Que signifie un entretien politique réussi ? Le nombre d’auditeurs ? La quantité de discussions sur les réseaux sociaux qui s’ensuit ? L’écho du message envoyé par l’invité ? Celle d’une petite phrase enfouie parmi d’autres ? Invité de France Info ce vendredi 6 décembre, le Premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure a semé le trouble au sein du Nouveau Front populaire, y compris au sein de sa propre famille politique. Au lendemain du discours d’Emmanuel Macron, il a ouvert la voie à de nouvelles discussions avec le bloc central : “Je suis prêt à entamer la discussion, à obtenir des concessions.” Il s’est également dit prêt à « faire des compromis sur tous les sujets ». Une main d’autant plus tendue au camp macroniste qu’Olivier Faure laisse entendre que l’abrogation de la réforme des retraites n’est plus un préalable inextricable. Il a estimé qu’il fallait “geler” la réforme qui fixe l’âge de départ à 64 ans pour lancer “une conférence de financement” qui permettrait ensuite d’abroger le texte critiqué à gauche et dans l’opinion.
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Un discours quelques heures avant son entretien à l’Elysée avec Emmanuel Macron, qui a fait sensation au sein du PS où même ses plus hauts partisans jugent la sortie « incompréhensible ». “Soit il a été maladroit, il n’a rien préparé et cela a donné lieu à cette confusion, soit il cherche à se faire premier ministre, soit il joue le congrès et profite de la séquence pour se démarquer complètement de La France insoumise, analyse un socialiste. Mon opinion est qu’il y a un mélange de tout cela.
Dans un tweet, le sénateur socialiste proche de Boris Vallaud Alexandre Ouizille a modéré : «[Emmanuel Macron] nous ne répéterons pas le macronisme sur le dos des socialistes. Nous sommes prêts à un pacte de non-censure sur le budget. Nous exigeons que la gauche soit désignée et nous ferons les compromis nécessaires avec les forces du Front républicain à l’Assemblée nationale.» Un mantra déjà posé par Vallaud en juillet dernier, après les élections législatives nées de la dissolution, dans un entretien à L’Express – « Le nouveau Front populaire au gouvernement […] et le front républicain à l’Assemblée nationale » – et récemment repris par Olivier Faure dans Le monde.
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Avant d’arriver au Château, le chef des sénateurs PS Patrick Kanner et celui des députés PS Boris Vallaud n’ont pas caché leur désaccord devant Olivier Faure. Dans l’entourage de ce dernier, on conteste toute maladresse ou changement de ligne : « il faut discuter avec tout le monde, mais nous restons inflexibles sur l’orientation : un Premier ministre de gauche, avec une méthode de non-censure, de dialogue et de compromis, mais un véritable changement de direction.
D’accord sur les désaccords
Véritable maladresse ou stratégie cachée ? Depuis plusieurs jours, les socialistes, avec l’aide des écologistes, préparent l’après Michel Barnier. Une série de discussions, toutes informelles, avec les dirigeants du bloc central, et notamment du Modem, ont été lancées en toute discrétion. « Des conversations de couloir, derrière une porte », euphémise un socialiste qui ne veut pas laisser entendre que des accords secrets se préparent. Les sujets abordés sont loin d’être anodins : abrogation ou gel de la réforme des retraites, nouveaux impôts pour les plus riches, abandon de la loi sur l’immigration et, bien entendu, identité du Premier ministre. La semaine dernière, quelques jours avant la censure du gouvernement de Michel Barnier, François Hollande a chipoté avec le centriste Marc Fesneau dans le cabinet de l’écologiste Jérémie Iordanoff sur la représentation proportionnelle. Depuis mercredi soir, jour de la censure, ces échanges se sont même multipliés. Les dirigeants du Modem ont ainsi rencontré les dirigeants des groupes parlementaires du PFN, le socialiste Boris Vallaud, l’écologiste Cyrielle Châtelain et le communiste André Chassaigne.
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Le lendemain, c’est Marine Tondelier que Marc Fesneau avait en ligne, alors même qu’elle venait de contacter l’ancien Premier ministre Edouard Philippe. Si les socialistes semblent ouverts à un gel de la réforme le - d’une conférence de financement – dont ils espèrent qu’elle débouchera sur l’abrogation – les écologistes de Marine Tondelier font de l’abrogation du texte un préalable catégorique. . Le patron de la Maison Verte n’a d’ailleurs guère apprécié la sortie matinale d’Olivier Faure. « Le rejet de cette réforme est majoritaire dans le pays, dans l’opinion publique et à l’Assemblée nationale, explique son entourage. Commencer les négociations en disant que nous pouvons avancer est un non. Gabriel Attal, qui avait exprimé le désir de les contacter, n’a pas répondu à l’appel de Marine Tondelier. D’accord sur leurs désaccords, ils s’accordent tous sur la nécessité de trouver les conditions d’une non-censure du prochain gouvernement.
