres de long et 49 mètres de large, le canal de Panama s’est adapté à la course au gigantisme. Les résultats financiers sont là : l’Autorité du Canal a versé ce mois-ci près de 2,5 milliards de dollars (2,4 milliards d’euros) au fisc panaméen, grâce à un chiffre d’affaires record de 4,8 milliards d’euros sur la période octobre 2023/septembre 2024.

La Chine dans le viseur

Cette santé financière insolente, générée par les droits de passage des marchandises, suscite l’ire de Donald Trump. Une santé financière qui a prospéré malgré une sécheresse historique qui a ralenti le trafic entre les deux océans, le canal étant alimenté en eau douce. Enseignant à l’Université des Antilles, Laurent Giacobbi indique dans une récente note du Ceri, le Centre international de recherche de Sciences Po, que le nombre de transits quotidiens avait été réduit de 36 à 24 en février dernier et que le temps d’attente des navires pourrait s’allonger pour jusqu’à trois semaines.

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Mais c’est surtout l’influence de la Chine qui a poussé Donald Trump aux excès. Les impacts du changement climatique obligent le Panama à envisager un projet majeur pour maintenir le canal en eau à l’avenir. “La question du financement des travaux pourrait constituer une opportunité supplémentaire pour la Chine d’étendre son influence en Amérique latine”, écrit Laurent Giacobbi. En 2017, le pays rompt ses relations diplomatiques avec Taïwan et rejoint l’année suivante « les nouvelles routes de la soie », ce réseau chapeauté par le pouvoir chinois. « La République populaire de Chine est devenue le deuxième partenaire commercial du Panama. Le contrôle croissant des entreprises chinoises sur la gestion des ports et des zones franches est un sujet de préoccupation aux États-Unis », poursuit le chercheur.

 
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