Après la censure du gouvernement Barnier hier soir, l’agence de notation Moody’s a publié dans la nuit un communiqué très direct : ce « aggrave l’impasse politique du pays » – un commentaire que nous ne pouvons que partager – et « réduit la probabilité d’une consolidation des finances publiques »c’est-à-dire notre capacité à maîtriser le déficit budgétaire, prévu à 6,1% du produit intérieur brut (PIB) cette année après 5,5% l’an dernier.
Il aurait mieux valu dire que cela retarde la définition d’un budget pour 2025. Notre Constitution apporte des solutions à ce type de situation (voir schéma) et c’est ce que semblent penser publiquement les créanciers de notre dette : pas de panique sur les dix ans de la France. taux d’emprunt sur un an, pas de panique sur le prix à payer pour s’assurer contre un éventuel défaut de remboursement de la dette française.
Et les hedge funds ne prennent plus de positions vendeuses sur la France et ses entreprises. Bref, pour le moment, on s’en sort bien !
Les prédictions alarmistes – de Patrick Martin, le patron du Medef, à Michel Barnier et quelques autres – nous promettant le déclenchement d’un armageddon financier sur la dette publique française en cas de censure ne se sont pas réalisées. La France ne bénéficie cependant pas d’une bienveillance particulière de la part des créanciers. Si nous nous en sortons bien financièrement, c’est pour trois raisons.
Le prix de la dissolution
La première est que nous payons déjà le prix de la dissolution et de l’incertitude politique qui en a résulté. Les investisseurs financiers le disent, depuis l’annonce de la dissolution, ils sous-pondèrent la France dans leurs portefeuilles d’investissement (merci Macron !). L’État emprunte à dix ans un peu plus cher qu’avant, autour de 40 points de base. Ce qui, si cela devait durer, nous coûterait environ 15 à 16 milliards en charges d’intérêts supplémentaires sur la dette.
Mais cette situation ne risque pas de perdurer. Les négociations vont reprendre pour définir un projet de loi de finances et de sécurité sociale pour 2025. La censure montre que les compromissions de Michel Barnier pour tenter de remporter le vote du Rassemblement national ne sont pas acceptables dans la recherche d’une politique de consensus.
Le prochain locataire de Matignon devra trouver l’équilibre entre réduction des dépenses/augmentation des impôts permettant une alliance sur un « pacte de non-censure »
Le prochain locataire de Matignon devra trouver l’équilibre réduction des dépenses/augmentation des impôts qui permettrait à plusieurs forces politiques de s’unir sur un “pacte de non-censure”, selon la proposition du patron des députés PS (Parti socialiste) en l’Assemblée, Boris Vallaud.
La deuxième raison est l’orientation de la politique monétaire. L’inflation européenne est revenue vers l’objectif cible de 2% souhaité par la Banque centrale européenne (BCE). Celle-ci oriente désormais sa politique vers un assouplissement des contraintes qu’elle imposait au coût du crédit en Europe.
La prochaine réunion de politique monétaire aura lieu dans une semaine, le 12 décembre, et il semble que la BCE soit prête à accélérer le rythme de l’assouplissement des contraintes en passant à une baisse d’un demi-point de ses taux directeurs, contre un quart jusqu’à présent. . Si l’écart de taux d’emprunt de la France par rapport à l’Allemagne s’est creusé depuis juin, la baisse du niveau général des taux joue en notre faveur en réduisant le coût de la dette.
La dette française est attractive
Enfin, dans un monde de baisse des taux d’intérêt, la prime de risque légèrement plus élevée que la France doit payer rend notre dette publique particulièrement attractive.
Dire que la France emprunte plus cher que l’Espagne ou le Portugal et au même niveau que la Grèce (dont le prix pour assurer le non-remboursement de la dette est 50 % plus élevé que pour la France), c’est souligner l’intérêt d’investir dans la dette publique française. : peu de risque avec une rémunération élevée ! De plus, notre dette est très liquide (on peut l’acheter et la vendre facilement) et compte tenu de l’importance du poids économique de la France dans la zone euro, il est plus difficile de la négliger que la Grèce.
C’est pourquoi, lorsque l’Agence France Trésor émet ses prêts à moyen-long terme, comme elle l’a encore fait ce matin, elle se retrouve toujours face à une demande bien plus importante – deux à trois de plus – que l’offre.
Tout cela permet de traverser une crise politique à court terme, mais un nouveau gouvernement devra définir un budget pour contrôler les comptes publics.
Tout cela permet de traverser une crise politique à court terme, mais un nouveau gouvernement, quel qu’il soit, devra définir un budget pour contrôler les comptes publics : il n’y a pas d’autres choix possibles.
Car la France reste sous surveillance. La veille de la censure, Richard Francis, de l’agence de notation Fitch, indiquait qu’à ses yeux le pays se trouvait dans une situation politique « très très difficile »rejoint par Arnab Das, d’Invesco Asset Management, pour qui « La France va dans la mauvaise direction ».
Nos créanciers continuent cependant de nous soutenir dans cette voie ; les fondamentaux de notre dette les incitent à le faire, comme nous venons de le voir. Mais si l’horizon politique s’assombrit, ils pourraient décider de faire marche arrière.