Même si vous n’avez pas fréquenté les clubs et les boîtes de nuit depuis des années lumières, vous connaissez forcément – et peut-être sans le savoir – un des nombreux morceaux du groupe Justice. Fondé il y a plus de 20 ans, en 2003, par Gaspard Augé et Xavier de Rosnay, quelle est la recette de cette puissance mélancolique et électronique qui perdure à travers les années ?
Le quatrième album studio de Justice, Hyperdrama a été publié le 26 avril 2024 et a paru chez Genesis/Ed Banger/Because. Ils seront en concert les 17 et 18 décembre prochains à l’Accor Hotel Arena de Paris, le 1er février à Lyon, le 4 février à Nantes et le 5 février à Bordeaux.
Sur leur dernier album, Hyperdrame
Xavier de Rosnay s’exprime sur Hyperdrama sorti en avril 2024, huit ans après leur dernier album, et sur la possible pression à rester en lien avec l’innovation : “Quand on travaille sur un album, on prend très peu en compte les paramètres du monde extérieur, on se fie davantage à notre plaisir, à notre excitation. Il poursuit : “On a cette impression d’aller dans des endroits dans lesquels on n’est pas allé jusqu’à présent. Il y a une partie de cela qui vient de la technologie. En effet, on découvre plein de nouveaux procédés, plein de nouvelles choses. On trouve des manières de faire sonner les choses qui nous excitent un peu. Et cela ne veut pas dire que ça sera forcément en lien avec le moment où l’album sort. Quand on commence un disque en 2020, qui sort en 2024, on n’a aucune idée de ce que sera le paysage à ce moment-là. Donc on ne se pose même pas la question, il ne faut pas penser à toutes ces choses-là. Mais on part du principe que si on est excité, si cela sonne un peu frais à nos oreilles, cela sera sûrement le cas pour d’autres personnes”.
Gaspard Augé évoque leur interêt pour les émotions fortes et leur sens du drame, en référence au titre de l’album : “Chez nous, le drame est intérieur, le drame est dissimulé. Hyperdrama, c’est un peu ce qu’on fait depuis le début, dans le sens où on aime les émotions un peu outrées, dans un sens comme dans l’autre. On a ce truc à la fois belliqueux et très mélancolique. On a un peu de mal à se contenter d’émotions tièdes. Donc quand c’est mélancolique, ça l’est vraiment, et inversement”.
Un retour à leurs débuts
Gaspard Augé revient sur les débuts de leur aventure musicale, et plus particulièrement sur le morceau We are your friends, à la fois éminemment dansant mais teinté d’une mélancolie certaine : “On faisait principalement des remix au début de notre carrière. Pour nous, tout l’intérêt du remix était de prendre les voix d’un morceau et de trouver une autre émotion avec des nouveaux accords et des nouvelles instrumentations. Dans le morceau We are your friends, c’est vrai que ces espèces de cris d’appel à l’amitié sont un peu ternis par la Musique. Il y a un décalage qui est amusant”.
Ils évoquent ensuite l’importance de DJ Mehdi dans leur parcours, qui a cru le premier a leur morceau Waters of Nazareth. Xavier de Rosnay développe sur ce point : “Pedro Winter nous avait dit « Hum, je n’aime pas trop ce morceau » et avait misé sur un autre son. C’est Mehdi qui nous a dit « Mais non, vous ne vous rendez pas compte, il faut que ça soit ça. Nous, on avait aussi cette intuition qu’il fallait que ce soit le morceau lead de cet EP. Et en même -, on faisait confiance, et on fait toujours confiance à Pedro bien sûr, mais il répétait « Non, moi je sens plus un autre morceau ». C’est finalement Mehdi nous a un peu redonné la niaque, il nous a dit « Non, non, faites-moi confiance, c’est ce morceau-là.”
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Musique électronique et corporéité
Gaspard Augé explique qu’”il y a quelque chose de très primal et tribal dans les grands rassemblements électro, où tout le monde vibre à l’unisson. Dans les concerts, il y a vraiment un spectre qui doit répondre à certaines exigences sensorielles”. Il affirme : “Quand on fait des albums, on est plus attaché à l’aspect émotionnel du résultat, même si, évidemment, il ne faut pas passer à côté du message, en ayant quelque chose qui ne sonne pas en adéquation avec ça.”
Xavier de Rosnay développe l’idée selon laquelle “la musique, c’est une réponse physique”. Il généralise ce propos à tous les genres musicaux : “Quelle que soit la quantité d’intention ou d’expérimentation qu’on met dans une musique, à la fin c’est un assemblage de fréquences qui font vibrer l’air. Il faut que le corps et le cerveau, qui est un muscle aussi, répondent favorablement à cet acheminage de fréquences. C’est pour cela qu’il y a des accords qui sonnent mal pour tout le monde et qu’il y a des choses qui provoquent l’euphorie chez tout le monde. La musique classique, par exemple ou la musique orchestrale, et sa distribution de fréquences dans un orchestre, fonctionne quasiment de la même manière que la techno. La musique, c’est donc physique avant tout. Et il ne faut pas chercher à trop intellectualiser tout cela”.
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Extraits sonores :
- Le cinéaste Romain Gravas, extrait du documentaire DJ Mehdi : Made in France, réalisé par Thibaut de Longeville sur Arte
- Extrait du documentaire Free Party, en deçà du bien et du mal de Pascal Signolet, sorti en 2003
- Chanson de fin : One night, all night (feat. Tame Impala) extrait de l’album Hyperdrama de Justice