Il lui fallut quelques secondes de silence, à peine le - de prendre une profonde inspiration, pour se lancer. Le mur étouffant des caméras ne pouvait que le lui rappeler, ses paroles étaient sur le point de résonner, une fois de plus, aux quatre coins du monde. Les yeux embués, la voix légèrement tremblante, mais la tête haute, Gisèle Pelicot a partagé, jeudi à midi, son « émotion profonde » après l’annonce du verdict concluant le procès pour viol de Mazan. Malgré des peines généralement inférieures aux réquisitions, elle a sobrement déclaré, devant la salle d’audience du palais de justice d’Avignon : “Je respecte le tribunal et la décision du verdict.”
Sortant de la réserve qu’elle s’était imposée tout au long du procès (elle n’avait fait que de courtes déclarations à la presse), Gisèle Pelicot a rappelé l’évidence, celle que certains avaient vite oubliée, camouflée par sa détermination infaillible : « Ce procès a été une épreuve très difficile. » Pendant des semaines, elle a entendu ses 51 agresseurs, dont son ex-mari Dominique Pelicot, accepter leurs dénégations insolentes, parfois absurdes, recevoir leurs excuses, plus ou moins sincères. Pendant près d’une décennie, la septuagénaire a été endormie par son ex-mari, qui a profité de son état d’inconscience pour la violer et la faire violer par ces inconnus, recrutés en ligne. Ces hommes, qu’elle a découverts à l’audience, ont tous été reconnus coupables par le tribunal correctionnel départemental du Vaucluse, principalement pour « viol aggravé ».
Pensée pour les « victimes dont les histoires restent dans l’ombre »
Sa rare décision de clôturer le huis clos a transformé ce moment judiciaire en un procès historique. Maintenant personne ne peut quitter les yeux « la banalité du viol », ce qu’elle a dénoncé lors de sa dernière déclaration à la barre. « En ouvrant les portes de ce procès le 2 septembre, j’ai souhaité que la société puisse s’approprier les débats qui s’y déroulaient. Je n’ai jamais regretté cette décision. elle réaffirme ce jeudi, avec une pensée pour « toutes les familles touchées par ce drame ».
Entourée de ses enfants, la main de son petit-fils posée tendrement sur son épaule, Gisèle Pelicot portait seule sa voix. Jusqu’au bout, elle restera le visage de son propre combat. Ses avocats n’ont fait aucun commentaire. Mais ils l’accompagnèrent, comme d’habitude, avec gentillesse. Sous les objectifs, le trio s’est présenté, une dernière fois dans cette séquence de près de quatre mois, comme un front unique. Gisèle Pelicot s’adresse à tous « sa reconnaissance ».
“Vos témoignages m’ont choqué”
Faisant écho au public qui scande son nom depuis des heures devant le palais de justice, Gisèle Pélicot s’est exprimée « ma plus profonde gratitude à toutes les personnes qui [l]’ont soutenu tout au long de cette épreuve’. Sa garde d’honneur rituelle s’était aujourd’hui déplacée dans la rue où le public était relégué faute de places assises. “Votre témoignage m’a ému et j’y ai puisé la force de revenir chaque jour affronter ces longues journées d’audience.”
Gisèle Pelicot est pleinement consciente que cette condamnation, étayée par une quantité importante de preuves matérielles, reste encore une exception en France. Selon une note du Public Policy Institute, 86 % des plaintes pour violences sexuelles sont rejetées. « Je pense à ces victimes méconnues dont les histoires restent souvent dans l’ombre. » dit-elle d’une voix douce. Et se projette sur l’après-procès, cet abîme où règne le silence. « J’ai désormais confiance en notre capacité à saisir collectivement un avenir dans lequel chacun, femmes et hommes, pourra vivre en harmonie dans le respect et la compréhension mutuelle. Merci.»