Peut-on devenir échevin après avoir été condamné à la prison ? Cette question a agité le milieu politique hier, suite à la nomination de Yassine Akki au poste d’échevin à Molenbeek. Yassine Akki n’est pas un inconnu dans cette commune : il est l’actuel président du Port de Bruxelles et a obtenu plus de 800 voix aux élections d’octobre, signant ainsi le 4ème meilleur score de la liste socialiste. Sa nomination comme échevin semblait donc tout à fait logique. Encore, Yassine Akki a renoncé à ce poste hier, en raison d’une polémique liée à son casier judiciaire.
En effet, Yassine Akki a été condamné à deux reprises par la justice. En 1998, il a été condamné à 10 mois de prison avec sursis pour cambriolage. Mais surtout, en 2001, c’était creconnu coupable de viol sur mineure. La victime, une jeune femme de plus de 16 ans, a été agressée par Yassine Akki, alors âgé d’une vingtaine d’années. Cette condamnation a également donné lieu à une peine de prison avec sursis. Ces deux condamnations figurent à son casier judiciaire.
Peut-on devenir échevin après avoir été condamné à la prison ? C’est une vraie question. D’un point de vue juridique, la réponse est oui. Yassine Akki n’a pas été condamné à la déchéance de ses droits civiques, qui lui ont permis de se présenter aux élections. Il est important de noter que, dans le cas d’un maire qui exerce l’autorité sur la police locale, une enquête préalable du parquet est requise pour évaluer l’aptitude du candidat. Mais cette règle ne s’applique pas aux échevins. Rien n’empêche donc légalement sa désignation.
Mais au-delà de la légalité, c’est surtout sur le plan moral et politique que la question se pose. Un condamné peut-il représenter la commune et ses habitants ? Peut-il exercer son autorité sur les agents municipaux ? Ces questions suscitent des débats. D’un côté, il y a le droit à la réintégration. Être jugé, purger sa peine, payer une amende : ces sanctions permettent à une personne de retrouver une vie normale. Dans le cas de Yassine Akki,Les faits allégués remontent à plus de 20 ans. Aujourd’hui âgé d’une cinquantaine d’années, il semble avoir pris un autre chemin. C’est précisément le principe de justice : permettre aux gens de payer pour leurs fautes tout en offrant une chance de rédemption. C’est pourquoi il vaut mieux parler de droit à la réintégration plutôt que de droit à l’oubli.
Mais d’un autre côté, il existe une exigence de comportement exemplaire de la part des élus. Gérer un budget ou du personnel implique une responsabilité particulière, et le monde politique est censé incarner des valeurs irréprochables. Une condamnation pour viol, notamment sur mineur, est une tache particulièrement difficile à effacer. À l’ère de #MeToo et par respect pour les victimes de violences sexuelles, confier une position d’autorité à un individu au passé pareil suscite forcément des protestations.
Évidemment, il y a aussi une dimension de la politique politique dans cette controverse. Yassine Akki est élu conseiller municipal depuis 2012 et a déjà été candidat aux élections régionales. Il s’agit donc de sa quatrième candidature, et ses convictions passées sont connues. Le rappel de ces faits par le journal La dernière heure Hier matin, cela ressemble à un coup politique, probablement alimenté par ses adversaires. Néanmoins, les faits sont là, le débat aussi. Ce débat entre probité et droit à la réinsertion est tout sauf simple. Selon nos sensibilités, le sérieux que nous accordons aux faits ou notre vision de la morale, chacun peut avoir une appréciation différente sur ce que l’on doit attendre d’un élu.
Yassine Akki, probablement poussé par son parti, a décidé de faire un pas de côté. Fin de l’histoire cette fois. Mais cet épisode devrait inciter les partis politiques à réfléchir sérieusement à leurs exigences envers leurs candidats en matière de casier judiciaire. Si un parti décide de présenter un candidat, ce n’est pas pour l’abandonner au premier coup de vent. Enfin, il convient de rappeler que le cas de Yassine Akki n’est peut-être pas si isolé. Ainsi, Sait Köse, condamné pour fraude financière, a également été récemment élu à Schaerbeek. En démocratie, ce qui n’est pas interdit est permis. C’est une question de primauté du droit. C’est ensuite aux électeurs de juger si la loi autorise quelqu’un à se présenter aux élections.
Fabrice Grosfilley