Crise avec LFI
Des manœuvres de couloir pour tenter de sortir de la crise qui agacent La France insoumise (LFI), isolée au sein du Nouveau Front populaire quant à la marche à suivre : si écologistes et socialistes se disent prêts à renoncer à la censure en échange de Victoires sociales (réforme des retraites, justice fiscale, augmentation des salaires), les insoumis martèlent leur souhait de voir Emmanuel Macron démissionner pour qu’une nouvelle élection présidentielle puisse être organisée.
Olivier Faure à Emmanuel Macron
« Je prends Olivier Faure au sérieux : il est prêt à mettre le programme NFP au placard, il renonce à en faire une priorité. Lui, Vallaud, Delga, Bouamrane, Hollande, autrefois si divisés, se retrouvent à travailler à une alliance de fait qui irait jusqu’à Retailleau et Wauquiez. Il s’agit d’un accord de non-censure”, juge Paul Vannier, député du Val-d’Oise et membre de la direction de LFI, qui dit “en prendre acte. fait que le PS a quitté le NFP ».
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Jean-Luc Mélenchon s’est également joint à la danse : « LFI n’a donné aucun mandat à Olivier Faure, ni pour se rendre seul à cette réunion, ni pour négocier un accord et faire des ‘concessions réciproques’ à Macron et LR. Rien de ce qu’il dit ou fait n’est en notre nom ou en celui du NFP. De quoi provoquer une nouvelle série d’affrontements entre socialistes et rebelles. « Nous ne sommes pas les étudiants du professeur Mélenchon. L’avenir de la gauche, utile à l’avenir de la France et des Français, ne peut se résumer à l’avenir électoral de M. Mélenchon”, rétorque Patrick Kanner auprès de L’Express.
“C’est moi qui donne le nom.”
Vendredi, Olivier Faure, Boris Vallaud et Patrick Kanner étaient assis sur les canapés du bureau d’Emmanuel Macron. Ambiance sérieuse, mais débat libre avec le président de la République, au cours duquel les trois socialistes ont voulu démontrer une fois pour toutes qu’il ne refusait ni le dialogue ni la voie du compromis. « Il a été moins péremptoire et martial qu’hier à la télévision », constate l’un des invités socialistes.
Le chef de l’Etat, qui recevait seul, sans son fidèle secrétaire général Alexis Kohler, s’est engagé, d’emblée, à appeler dans les prochains jours les autres partis du Nouveau Front populaire, dont La France insoumise, à les inviter également à la réunion. Élysée. Il s’est également excusé d’avoir amalgamé le Parti socialiste avec le « front anti-républicain » responsable de la chute du gouvernement Barnier, qu’il avait évoqué la veille dans son discours télévisé. Ces plaisanteries passées, Emmanuel Macron a demandé s’ils avaient des « pistes ou des noms » pour occuper Matignon, sans jamais évoquer celui de François Bayrou ou de Bernard Cazeneuve, souvent cités ces derniers jours. « Nous ne nous lancerons pas dans la danse des noms. La dernière fois que nous en avons proposé un [NDLR : Lucie Castets]vous n’y avez pas prêté attention, répondit Faure.
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Pendant près d’une heure, ce fut surtout une question de méthode. Bref, comment créer les conditions de la non-censure, que le Premier ministre soit de gauche ou de droite ? “Il y a un budget à préparer, et la meilleure solution serait quelqu’un de gauche”, a expliqué Patrick Kanner. « De gauche », une précision de taille : un futur locataire de Matignon qui n’est pas forcément issu du NFP pourrait faire l’affaire, et il s’engagerait même à ne pas utiliser le 49.3 pour forcer un compromis avec les députés centraux du bloc. “Et s’il n’est pas de gauche ?” a demandé le chef de l’Etat. “Nous sommes venus parler d’un gouvernement de gauche”, a répondu Boris Vallaud. « Les mêmes maux produisent les mêmes effets. » Une référence à peine voilée à la méthode du gouvernement Barnier.
“C’est moi qui nomme”, a rappelé le président de la République devant ses trois invités qui sont sortis des lieux pas plus convaincus qu’ils ne l’étaient en poussant la porte, et surtout pas de la volonté de l’hôte de nommer un Premier ministre de leur camp. Mais tout le monde s’accorde sur la fragilité d’Emmanuel Macron, en quête d’un dernier souffle pour terminer son deuxième et dernier mandat, résume l’un des triumvirats socialistes : « Il cherche la stabilité et l’apaisement pour réussir à si bien tenir. Quel problème avec les trentenaires » mois qu’il lui reste. Cela l’obsède évidemment.
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