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Saâda Arbane accuse l’écrivain et son épouse d’avoir exploité son histoire – Le roman Houris : fiction ou réalité cachée ?

Saâda Arbane accuse l’écrivain et son épouse d’avoir exploité son histoire – Le roman Houris : fiction ou réalité cachée ?
Saâda Arbane accuse l’écrivain et son épouse d’avoir exploité son histoire – Le roman Houris : fiction ou réalité cachée ?

Alors qu’elle avait six ans, Saâda Arbane, vivant dans un village isolé, niché entre les wilayas de Tiaret et Djelfa, a vu toute sa famille massacrée par un groupe armé durant la sombre décennie qui a défiguré l’Algérie des années 1990. Seule survivante de ce carnage, elle a survécu à de terribles blessures, à une tentative d’égorgement et a perdu la voix à jamais. Une épreuve inimaginable qu’elle a portée sur ses épaules pendant près de 25 ans, dans le silence et dans la douleur.

Aujourd’hui, cette même Saâda Arbane porte à la fois la souffrance de ses traumatismes personnels et une colère sourde envers ceux qui, selon elle, ont exploité son histoire sans son consentement. C’est dans un français presque inaudible que Saâda a partagé son histoire vendredi dernier sur la chaîne One . Et son témoignage pourrait bien égratigner l’édifice littéraire et médiatique autour de l’œuvre du célèbre écrivain Kamel Daoud, lauréat du prix Goncourt pour son roman Houris.

Le lien entre l’histoire tragique de Saâda et « Houris » semble s’établir de manière surprenante. Selon Saâda, le roman de Kamel Daoud, que l’écrivain lui-même a toujours présenté comme une œuvre de fiction, ne serait rien d’autre qu’une représentation fidèle, et non consentie, de sa propre expérience.

Selon ses déclarations, ce livre puise dans les éléments les plus intimes de sa vie : la cicatrice au cou, les séquelles physiques d’un égorgement raté, l’absence de voix, le traumatisme d’un massacre familial, mais aussi des détails personnels. comme son voyage à l’hôpital, ses soins en , ou encore sa relation avec sa mère et les difficultés qu’elle a rencontrées pour survivre après la décennie noire.

Elle accuse l’écrivain Kamel Daoud, qui n’a jamais évoqué publiquement Saâda, d’avoir puisé dans ses confidences, partagées avec son épouse, psychologue, lors de séances de thérapie. Saâda, qui a commencé à consulter l’épouse de l’écrivain en 2015, affirme que ce sont ces entretiens, où elle a ouvert son cœur à un psychologue pour tenter d’exorciser ses démons, qui ont servi à nourrir « Houris ». Elle évoque une violation flagrante du secret professionnel et une trahison de sa confiance.

Selon elle, l’épouse de Kamel Daoud aurait exposé son histoire sans son consentement, en violation des règles élémentaires d’éthique. Saâda, dans son récit, raconte comment elle a été stupéfaite de découvrir, grâce à un ami en France, que son histoire était désormais racontée dans un livre à succès.

Elle évoque notamment les rencontres avec les Daoud, où l’écrivain lui-même a proposé de retranscrire sa tragédie dans une œuvre. Mais Saâda, fidèle à sa volonté de protéger sa vie privée, aurait toujours refusé. « Quand j’ai commencé à consulter, en 2015, ce n’était pas encore Mme Daoud (…). Mais, il y a trois ans, j’ai été invité par Mme Daoud à prendre un café chez eux, à Hasnaoui. Kamel Daoud m’a alors demandé s’il était possible de raconter mon histoire dans un roman, j’ai refusé. Plus tard, sa femme m’a dit qu’il était en train d’écrire un livre et je lui ai dit que je ne voulais pas qu’il parle de mon histoire. Elle m’a dit : « Pas du tout… Je suis là pour te protéger », a-t-elle confié au journaliste Younès Sabeur Chérif.

La révélation fut d’autant plus surprenante pour Saâda qu’elle voyait parler d’Houris comme d’un livre racontant sa propre histoire, d’une manière étonnamment précise. Le roman, qui raconte l’histoire de l’Aube, une jeune femme muette portant sur son corps les cicatrices de la période terroriste, semble s’inscrire parfaitement dans les événements vécus par Saâda : un tube respiratoire attaché au cou, un corps marqué par la violence. , et la quête pour trouver sa voix.

