La Syrie vit un jour historique. Les rebelles menés par des islamistes radicaux ont annoncé dimanche 8 décembre à la télévision publique la chute du président Bachar al-Assad et le “libération” de la capitale Damas, après une offensive fulgurante qui a mis fin à plus de cinq décennies de règne brutal de la famille Assad. En un peu plus de dix jours, les rebelles prennent l’armée par surprise et s’emparent des principales villes du pays avant de provoquer la chute du régime.
« Après cinquante ans d’oppression sous le pouvoir de [parti] Baas, et treize années de crimes, de tyrannie et de déplacements, nous annonçons aujourd’hui la fin de cette ère sombre et le début d’une nouvelle ère pour la Syrie.»» ont déclaré les rebelles qui ont infligé un cuisant revers aux forces progouvernementales. Franceinfo revient sur ces quelques jours qui ont permis à la Syrie de tourner la page du régime en place.
27 novembre : l’offensive commence
Le 27 novembre, Hayat Tahrir al-Sham (ou HTS, pour Organisation de libération du Levant en français), mouvement dominé par l’ancienne branche syrienne d’Al-Qaïda dirigée par Abou Mohammed al-Joulani, a attaqué des territoires contrôlés par les forces loyalistes dans la province d’Alep. . L’offensive, menée avec des rebelles soutenus par la Turquie, a été lancée depuis Idlib, dernier bastion rebelle et jihadiste majeur en Syrie. Le régime répond par des frappes aériennes. Les combats ont fait au moins 141 morts en une seule journée, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).
Le lendemain, des groupes armés ont coupé la route vitale reliant Damas à Alep, et pris trois villages tenus par le régime dans les provinces d’Alep et d’Idlib, rapporte France 24. Le bilan des combats dépasse les 200 morts. Un général des Gardiens de la révolution, l’armée idéologique iranienne qui soutient le pouvoir syrien, est tué à Alep.
1er décembre : Alep tombe aux mains des rebelles
Après s’être emparée de plus de 50 autres villes du nord, la coalition rebelle bombarde Alep et arrive, le 29 novembre, aux portes de la deuxième ville et cœur économique du pays. L’armée loyaliste et son allié russe ont répondu par des raids aériens intensifs sur Idlib et sa région. Damas assure « repousser la grande offensive lancée par les groupes terroristes ». Moscou appelle la Syrie à “mettre de l’ordre” à Alep “dès que possible”.
Le 30 novembre, les rebelles ont pris le contrôle de la majeure partie d’Alep, de l’aéroport, des bâtiments gouvernementaux et des prisons de la région. L’aviation russe avait alors bombardé la ville pour la première fois depuis sa reconquête totale par les forces du régime en 2016. La coalition s’est également emparée de la localité stratégique de Saraqeb.
Le 1er décembre, les rebelles ont pris le contrôle d’Alep, qui échappe totalement aux mains du régime pour la première fois depuis le début de la guerre civile en 2011. Selon l’OSDH, les insurgés ont avancé « sans rencontrer de résistance significative« .
Le leader du HTS « affirme désormais que la ville sera administrée par une autorité de transition, incluant des civils »écrit Le Monde. “En ville, on voit des miliciens armés et des hommes en civil qui leur sont liés. La situation reste chaotique. » témoigne au quotidien du soir Noura, une habitante d’Alep.
La réponse du régime ne se fait pas attendre. « Le terrorisme ne comprend que le langage de la force, et c’est avec ce langage que nous le briserons et l’éliminerons »menace Bachar al-Assad. Les frappes aériennes russes tuent au moins huit personnes à Idlib.
2 décembre : l’Iran et la Russie viennent en aide à al-Assad
Le 2 décembre, des groupes rebelles pro-turcs ont pris la ville de Tal Rifaat (nord), aux mains des forces kurdes. L’offensive rebelle vise à « tentative de diviser la région, d’effondrer ses États et de redessiner la carte régionale conformément aux intérêts et aux objectifs de l’Amérique et de l’Occident »réagit Bachar al-Assad.
