Certains y verront un petit miracle que seule la réouverture de Notre-Dame pourrait rendre possible. L’image, en tout cas, est déjà historique et permet, peut-être, aux Ukrainiens d’espérer que la guerre avec la Russie se termine par autre chose qu’une capitulation : Donald Trump et Volodymyr Zelensky réunis par Emmanuel Macron dans les salons de l’Élysée. En secret, depuis le début de cette folle journée hier, l’entourage du chef de l’Etat français espérait que cette trilatérale, qui a duré un peu plus de trente minutes, puisse avoir lieu. Cependant, jusqu’au bout, le doute est resté.
Bien entendu, du côté ukrainien, la présidence souhaitait cet entretien. Si Zelensky avait annoncé vendredi son arrivée à Paris, cela faisait en réalité huit jours que la présidence française ne l’avait pas confirmé. Certes, il a déjà vu Trump en septembre et a eu une conversation téléphonique avec lui début novembre. Mais le dirigeant ukrainien ne pouvait laisser passer cette occasion unique de comprendre ses véritables intentions, ni même de le convaincre de poursuivre l’aide militaire et financière à son pays.
Trump et Zelensky réunis à Paris en marge de la cérémonie de Notre-Dame
Du côté du milliardaire, les choses semblaient moins évidentes. C’est du moins ce que suggéraient encore les équipes de l’Élysée quelques heures avant la rencontre. Évidemment, parler avec le chef de l’Etat ukrainien implique le républicain, lui qui a pourtant promis de résoudre le conflit dans les vingt-quatre heures et ne s’est jamais abstenu de parler avec Vladimir Poutine. Mais on disait que cette journée ne serait pas comme les autres. Et que même Trump pourrait le rendre spécial.
C’est à 7 heures hier matin que l’avion du 47ème président américain s’est posé à Orly. Un impressionnant convoi de plusieurs berlines s’est ensuite dirigé vers l’ambassade américaine à Paris. Autour du Républicain, sécurité maximale assurée par les Services Secrets. Ce dispositif très lourd ajoutait une complexité supplémentaire au protocole. D’autant plus que “c’est le même qui entourait Jill Biden”souligne-t-on à l’Élysée. Si l’actuel locataire de la Maison Blanche avait été invité aux cérémonies, il s’est laissé représenter par son épouse à Paris. Comme s’il savait lui-même que la page de sa présidence était déjà tournée.
En début d’après-midi, Donald Trump n’avait qu’à marcher quelques dizaines de mètres pour se rendre à l’Élysée, où il s’est d’abord entretenu seul avec Emmanuel Macron. En 2019, les deux hommes se sont quittés en très mauvais termes. Leurs retrouvailles n’en ont rien montré. Comme ils en avaient pris l’habitude lors du premier mandat américain, ils ont, après une accolade, échangé une poignée de main pleine de virilité avant un bref dialogue devant la presse. ” Content de te revoir ! » lui a dit le chef de l’Etat français. «C’est un honneur d’être ici» répondit le milliardaire. « Le monde devient un peu fou et nous allons en parler. »
Salaires, retraites : les pistes de travail de l’Élysée
Pendant moins d’une heure, les deux hommes ont effectivement abordé, outre les relations bilatérales, tous les sujets brûlants du moment et notamment le Moyen-Orient, avec les guerres israéliennes à Gaza et au Liban, mais aussi la Syrie, où les heures du régime d’Assad le régime semble être compté. A ce sujet, quelques minutes avant d’arriver à l’Élysée, Donald Trump écrivait sur sa plateforme Truth Social : « La Syrie est un désastre, mais ce n’est pas notre ami. Les États-Unis ne devraient pas s’impliquer. »
Un gros coup diplomatique
Mais c’est l’Ukraine qui a été le véritable moment fort de cette séquence. Rien n’a vraiment filtré des entretiens entre les trois hommes. Il est loin d’être certain que Zelensky ait gagné sa cause, même s’il a qualifié cette réunion au sommet de « bon et fructueux ». Et même si Trump s’est montré conciliant, il a montré, lors de son premier mandat, qu’il pouvait très vite changer d’avis. Néanmoins, l’objectif du président ukrainien – parler à Trump et lui serrer la main dans la cour de l’Élysée – a été atteint. En quête de soutien alors que ses troupes reculent face à l’armée russe, il profite de cette visite parisienne pour rencontrer plusieurs autres dirigeants, notamment européens.
En rendant possible cette rencontre, et plus généralement en transformant une célébration religieuse en mini-sommet international, Emmanuel Macron a indéniablement réalisé un coup diplomatique majeur qui a su, l’espace de quelques heures, faire oublier ses déboires nationaux. Il peut aussi se vanter d’être celui à qui Trump a offert l’exclusivité de son premier voyage hors des Etats-Unis depuis sa victoire du 6 novembre.
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Pour le Républicain aussi, cette escapade parisienne était un choix gagnant. Avant même d’entrer à la Maison Blanche, il s’est imposé comme celui qui dirigeait déjà la première puissance mondiale. Ce n’est pas un hasard si le prince William a également souhaité s’entretenir avec lui pour évoquer les relations américano-britanniques. Sa présence à Paris peut aussi lui servir sur la scène domestique. D’abord, il sait que Notre-Dame est un monument vénéré par nombre de ses compatriotes. Les Américains furent le premier contingent étranger à visiter la cathédrale et ils contribuèrent à sa reconstruction à hauteur de 62 millions de dollars. Et puis hier, il a adressé un clin d’œil très fort à cet électorat catholique (un quart des électeurs américains) qui a voté pour lui en novembre.