« Love Actually » a 21 ans… et a mal vieilli

« Love Actually » a 21 ans… et a mal vieilli
« Love Actually » a 21 ans… et a mal vieilli

Blagues grossophobes, femmes qui se sacrifient pour les hommes, quasi-absence de diversité… Revoir la comédie romantique de Noël 2003, c’est comme retourner dans le monde d’avant – et pas celui qu’on regrette !

Hugh Grant, Nina Sosanya et Martine McCutcheon dans « Love Actually », de Richard Curtis (2003). Photo universelle

By Hélène Marzolf

Publié le 19 décembre 2024 à 17h19

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Cest devenu LE rituel câlin de Noël : regardez L’amour en fait entre amis, en amoureux ou en famille, avec des chaussons lapin et une bouillotte en forme de cœur sur les genoux. La comédie de génération en génération se sentir bien de 2003 n’a cessé de faire fondre les cœurs d’artichauts. Il faut dire que ce film à sketches, patchwork coloré de variations sur l’amour, est assez large pour fédérer : une dizaine de personnages et de situations – de la femme trompée au petit garçon amoureux pour la première fois – et un casting époustouflant (Hugh Grant, Andrew Lincoln, Emma Thompson, Liam Neeson, Alan Rickman, Keira Knightley…).

Que reste-t-il vingt ans plus tard ? Quelques morceaux de bravoure (Bill Nighy en rockeur au comeback), des touches d’humour si britannique. Pour le reste, les bonbons ont pris une bonne pelle. Même le réalisateur Richard Curtis a exprimé son mea-culpa. Epinglé par sa fille, qui reproche à son œuvre son manque de diversité et sa fatphobie, le scénariste de Quatre mariages et un enterrement, Bridget Jones et Coup de foudre à Notting Hill a admis qu’il avait fait des films de boomer ! Revoir la comédie romantique à l’occasion de son vingt et unième anniversaire, c’est revenir au monde d’avant, et non à celui qu’on regrette le plus : diversité quasi nulle, romantisme réactif et ultra-genré, et léger soupçon de xénophobie de surcroît. Petite anthologie.

Une certaine vision de l’amour

Dans L’amour en fait, le coup de foudre est la règle. Et, de préférence, entre personnes issues de milieux sociaux différents (syndrome Jolie femme). Dès que David, le Premier ministre anglais (Hugh Grant), voit sa secrétaire, Natalie (Martine McCutcheon), son cœur s’emballe. Jamie (Colin Firth), un écrivain trompé par son partenaire, attire l’attention d’Aurelia (Lúcia Moniz), sa nouvelle gouvernante portugaise, et boum, des papillons dans le ventre. L’alchimie ici est instantanée et purement physique. Jamie et Aurelia ne parlent pas la même langue ? Qu’importe, il ne leur faudra que quelques jours de cohabitation, entre mime et discussion en espéranto, pour savoir qu’ils sont faits l’un pour l’autre… Sous texte assumé : l’amour dépasse les clivages linguistiques. Avec une petite mauvaise réflexion, on peut voir les choses autrement : ce chanceux Jamie a trouvé une femme presque muette, qui nettoie aussi ses casseroles, tout en n’hésitant pas à se jeter dans un lac en tenue légère pour repêcher les pages volées de son manuscrit. (moment t-shirt mouillé)… Sexy, dévoué et peu bavard, le rêve du macho de base.

Vous les femmes, vous charmez

Une femme, dans L’amour en fait, est avant tout une courageuse femme au foyer… ou une infirmière dans l’âme. Aurélia brique donc la maison de son futur amant. Le travail de Natalie consiste à apporter du thé et des friandises au Premier ministre. Karen, une mère au foyer (Emma Thompson), confectionne des costumes de Noël pour la crèche de l’école, tandis que son mari (Alan Rickman), propriétaire d’une entreprise, s’amuse avec son assistante, qui écarte ostensiblement les cuisses à chaque fois qu’il marche. devant elle au bureau et murmure « Je suis à vous » à la moindre occasion. Sarah (Laura Linney) sacrifie sa vie amoureuse à son frère psychotique. Les hommes ont le pouvoir, les femmes doivent les servir.

