C’est un jour de fête. Cette phrase était sur toutes les lèvres ce dimanche après-midi, place Lorjou à Blois. Voilà pour le froid humide. Sur l’asphalte, les cœurs sont chauds. Les Syriens, installés à Blois et Romorantin, sont venus, chantant, dansant, pleurant aussi, partager leur joie. Infini. Des pâtisseries circulent déjà, du café aussi tandis que des chants sont repris en chœur sous les drapeaux de la révolution syrienne, différente de celle de l’État tenu par la famille al-Assad depuis plus de cinquante ans.
Le maire de Blois Marc Gricourt et son adjoint Frédéric Orain sont venus partager la jubilation de ces réfugiés, de ces femmes et hommes qui, pour des raisons politiques, ont dû quitter leur pays.
“C’est une question d’humanité, pas de nationalité”
« Désormais, la Syrie est en sécurité. Elle est libérée. Aujourd’hui, c’est la fin de la guerre. »raconte Mounina, une jeune femme de 20 ans, arrivée dans le Loir-et-Cher il y a cinq ans avec sa famille. Sur les photocopies que les enfants tiennent dans leurs mains, deux mots en anglais : jeu terminé. Et le portrait du président Bachar al-Assad, désormais en fuite. Rappelons que les rebelles – placés sous l’autorité d’Abou Mohammed al-Joulani – sont entrés dans la capitale, Damas, dans la nuit de samedi à dimanche, renversant la dictature en place.
“Ça fait une semaine et demie qu’on suit ça à la télévision (1)”poursuit la jeune femme. “Venir ici est une question d’humanité, pas de nationalité” » ajoute une autre jeune femme d’origine algérienne et mariée à un Syrien. Elle se félicite de la libération des détenus de la tristement célèbre prison de Sednaya, libérée par les rebelles. Sur la place Lorjou, pour l’un des hommes présents, c’est une grande nouvelle. Son frère, emprisonné il y a dix ans, est désormais libre.
“Même le jour de mon mariage, je ne serai pas aussi heureux”
Claude Chami est venu de Romorantin pour partager ces moments. Le chirurgien quitte son pays en 1980. Et arrive en France trois ans plus tard. Sans jamais avoir pu remettre les pieds dans son pays. Sa fille Lyna est née en France. Elle a accompagné sa mère à deux reprises en Syrie, en 2009 et 2011. En France, elle a été “de toutes les manifestations” après le début de la révolution contre Bachar al-Assad. “On pensait que tout le monde serait avec nous, mais il y avait des enjeux géopolitiques”se souvient la jeune femme devenue psychiatre. Alors ce dimanche, elle laisse éclater sa joie : “Même le jour de mon mariage, je ne serai pas aussi heureux.”
“Ça fait treize ans qu’on attend ça”explique Haytham Kabbani, installé à Blois depuis fin 2019. Le jeune homme, qui travaille au Château de Blois, a quitté son pays natal en 2014.
Et maintenant ? Derrière la jubilation, beaucoup d’espoir et une certaine appréhension malgré tout. “Mais j’ai confiance, Lyna conclut. Nous avons trouvé notre unité et notre démocratie, nous y croyons. »
(1) L’offensive débute fin novembre.