La Russie et l’Iran apportent leur soutien le même jour “inconditionnel” au dirigeant au pouvoir. Des avions syriens et russes bombardent les zones rebelles du nord-ouest de la Syrie, tuant au moins 11 personnes.
Le 5 décembre, les rebelles ont pris le contrôle de la quatrième ville du pays, Hama, où une statue de l’ancien président Hafez al-Assad a été renversée par la population. Dans la ville voisine de Homs, les habitants paniqués fuient en masse. Le bilan d’une semaine de combats dépasse les 700 morts, selon l’OSDH. L’avancée fulgurante des rebelles peut aussi être comprise à la lumière de la« état de déliquescence avancé » de l’armée syrienne, analyse sur franceinfo, David Rigoulet-Roze, chercheur à l’Institut français d’analyse stratégique.
7 décembre : les rebelles prennent Homs
Les rebelles ont pris Homs, la troisième ville du pays, le 7 décembre. « Damas vous attend ! »» dit le chef du HTS, Abou Mohammed al-Joulani, à ses troupes. Les rebelles affirment avoir libéré plus de 3 500 détenus de la prison de Homs.
Les insurgés prennent rapidement le contrôle de toute la province de Deraa, berceau du soulèvement de 2011, et se trouvent à 20 km de Damas. Un cordon de sécurité « très solide » entoure la capitale, a assuré le ministre de l’Intérieur Mohammed al-Rahmoun.
Les forces gouvernementales se retirent de la province de Qouneitra, sur le plateau du Golan, et, face aux forces kurdes, des secteurs de la province de Deir Ezzor qu’elles contrôlaient. Juges russes “inadmissible” voir “terroristes” contrôler la Syrie. L’Iran affirme qu’il continuera à soutenir “de toutes ses forces” le régime en place.
Le Hezbollah libanais, allié du régime d’Assad, affirme avoir envoyé 2 000 combattants en renfort dans la ville syrienne de Qousseir, qu’il contrôle près de la frontière libanaise. Un commandant jihadiste, Hassan Abdel Ghani, tente d’apaiser les craintes des minorités présentes dans le pays. « L’ère du sectarisme et de la tyrannie est révolue à jamais »dit-il. Selon l’ONU, au moins 370 000 personnes ont été déplacées à cause des combats depuis le 27 novembre.
Dans la nuit du 7 au 8 décembre : les rebelles s’emparent de Damas et Bachar al-Assad s’enfuit
Dans la nuit du 7 au 8 décembre, le HTS annonce être entré à Damas et prendre la prison de Saidnaya, symbole des pires exactions du régime. L’organisation et l’OSDH annoncent que Bachar al-Hassad a quitté la Syrie par avion, après vingt-quatre ans au pouvoir.
Peu après son départ, l’aéroport de Damas a été abandonné par les forces gouvernementales. « Le tyran Bachar al-Assad a fui ! » et « Nous proclamons la ville de Damas libre ! »annoncer des groupes rebelles. Le Premier ministre Mohamed al-Jalali se dit prêt à coopérer avec « tout leadership que le peuple syrien choisira ».
“[Bachar] al-Assad a quitté la Syrie via l’aéroport international de Damas avant le départ des membres des forces armées et de sécurité. le site, a annoncé à l’AFP le directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’homme, Rami Abdel Rahmane. Le Hezbollah libanais, soutien clé du pouvoir de Bachar al-Assad, a simultanément retiré ses forces de la périphérie de Damas et de la région de Homs, selon l’OSDH.
« Le fait qu’il n’y ait pas eu de résistance, pour l’instant, signifie que le régime [syrien] était vraiment au bout du rouleau », analyse pour franceinfo Michel Duclos, ancien ambassadeur de France en Syrie. “Aujourd’hui, l’euphorie de la victoire domine. Mais il faut espérer qu’un processus politique se mette rapidement en place. La Syrie n’est pas à l’abri d’un scénario d’implosion, à l’instar de l’Irak ou de la Libye.»assure, de son côté, Monde Bassel Kaghadou, spécialiste de la Syrie. Le sort du président syrien déchu reste inconnu pour l’instant.