France Bleu Saint-Etienne Loire : Que pensez-vous aujourd’hui des « journées duo », journée durant laquelle des personnes handicapées passent une journée en entreprise aux côtés d’un salarié valide ? L’année dernière, il y avait 27 613 duos à l’échelle nationale. Ce n’est pas grand-chose, n’est-ce pas ?
Martine Robert, co-governor of the “Prisme 21 Loire” association: C’est déjà pas mal. Nous n’en sommes qu’au début de l’intégration des personnes ayant une déficience intellectuelle dans le monde du travail ordinaire. Nous aimons ces journées car elles permettent à une personne handicapée de passer une journée dans une entreprise ordinaire. Dans une journée, on a encore le temps de faire connaissance et c’est l’occasion de faire une sorte de petit test, sans qu’il y ait d’engagement de part et d’autre.
Vous avez plus de 220 entreprises partenaires. Quel est leur principal obstacle lors de l’accueil d’un de vos bénéficiaires ?
Il y a d’abord toutes les idées reçues que l’association tente de dépoussiérer. On ne sait pas, on ne sait pas, c’est un peu effrayant. C’est pourquoi au sein de l’association, nous avons créé une SAT hors les murs, un Service d’Aide au Travail, des agents d’insertion qui accompagnent les personnes handicapées dans l’emploi. Le temps nécessaire, jusqu’à ce que la personne connaisse bien ses collègues, le lieu, les tâches qui peuvent lui être confiées et petit à petit, ce soutien devient de plus en plus léger, jusqu’à devenir complètement inutile.
Les entreprises peuvent-elles craindre une baisse de productivité ?
Je ne sais pas quelle est la productivité, car souvent les entreprises qui s’engagent ont de la bonne volonté envers les personnes suivies. Ce n’est pas un long fleuve tranquille, c’est parfois un peu long, un peu compliqué, mais quand ça marche bien, on reçoit souvent des retours d’entreprises disant qu’elles n’avaient jamais pris le temps de se pencher là-dessus. remettre en question ou réorganiser un service. Au final, on se rend compte que c’est mieux pour tout le monde au sein de l’entreprise, pas seulement pour la personne accueillie.
Précisément du côté de la personne handicapée. L’inclusion par le travail change-t-elle tout ?
On dit souvent que nous travaillons pour l’exercice des droits de ces personnes. Ils ont des droits, comme tout le monde. En revanche, l’exercice de ces droits est souvent plus compliqué. Nous parlons de droits fondamentaux : le droit à l’école, au travail, au logement, à la santé. Être dans un environnement ordinaire est beaucoup plus épanouissant pour la personne, beaucoup plus enrichissant et cela permet de comprendre les codes, les manières dont fonctionne la société et donc de mieux s’y adapter.
Appliquez-vous dans votre organisation, dans votre association, ce que vous prônez : la bienveillance et l’inclusion ?
Ce que nous préconisons, c’est que la personne passe toujours en premier. C’est-à-dire qu’on arrête de penser pour lui sans lui demander. Au sein de l’association, nous sommes en gouvernance partagée avec seize co-gouverneurs dont cinq déficients intellectuels qui participent aux votes, aux projets, et à tout ce qui se passe dans l’association.