Un nouvel équilibre des forces s’installe en Syrie, après la prise des principales villes par les groupes d’opposition et la fuite du régime en place.
En à peine deux semaines, la Syrie a connu un tournant historique et une nouvelle division géographique dont l’évolution est encore incertaine. Après l’offensive éclair des groupes rebelles et la chute du régime de Bachar al-Assad dimanche 8 décembre, le pays est en proie à de nouvelles logiques de pouvoir. Différentes factions se partagent désormais le contrôle de vastes pans du territoire, et chacune d’elles tente de profiter de la situation.
Depuis le cessez-le-feu de 2020, la carte du pays a peu changé. Le régime, qui a réprimé la révolte populaire de 2011 au prix de 500 000 morts, avait réduit les territoires de l’opposition à des poches relativement petites. Mais la chute du régime et la fuite de Bachar al-Assad ont rebattu les cartes dans ce pays de 23 millions d’habitants, où les intérêts étrangers sont également en compétition. Les données duL’Institute for the Study of War, un « think tank » américain, permet de cartographier ces évolutions.
Les principales avancées (en rouge sur notre carte) ont été réalisées par le groupe rebelle islamiste Hayat Tahrir al-Sham (HTS). Jusqu’à il y a deux semaines, ces forces, dirigées par Abou Mohammed al-Joulani, contrôlaient une zone relativement restreinte dans le nord-ouest du pays, autour d’Idlib et de la frontière avec la Turquie. L’ancienne branche syrienne d’Al-Qaïda, considérée comme une organisation terroriste par l’ONU, les Etats-Unis et l’Union européenne, parvient ensuite à prendre Alep dès la première semaine de décembre, puis à avancer vers le sud. C’est ce même groupe qui a atteint la ville de Homs le 7 décembre, puis la capitale Damas le lendemain, en empruntant le principal axe nord-sud du pays, l’autoroute M5. Le groupe HTS, qui n’a connu que des affrontements limités au cours de sa progression rapide, entend désormais coordonner la transition du pouvoir.
Le pays est également tenu par une coalition hétéroclite de groupes soutenus par la Turquie : l’Armée nationale syrienne (SNA). Celui-ci a notamment participé à l’offensive contre Alep, la deuxième ville du pays, et a également reconquis l’enclave de Tal Rifaat, au nord d’Alep, jusqu’alors contrôlée par les Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par les Kurdes. Car les combats s’intensifient également entre ces différents groupes d’opposition, notamment entre l’ANS et les FDS, qui se poursuivent dans le nord-est du territoire.
Profitant de l’affaiblissement du régime de Bachar al-Assad depuis le début de la guerre civile, les FDS ont mis en place en 2018 une « administration autonome » dans le nord et l’est du pays. Cette zone, qui représentait déjà un quart du territoire syrien, abrite d’importants gisements d’hydrocarbures, mais aussi des bases militaires américaines et russes. Historiquement soutenus par Washington, les FDS ont tenté de profiter du mouvement rebelle de ces dernières semaines pour gagner du terrain, mais se sont heurtés à des groupes pro-turcs.
L’Institut d’étude de la guerre observe que ces tensions sont particulièrement fortes autour de la ville de Manbij, au nord-est d’Alep. Les Forces démocratiques syriennes font également face à des mouvements d’opposition locaux, notamment à Deir ez-Zor, ville qu’elles ont reprise aux forces du régime, et où les habitants manifestent pour exiger Hayat Tahrir al-Sham des rebelles islamistes. prendre le contrôle de la ville.
Dans le sud du pays, Israël avance également légèrement en territoire syrien. Après avoir mené des centaines de frappes contre le régime de Bachar al-Assad ces dernières années, l’État hébreu a annoncé avoir pris le contrôle d’une partie de la zone démilitarisée sur le plateau du Golan, mettant fin aux accords de 1974 entre le 8 et le 10 décembre. , Israël a mené de nombreuses attaques visant environ 250 sites militaires, dont la base navale de Lattaquié, des aéroports et des dépôts de munitions.
Enfin, les États-Unis, en plus de soutenir les forces kurdes dans le nord-est, sont également présents dans le sud de la Syrie, dans la base militaire d’al-Tanf, près de la jonction entre les frontières jordanienne et irakienne. . Cette base, qui n’est pas la seule installation américaine en territoire syrien, a la particularité de disposer d’une zone tampon de 55 km de rayon, représentée en bleu sur notre carte.