La commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur le dérapage des finances publiques a débuté ses travaux mardi par l’audition du directeur du budget à Bercy, qui a fait état de l’incertitude entourant les prévisions de recettes.
Présidée par Eric Coquerel (LFI), la commission des Finances de l’Assemblée a obtenu les pouvoirs d’une commission pour six mois pour enquêter sur « les causes de la variation et des écarts des prévisions fiscales et budgétaires » constatées sur les années 2023 et 2024.
Ces dérapages étaient notamment attribués par le gouvernement précédent à des recettes inférieures aux attentes.
“C’est un sujet que nous prenons naturellement très au sérieux dans un contexte de crise sanitaire, énergétique et inflationniste, qui a considérablement accru les difficultés de l’exercice de prévision”, a déclaré la directrice du Budget Mélanie Joder.
« Les Allemands, comme les Anglais, ont eu les mêmes difficultés que nous en matière de prévision des recettes. (…) Cela suggère que les modèles de prévision sont peut-être un peu perturbés dans cette période de sortie de crise qui a connu beaucoup de bouleversements dans le cadre économique», a-t-elle expliqué.
Après un premier dérapage à 5,5% du PIB en 2023, le déficit public est attendu à 6,1% cette année, un chiffre très loin des 4,4% prévus pour l’automne 2023 par le précédent exécutif.
– Des prévisions « plutôt prudentes » –
« Si l’on regarde les dix dernières années, donc entre 2014 et 2023, les écarts entre la dernière loi de finances votée et l’exécution effective du budget de l’Etat, (…montrent) huit années sur dix plutôt en hausse, donc avec des prévisions qui ont été, semble-t-il, assez prudents, et deux années où ils sont en baisse», a constaté Mélanie Joder.
Des « écarts absolument substantiels » ont également été constatés lors de la crise financière de 2008-2009, a-t-elle insisté.
Concernant 2024, le directeur du budget a évoqué une baisse, fin octobre, des recettes de TVA de 1,4 milliard d’euros en crédits budgétaires (1 milliard en comptabilité nationale), et des plus-values de 400 millions sur droits de succession et de transmission, et de 100 millions sur impôt sur le revenu.
“Au total, nous aurions une très légère dégradation de 0,5 milliard d’euros”, a-t-elle souligné, tout en prévenant que “les risques sur les recettes de l’Etat, à ce stade d’exécution, sont importants”, liés à la cinquième tranche de l’impôt sur les sociétés.
Interrogé par l’AFP, le ministère du Budget a assuré que la prévision de déficit pour 2024 restait inchangée.
Un comité d’experts économiques a été créé mi-novembre par le gouvernement afin d’améliorer les modèles de prévisions macroéconomiques. Un “travail de fond” est en cours qui devrait “aboutir à un plan d’action précis que nous souhaitons mettre en œuvre à partir de 2025”, selon Mme Joder.
Le gouvernement entend réduire le déficit autour de 5% en 2025, mais cet objectif pourrait être compromis s’il était annulé mercredi.
La commission d’enquête entendra notamment mercredi la directrice générale des finances publiques (DGFiP) Amélie Verdier, puis jeudi Jérôme Fournel, directeur de cabinet du Premier ministre Michel Barnier, qui fut directeur de cabinet de Bruno Le Maire au ministère de l’Éducation. de l’Economie et des Finances et auparavant chef de la DGFiP.
Enfin, le 12 décembre auront lieu les très attendues auditions de l’ancien ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire, en poste depuis sept ans, et de l’ancien ministre des Comptes publics Thomas Cazenave.
Bruno Le Maire était déjà venu s’expliquer au Sénat début novembre devant une mission d’information. Il avait réfuté toute « faute » ou « dissimulation » face à la dégradation importante des finances publiques.
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