Saâda donne d’autres détails qui auraient été exploités par l’écrivain : le conflit avec sa mère, le profil de la mère adoptive, son projet d’avorter, la signification de ses tatouages, le salon de coiffure et d’esthétique… L’étendue de ce qu’elle a appelle « trahison », selon Saâda Arbane, ne s’arrête pas à la simple appropriation de son histoire.

Elle accuse l’épouse de Kamel Daoud d’avoir violé le secret professionnel en divulguant des informations personnelles, notamment des rapports médicaux et des documents relatifs à sa santé. Ces pièces justificatives, qu’elle conservait comme preuve de ses traumatismes, seront la Source même de l’inspiration de l’écrivain. Lors d’une récente interaction avec l’épouse de Kamel Daoud, cette dernière aurait nié d’emblée toute inspiration directe dans l’écriture de Houris, avant de lui remettre un exemplaire du livre, signé, accompagné d’une – flatteuse – dédicace de l’écrivain : « Notre pays a souvent été sauvé par des femmes courageuses, et vous en faites partie.

Le secret médical non respecté ?

Ce n’était évidemment pas suffisant pour apaiser Saâda. Au contraire, elle se dit profondément choquée d’apprendre qu’une probable adaptation cinématographique d’Houris est en préparation, et que l’écrivain et son entourage envisagent des retombées financières. « Sa femme m’a dit qu’il y aurait un film adapté de l’histoire, et que Kamel Daoud pourrait me contacter pour écrire le scénario. Je lui ai dit : « bonne idée », et elle m’a répondu que grâce à ça je pourrais acheter un appartement en Espagne », raconte l’interviewée.

Pour Saâda, ce projet ne visait qu’à la faire taire et à la rendre complice d’une histoire qu’elle n’avait jamais accepté de partager. Saâda Arbane considère que c’est un roman qui la dépossède de son histoire. La découverte que son expérience était devenue un objet de fiction a ravivé en elle des blessures qu’elle croyait cicatrisées. Pour elle, cette affaire est bien plus qu’une question d’honneur ; il s’agit d’une violation profonde de ses droits à la dignité et à la protection de sa vie privée.

Lors de son intervention à la télévision, Saâda a exprimé la douleur d’avoir vu son histoire dévoilée sans son consentement. “On m’a même appelé pour me demander combien j’avais été payé pour faire le livre… et ça a été un choc de retrouver tous ces détails, je n’ai jamais pu terminer le livre”, souligne-t-elle, évoquant des nuits blanches, des souvenirs douloureux. et un sentiment de trahison qui la plonge dans un état de souffrance mentale intense. Elle a également souligné l’importance de l’éthique et de la déontologie professionnelle dans le domaine de la santé, précisant que le secret professionnel, qu’il soit médical ou psychologique, doit être respecté sans exception.

D’un point de vue juridique, cette affaire soulève de nombreuses questions. L’accusation de Saâda Arbane repose sur la violation du secret professionnel, un délit qui pourrait entraîner des poursuites contre l’épouse de Kamel Daoud, si les accusations étaient avérées. Quant à l’écrivain, bien qu’il ait écrit un roman dont les similitudes avec la réalité de Saâda sont frappantes, il serait difficile d’engager des poursuites contre Kamel Daoud lui-même, tant que le lien direct entre son livre et l’histoire de Saâda n’est pas explicite et qu’elle n’est pas mentionné nommément.

Mais Saâda voit les choses différemment. Pour elle, il ne s’agit pas simplement d’une querelle littéraire. C’est une question de justice, de respect de l’intimité et de la vie privée. Elle considère que son histoire a été utilisée sans son consentement et que l’écrivain a exploité un drame personnel pour en faire une œuvre de fiction vendue au grand public, sans jamais se soucier des conséquences pour elle. Cette affaire soulève une question fondamentale : jusqu’où peut-on aller dans l’exploitation de l’histoire d’un individu au nom de la littérature et où s’arrêtent les frontières entre fiction et fiction – ou devraient-elles ? réalité ?

 
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