De forts bruits métalliques résonnent dans un hangar, au cœur de la paisible campagne de la Chapelle-de-Brain, au sud de l’Ille-et-Vilaine, près de Redon (35). Dans ce grand bâtiment en tôle, où sont cachés toutes sortes d’outils et de vieilles machines poussiéreuses, le jeune Martin Claudel tape son marteau contre un morceau de fer incandescent. Cette pièce rectangulaire très chaude, d’une couleur orange vif, prend forme au fur et à mesure que l’artisan la martèle contre son enclume. En quelques heures, le morceau de métal deviendra une hache.
Martin Claudel, 36 ans, travaille comme tailleur. Il n’y en a qu’une dizaine en France. « Je suis un forgeron spécialisé dans la fabrication d’outils coupants, qui peuvent être utilisés par différents corps de métiers : menuisiers, vignerons, maraîchers… » explique le jeune homme, passionné depuis toujours par le monde médiéval. Installé en Bretagne depuis cinq ans, titulaire d’un CAP de ferronnier artistique, l’artisan se spécialise même dans la fabrication d’outils en bois. Et est surtout connu pour créer des axes.
Ce fut aussi une belle aventure humaine, car nous travaillons habituellement seuls dans nos ateliers. Et là, nous nous sommes regroupés. Cela crée des échanges dynamiques, constructifs et beaucoup d’apprentissage mutuel.
« Une grande aventure humaine »
Ce savoir-faire très particulier l’a amené à participer à la grande aventure de la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Martin Claudel a en effet été sollicité en 2022 pour fabriquer des axes destinés à façonner la nouvelle charpente de Notre-Dame. L’œuvre a été reproduite en tout à l’identique et à la main, avec les mêmes outils qu’au XIIIe siècle, comme des haches bien spécifiques. Réuni avec quatre autres ateliers de taille, Martin Claudel a participé à la fabrication d’une soixantaine de haches, de septembre à décembre 2022, en Alsace. « C’était une commande un peu folle. C’est toujours le projet du siècle », affirme aujourd’hui Martin Claudel, les yeux toujours brillants. « Et puis ce fut aussi une belle aventure humaine, car nous travaillons habituellement seuls dans nos ateliers. Et là, nous nous sommes regroupés. Cela crée des échanges dynamiques, constructifs et beaucoup d’apprentissage mutuel. »
Les tailleurs fabriquaient deux types de haches : « Des haches d’ébauche, lourdes avec un long manche, qui servent à enlever le plus de bois possible pour couper les poutres. Et les haches de finition, au manche plus court, plus léger, pour des travaux de surfaçage très précis. » Le poinçon de Martin Claudel apparaît sur les lames des soixante haches, aux côtés d’une représentation de Notre-Dame, qui reprend le logo de l’organisme public chargé de la restauration. Grande fierté pour ce tailleur.
C’était émouvant de voir toutes ces traces de haches dans le bois.
Martin Claudel s’est rendu à Paris en février 2024 pour voir la charpente installée à Notre-Dame. « C’était émouvant de voir toutes ces marques de hache dans le bois. » L’homme tire beaucoup de satisfaction de cette incroyable aventure. Il a pu se faire encore mieux connaître auprès de menuisiers reconnus qui lui ont commandé de nouvelles haches. « Et je suis très heureux qu’on parle de mon métier qui me tient très à cœur et que je souhaite voir renaître et perdurer. »
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