Dès 7h30, jeudi matin, une trentaine de salariés se sont rassemblés devant le siège de l’APEI Moselle pour faire entendre leurs revendications. Parmi eux, des éducateurs spécialisés, des aides-soignants, des soignants médico-psychologiques, des psychologues et des animateurs d’ateliers. Ces assistantes sociales, qui accompagnent depuis des années des adultes handicapés dans plus d’une vingtaine de structures médico-sociales en Moselle, ne cachent plus leur exaspération : la colère gronde face à une situation devenue intenable.
Derrière les bonus, un malaise bien plus profond à l’APEI Moselle
A l’origine de la colère : le refus de verser la prime de partage de valeur. Contrairement aux années passées, la direction avance en force. Les salariés sont indignés d’un tel refus compte tenu des fonds dont dispose l’association à but non lucratif. En effet, à la récente demande des syndicats, une évaluation économique au sein de l’APEI Moselle a révélé l’existence d’un excédent budgétaire important, véritable « trésor de guerre ». Une fois tous les budgets prévus pour 2023 bouclés, il reste 14 millions d’euros dans les caisses de l’association, bien au-delà des 1,7 million nécessaires au financement de la mesure « Ségur pour Tous », dont la direction se sert pour motiver sa décision.
Si le refus du PPV a servi de catalyseur, il révèle un malaise bien plus profond. Pour les grévistes, l’enjeu va bien au-delà du bonus : « Le refus de verser cette prime a été un déclencheur, mais ce n’est pas notre principale revendication. Ce que nous souhaitons, c’est une réelle amélioration de nos conditions de travail », a expliqué Aline Leroux, la déléguée syndicale de la CGT APEI Moselle.
Licenciements déguisés à l’APEI Moselle : une stratégie d’économie à tout prix
Dans le cadre de la mobilisation nationale contre les licenciements, les salariés de l’APEI Moselle ont dénoncé une rupture sociale scandaleuse : la disparition progressive de postes dans leur secteur, et non par vagues de licenciements massifs comme dans les secteurs industriels. , mais par des « licenciements silencieux ».
Plutôt que de recourir à des vagues de licenciements visibles et directement confrontés, la direction choisit de ne pas pourvoir les postes vacants, créant ainsi une suppression indirecte d’emplois.
En laissant volontairement ces postes vacants, la direction réalise d’importantes économies sur les salaires et les coûts associés. Une stratégie aux conséquences désastreuses dans un secteur déjà en sous-effectif.
Le délégué syndical CGT revient sur ces pratiques : « Dans le secteur médico-social, on ne parle pas de licenciements, mais cela ne veut pas dire que des emplois ne disparaissent pas. Aujourd’hui, de nombreux postes vacants ne sont plus pourvus volontairement par la direction. C’est une stratégie d’épargne ».
Cette approche, bien que discrète, ne vaut pas mieux que la destruction sociale du secteur privé. Les employés actuels subissent une charge de travail croissante dans des conditions qui se détériorent, tandis que les résidents voient leur soutien compromis par des équipes en sous-effectif. ” Au final, ce sont des emplois perdus, et cet argent, économisé sur nos conditions de travail, alimente le trésor de guerre de l’association. ».
À cela s’ajoutent des choix budgétaires honteux. En 2023, l’APEI aurait consacré plus de 420 000 euros à la gestion des licenciements et des licenciements conventionnels, une somme équivalente au budget nécessaire au financement du PPV ou des augmentations de salaires.
Un autre gréviste nous a alerté sur la transformation du secteur médico-social, notamment en ESAT : « Au départ je ne travaillais pas du tout dans le social avant, je travaillais dans le privé, dans la métallurgie mais j’ai subi 2 plans sociaux, c’était terrible pour moi mais j’ai trouvé un poste à l’APEI Moselle il y a 15 ans […] mais depuis quelques années le secteur s’apparente de plus en plus au secteur privé. On n’entend que clients, délais, productivité, on fait de moins en moins de social et il faut juste faire le chiffre du chiffre du chiffre ».
Mais cette perte d’emploi n’est pas déconnectée de la situation nationale, ce sont plus de 90 000 emplois qui sont désormais menacés. Alors que des milliers de grévistes partout en France, des bibliothécaires de Grenoble aux ouvriers de Michelin Cholet, se mobilisent contre les destructions d’emplois, les salariés de l’APEI Moselle doivent relever la tête.
Dans un contexte de profonde crise médico-sociale, il devient nécessaire d’adopter un plan de combat, en rupture avec le dialogue social, et d’imposer nos revendications par la grève. Alors que le gouvernement Bayrou s’apprête à promulguer un budget tout aussi austère que celui de Michel Barnier, l’urgence est de repenser l’organisation des travailleurs médico-sociaux en alliance avec les usagers : pour un modèle de soins affranchi de logique de profit et d’intérêts privés !