Déposé le 15 octobre, il a été débattu en commission des Affaires sociales le 20 novembre, puis le sera dans l’Hémicycle le 28 novembre. Les deux précédents, recevables lors de leur dépôt, avaient été vidés de leur substance en commission, et n’avaient pas réussi à introduire le même dispositif par voie d’amendement, dont les règles d’admissibilité sont beaucoup plus restrictives.
Ce PPL a été cette fois adopté en commission (35 députés pour, 16 contre) car le RN a soutenu cette initiative, contrairement au NFP pour son texte. Ainsi l’article 1 pourra être débattu en séance, voire adopté. Ce véhicule législatif a cependant peu de chances de revenir sur la réforme des retraites de 2023.
Tout d’abord, la question de la recevabilité financière du PPL peut revenir à l’Hémicycle. Pour rappel, l’article 40 de la Constitution prévoit que « les propositions et amendements formulés par les parlementaires ne sont pas recevables lorsque leur adoption entraînerait soit une réduction des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une fonction publique ». L’étude d’une charge s’apprécie de manière légale et non budgétaire. Ce n’est donc ni l’impact financier ni la sincérité de l’engagement qui sont retenus pour la qualification.
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Selon le paragraphe 4 de l’article 89 du règlement de l’Assemblée, l’irrecevabilité peut également être soulevée a posteriori, par tout député ou par le gouvernement, à tout moment, même lors du débat en commission ou à l’hémicycle. Ces saisines du gouvernement restent tout à fait exceptionnelles. Selon Jean René-Cazeneuve, alors qu’il était rapporteur général du budget, 18 LPP ou amendements ont été jugés irrecevables depuis 2009.
Afficher. En séance, la PPL pourrait ainsi être considérée comme irrecevable. Toute la difficulté réside dans la deuxième partie du paragraphe 4 : « L’irrecevabilité est appréciée par le président ou le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire ou un membre de son bureau désigné à cet effet. » Le président de la commission des finances, Eric Coquerel, étant LFI, donc pour l’abrogation, et le rapporteur général, Charles de Courson (LIOT), ayant soutenu un texte similaire en mai 2023, pourraient avoir un avis plus politique que juridique et non prendre une décision contraignante.
Par ailleurs, même si la PPL est adoptée, cela ne signifie pas que l’abrogation de la réforme soit ratifiée. Le Sénat devrait voter le texte dans des termes identiques, ce qui est peu probable. Et si le Sénat le votait, mais en modifiant quelques articles, il faudrait convoquer une commission mixte paritaire. Pour cela, une demande conjointe des présidents des deux assemblées est requise (article 45 de la Constitution), ce qui semble là encore invraisemblable. Enfin, dans le cas inattendu d’un vote du texte par les deux chambres, le Conseil constitutionnel pourrait peut-être déclarer l’irrecevabilité financière du projet de loi, s’il lui est renvoyé.
Il s’agit donc plutôt d’une démonstration politique, sans réalité procédurale. Même si la PPL est adoptée le 28 novembre, son sort est incertain : il y a peu (voire aucune) chance qu’elle atteigne la fin du processus législatif. Elle restera alors au chaud dans sa niche.
Spécialiste de l’Assemblée nationale, Mélody Mock-Gruet est docteur en droit public, enseignante à Sciences Po Paris et auteur du Petit Guide du contrôle parlementaire (L’Harmattan, 2023)
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