Vers un fiasco climatique à la COP29

Vers un fiasco climatique à la COP29
Vers un fiasco climatique à la COP29

Bakou (Azerbaïdjan), rapport

« Il y aura une plénière à 12h ou à 14h » A vrai dire, dans les allées désormais silencieuses du stade olympique de Bakou, personne ne sait vraiment où nous en sommes. L’Azerbaïdjan, pays hôte du COP29est le théâtre d’un fiasco international. Censées s’être terminées le 22 novembre à 18 heures, les négociations climatiques s’enlisent. « Nous sommes clairement dans une impasse »confirme Rebecca Thissen, du Climate Action Network International. Et déjà, l’hypothèse d’une fin de FLIC sans accord. Reporterre revient sur les dernières vingt-quatre heures pour décrire ce qui se passe en coulisses.

Détaillant deux options totalement polarisées, le projet d’accord final publié le 21 novembre n’a séduit aucun négociateur. Perçu comme un « gifler » par les pays du Sud, et décrit comme « clairement inacceptable » par ceux du Nord, cette version n’était-elle qu’une illusion ? Oui, aux yeux d’une Source diplomatique française : « À l’approche de la clôture, il y a toujours un peu de drame. La plénière de la veille, où chacun scandait ses positions, est une des pièces de la scénographie de cette FLIC. » Selon elle, « une fois cette dramatisation purgée »un véritable texte de compromis – déjà prêt mais gardé secret par la présidence – allait être publié.

Pourtant, la mission semblait claire

Le 22 novembre vers 15 heures, cette fameuse copie mystère a été dévoilée. A peine sorti de l’imprimerie, il a suscité des épithètes négatives de la part de la société civile : « irrespectueux », « insultant »ou « comment jouer au poker avec la vie des gens ? ». Pourtant, la mission semblait claire : fixer le montant de l’enveloppe annuelle versée aux pays en développement pour faire face à la crise climatique, appelée « nouvel objectif collectif chiffré » ou « NCQG ». Un consensus d’experts avait estimé les besoins dans une fourchette comprise entre 1 000 et 1 300 milliards de dollars par an (960 et 1 250 milliards d’euros).

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Pour la première fois, les pays du Nord ont mis cartes sur table en avançant une véritable proposition financière : 250 milliards de dollars.
© Emmanuel Clévenot / Reporterre

Pourtant, pour la toute première fois, les pays du Nord ont mis cartes sur table en avançant une véritable proposition financière : 250 milliards. À la lecture du projet d’accord, le tollé a été immédiat : « La justice climatique n’a pas besoin d’une telle plaisanterie »a dénoncé le Kenyan Obed Koringo, duONG Soins International. « Il ne s’agit pas ici de charité. Personne ne mendie de l’argenta ajouté l’Américaine Rachel Cleetus, de l’Union of Concerned Scientists. Les pays riches portent une responsabilité historique dans le changement climatique et tentent aujourd’hui d’y échapper. »

Augmenter la dette des plus vulnérables

Consulté par Reporterrela nouvelle version est construite sur « la métaphore de l’oignon »si souvent évoqué dans les couloirs du stade olympique de Bakou. De toute évidence, l’article 7 appelle effectivement à « tous les acteurs doivent travailler ensemble » verser « atteindre au moins 1,3 billion de dollars ». Il s’agit de la couche externe de l’oignon, ouverte à tous ceux qui souhaitent contribuer – qu’il s’agisse de gouvernements, de banques, d’acteurs privés ou de philanthropes. Rien d’obligatoire donc.