Un papa, une maman

Bon, nous étions au début des années 2000, mais déjà à l’époque, ce film choral se voulait un reflet de la société, un miroir générationnel, dans lequel chacun pouvait se retrouver. En matière de diversité ethnique, Chiwetel Ejiofor, dans le (tout petit) rôle de jeune marié, coche vaguement la case. Mais vingt ans plus tard, difficile de ne pas constater que le film a oublié autre chose. Amour homosexuel… Oups !

Bercez votre prince charmant

Hugh Grant, alias David, le nouveau locataire du 10 Downing Street, est beau, riche, célèbre et célibataire ! A première vue, l’homme idéal. Un beau gamin gentiment gaffeur, qui bat des cils, rougit en apercevant sa secrétaire, se déhanche en solo au rythme des Pointer Sisters dans les salons des ministères… De près, il se révèle plus un crapaud que un prince charmant. Surtout lorsqu’il demande, lors d’une réunion, « Qui devons-nous renverser ici pour prendre du thé ? » “, ou, paternaliste, donne “ma princesse, ma merveille”, à son chef de cabinet. Dans la scène la plus surréaliste du film, David surprend le président des États-Unis (Billy Bob Thornton) en train de harceler sa chérie et secrétaire, Natalie. Courageux – mais pas téméraire – il tient un discours anti-américain lors d’une conférence de presse, mais en coulisses, il s’empresse de licencier le pécheur, qui le trouble plus que la raison et l’empêche de travailler. En 2023, la victime aurait alerté les RH (du moins on l’espère). Dans la romance de 2003, c’est elle qui s’excuse. « Je suis désolé pour l’autre jour, il est tombé sur moi. Il ne s’est rien passé, je le jure ! » » écrivit plus tard une Natalie en deuil, plus amoureuse que jamais, à son ex-employeur dans une très jolie carte postale. Même avant #MeToo, ces scènes faisaient déjà tache.

Un amour extra-proche

Dans le monde merveilleux de la comédie romantique signée Curtis, le poids est une source inépuisable de rire. Ainsi, Natalie (qui subit décidément tous les outrages) raconte que son ex l’a quittée parce qu’elle avait « des cuisses comme des poteaux ». Hugh Grant a sympathisé, mais a ensuite décrit sa bien-aimée comme une fille “joufflu”, avant que son chef de cabinet surenchère : « Elle a un postérieur assez massif, monsieur. ! Habillée de saindoux pour l’hiver, la petite employée – au poids tout à fait standard par ailleurs – n’est pas non plus épargnée par sa famille, qui l’appelle affectueusement “bouboule”. Bâillon courant as fine as a cassoulet pudding.

Quand portugais rime avec arriérés

A Marseille, terre de contrastes, vit une communauté bien étrange. Elle se déplace en troupeau, ne parle ni français ni anglais, parle d’une manière tonitruante et embrasse tout le monde sur la bouche. Qui sont ces gens ? Les Portugais. Enfin les Portugais de Marseille, selon Richard Curtis. Lorsque Jamie arrive sans prévenir chez la famille d’Aurelia pour lui demander sa main, il est accueilli par son père, bedonnant et éructant, portant fièrement son débardeur. Le reste du clan ne hausse pas le niveau : notamment la sœur, qui beugle dans la rue ” le père va vendre Aurelia comme esclave à l’Anglais ! ” ». Mais même chez ces Thénardier lusophones, on sait finir en beauté, applaudissant sauvagement pour les mariés – qui, rappelons-le, ne parlent toujours pas la même langue – au milieu des vapeurs de bacalao… Au secours !

 
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