DANIEL MOUHAMADI / AFP
Mayotte a été dévastée par le passage du cyclone Chido.
POLITIQUE – Qui aurait pu prédire qu’un cyclone d’une intensité exceptionnelle provoquerait des dégâts monumentaux et provoquerait la mort de dizaines, voire de centaines de personnes à Mayotte ? En quelques heures seulement, des milliers de familles ont tout perdu. Et cela n’a rien à voir avec le destin, mais plutôt avec une accélération du réchauffement climatique d’origine humaine, aggravé par l’extrême pauvreté existant sur l’archipel.
En mars 2024, un groupe de députés s’est penché sur la gestion des risques naturels dans les territoires d’outre-mer. Menés par l’ancien député LR de Mayotte Mansour Kamardine, ils ont particulièrement insisté dans leur rapport sur la situation dans l’archipel de l’océan Indien, qui concentre toutes les difficultés. Département le plus pauvre de France, c’est aussi le département d’outre-mer avec la plus forte densité de population. 815 personnes y vivent au kilomètre carré, contre 14 pour la Nouvelle-Calédonie et 3 pour la Guyane par exemple.
Interrogé dans le cadre de ce reportage, le directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte Olivier Brahic a appelé que l’archipel est « exposé aux risques sismiques et cycloniques ». « Compte tenu de l’ampleur de l’habitat informel sur l’île (y compris les bidonvilles, ndlr), le bilan des victimes d’un cyclone serait catastrophique, il a prévenu. De plus, le système de santé, déjà très déficitaire, aurait beaucoup de mal à faire face à un événement majeur, surtout dans la période de crise actuelle. »
« Le bilan pourrait être très lourd »
Des propos qui résonnent étrangement aujourd’hui, alors même que la situation sur le terrain avait été décrite avec précision il y a plusieurs mois. Olivier Brahic avait particulièrement insisté sur le fait « qu’en général, un cyclone provoque peu de traumatismes ». Mais à Mayotte, “ce serait très différent, il a prédit avec une terrible précision. Le bilan pourrait être très lourd dans ce qu’on appelle les bangas, dans les bidonvilles, où les draps volants pourraient causer des dégâts très importants. ».
Et de fait, ce sont ces quartiers pauvres qui ont été les plus durement touchés par le passage du cyclone. Selon les autorités, 100 000 personnes vivent dans ces logements précaires faits de toile, de tôle et de bois.
La situation d’extrême vulnérabilité du 101e département français n’est pas seulement due à des raisons géographiques ou géologiques, mais à un manque criant de prévention et de moyens mis sur la table par Paris pour y remédier. « La difficulté réside, en cas de cyclone, dans le manque total de préparation de la population, contrairement à La Réunion et aux Antilles, soulignait Olivier Brahic en mars. A Mayotte, il n’y a pas de culture du risque sur le territoire ».
« Un abri insuffisant »
“La question du financement est réelle”a confirmé la directrice outre-mer de la Croix-Rouge française Gaëlle Nebard. Avec un exemple à l’appui : l’appareil Pangue Maorèsqui faisait de la prévention dans les écoles de l’archipel, mais qui a été contrainte d’arrêter il y a deux ans faute de moyens. Les programmes de formation aux risques climatiques ont également souffert de négligence. Le spécialiste Jean-Christophe Komorowski, interrogé pour les besoins du reportage, a insisté pour sa part sur la nécessité de « développer la formation universitaire scientifique à Mayotte pour que les Mahorais, une fois formés aux métiers de la recherche ou de la technologie, puissent contribuer à la sécurité de leur territoire ».
” En outreOlivier Brahic a en outre précisé : les capacités d’hébergement sont largement insuffisantes : les centres de vie, qui sont identifiés dans chaque commune, pourraient accueillir 30 000 personnes alors que la population est estimée entre 300 000 et 400 000 habitants ».
Si Mayotte est aujourd’hui au centre de toutes les attentions, d’autres départements d’outre-mer pourraient être touchés dans un avenir proche par les mêmes phénomènes extrêmes. Dans le rapport, l’ingénieur Gonéri Le Cozannet s’inquiète particulièrement : « En l’espace de deux ans, ce qui s’est passé à Mayotte est ce qui va se passer dans tous les autres territoires d’outre-mer dans les trente prochaines années : une montée du niveau de la mer de 20 centimètres ». Et avec cela, des dommages possibles à la peur.
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