Le cœur de l’ampoule est inscrit dans l’article 8. Il fixe l’objectif des Etats contribuant historiquement à cette tirelire : les fameux 250 milliards de dollars, d’ici 2035. Un chiffre jugé « minimum » par Rebecca Thissen, chargée de plaidoyer au Climate Action Network International : « D’autant qu’une mention précise que les pays développés devront « jouer un rôle de premier plan ». Juridiquement, cela ne veut rien dire. Est-ce que mettre 1 euro dans la cagnotte est suffisant ? ? Personne ne le sait. »

Autre élément de tension : rien n’indique dans le projet d’accord qu’il s’agira de dons. « L’ambiguïté du paragraphe 14, quant à savoir si ce financement est basé sur des subventions ou sans dette, compromet son efficacité. »estime Jeunesse et Environnement Europe. Les nations les plus vulnérables pourraient être contraintes d’emprunter et de rembourser les intérêts pour faire face aux conséquences d’une crise dont l’histoire est la leur. « banquier ».

Mieux vaut quitter Bakou sans accord

Face à ce refus, que disent les pays riches ? ? Qu’il est « tout simplement impossible » pour atteindre le milliard demandé avec l’argent public, selon les mots de Steven Guibeault, ministre canadien du Climat. Une rhétorique partagée par l’ancienne présidente irlandaise, Mary Robinson : « Les budgets sont serrés »elle a déclaré au Tuteuravant d’ajouter que l’inflation, la crise du Covid et la guerre en Ukraine avaient mis à rude épreuve les économies du Nord.

« Vous prétendez que les caisses sont vides, mais vous distribuez des milliers de milliards aux marchands de mort, aux industries de l’armement et des combustibles fossiles.a rétorqué Asad Rehman, directeur de l’association britannique de lutte contre la pauvreté War on Want. Dans les décombres de Gaza, il y a non seulement les corps mutilés de nos sœurs et frères, mais aussi la moralité des dirigeants occidentaux qui ont armé et alimenté ce génocide. »

Le 22 novembre à l’aube, la présidence du FLIC avait déclaré – non sans une fois de plus un excès d’optimisme – que seuls quelques « ajustements mineurs » pourraient être amenés à ces nouvelles pages. Ceci, avant la publication définitive de l’accord, actant la clôture du grand rassemblement, à la tombée de la nuit. Une affirmation saluée par la moue sceptique d’une Source diplomatique française : « Déjà une version finale ? Je ne sais pas. » Une chose est sûre : du côté de la société civile, c’est hors de question : « Notre message est clair, poursuit Obed Koringo. Mieux vaut quitter Bakou sans accord qu’une telle stupidité. »

« Montrons-leur que nous ne sommes pas vaincus »

La veille, devant l’enflammée plénière du peuple, le militant kenyan Omar Elmawi appelait à la mobilisation : « Imaginez un instant que nos ancêtres aient abandonné face aux esclavagistes. Serions-nous ici aujourd’hui ? Ils se sont battus contre vents et marées pour que nous puissions naître libres. Alors oui, nous sommes peut-être impuissants et fatigués, mais nous n’abandonnerons jamais. » Et d’ajouter, dans une salle très animée : « Envoyons un message à Nelson Mandela et à Martin Luther King. Montrons-leur que nous ne sommes pas vaincus. »

Il n’en reste pas moins que les délégations les plus précaires commencent déjà à déserter les lieux. Comme les hôtels de la capitale azerbaïdjanaise sont trop chers et que les billets d’avion ne sont pas toujours modifiables, certains délégués n’ont d’autre choix que de rentrer dans le pays. Une stratégie des pays riches pour se débarrasser du bloc dissident, s’interroge un journaliste suisse ? « je n’ose pas le croire» a répondu un observateur. Ce serait honteusement malhonnête. »

Le matin du 23 novembre, les couloirs du FLIC étaient presque vides. Les négociations ont duré toute la nuit, mais pour l’instant [7 h à Bakou]pas de nouvelle version à l’horizon. « J’ai un billet d’avion pour dimanchedit un diplomate. Si je dois le déplacer à lundi, je le ferai. Cependant, à un moment ou à un autre, il faudra conclure les discussions. »

La présidence de Bakou entrera-t-elle dans l’histoire en battant le record détenu par Madrid depuis 2019 ? Cette année-là, le coup de sifflet final du COP25 était intervenu avec quarante-quatre heures de retard. Comme aime à le dire le secrétaire général des Nations Unies… « L’horloge tourne. »

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