L’écrivain franco-algérien, arrêté à Alger le 16 novembre, se retrouve au cœur de deux « guerres » qui le dépassent : les fortes tensions entre la France et l’Algérie, et les violentes polémiques agitant le paysage intellectuel et médiatique français.
Par Olivier Pascal-Moussellard
Publié le 25 novembre 2024 à 16h30
ÔIl peut donc être à la fois mis en prison et pris en otage. Pour être victime de cette double peine, il faut s’appeler Boualem Sansal. En prison, le romancier franco-algérien, auteur notamment de Serment des barbares un toi Village allemand, est depuis le 16 novembre, arrêté à sa descente d’avion alors qu’il venait d’atterrir à Alger, et bientôt accusé de“Atteinte à l’unité nationale”. Mais ce n’est peut-être pas l’emprisonnement d’un grand écrivain qui devrait nous inquiéter le plus : c’est sa prise en otage. Depuis dix jours, Boualem Sansal est en effet la cible et le prétexte de deux « guerres » qui le dépassent. Le premier est la brusque montée des tensions entre le régime autoritaire d’Alger et la politique étrangère d’Emmanuel Macron autour du statut du Sahara occidental. En affirmant, le 29 octobre au Maroc même, que « pour la France, le présent et l’avenir de ces territoires s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine », Emmanuel Macron a provoqué l’ire des généraux algériens, et la réponse ne s’est pas fait attendre.
Mais Boualem Sansal est aussi l’otage d’un second règlement de comptes – interne celui-ci – qui refait surface avec la régularité du métronome dans le paysage médiatique et intellectuel français. Entre les vitupérations pathétiques de Pascal Praud accusant Thomas Snégaroff et les invités de son émission Politique C (dont Benjamin Stora) à s’agenouiller devant Alger, d’un côté, et les contorsions maladroites de l’homme politique Nedjib Sidi Moussa transformant Boualem Sansal en homme de main d’Eric Zemmour, de l’autre, on voyait passer les balles à tout moment. week-end, et on craignait que le romancier ne prenne une balle perdue.
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L’appel à sa libération immédiate, sur le site de l’hebdomadaire Le Pointsigné par des dizaines d’auteurs comme Annie Ernaux et JMG Le Clézio, Orhan Pamuk, Roberto Saviano ou Wole Soyinka, suffira-t-il à construire une bulle protectrice autour de l’écrivain ? Rien n’est moins sûr : exploité par des États qui ne cessent de panser leurs blessures narcissiques, des médias avides d’affrontements et des chercheurs au timing bancal, Boualem Sansal subit le sort de tous les otages politiques : peu importe de quoi on l’accuse, son destin. se joue actuellement ailleurs – et surtout sans lui.