Le rouble est tombé mardi à son plus bas niveau depuis un an, miné par une vague géopolitique liée à l’utilisation par l’Ukraine de missiles américains à longue portée sur le territoire russe. Vers 19H15 GMT, la monnaie russe perdait 0,60% face au billet vert, à 100,4747 roubles pour un dollar. Auparavant, il était tombé à 101,0750 roubles, une première en 13 mois. L’armée ukrainienne a tiré mardi, pour la première fois, des missiles longue portée ATACMS (Army Tactical Missile System), fabriqués par l’américain Lockheed Martin, sur le territoire russe.
Ces frappes interviennent au lendemain du feu vert donné par Washington à l’usage de ces armes d’une portée de 300 km, ce que le président américain Joe Biden s’était toujours refusé de faire jusqu’à présent. En marge du sommet du G20 à Rio, le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a déclaré qu’il s’agissait d’un “signal” de l’Ukraine et de ses alliés indiquant qu’ils «(voulait) grimper». Le diplomate a brandi la nouvelle doctrine nucléaire russe, officialisée mardi par le président Vladimir Poutine, qui élargit la possibilité d’une réponse atomique en cas d’attaque. “massif” d’une nation non équipée d’armes nucléaires mais soutenue par un pays qui en possède.
Utilisation des importations
Pour Tatiana Orlova d’Oxford Economics, franchir le seuil psychologique des 100 roubles pour un dollar n’est pas tant lié au risque d’escalade de la guerre qu’à la “poursuite d’un affaiblissement amorcé en août”. Depuis début août, la troisième monnaie la plus ancienne encore utilisée dans le monde après la livre sterling et le dinar serbe a perdu près de 16 % de sa valeur face au dollar. Pour Tatiana Orlova, cette baisse est imputable à des facteurs fondamentaux, en premier lieu au volume élevé des importations. Le départ d’un grand nombre d’entreprises étrangères a accru la dépendance de la Russie à l’égard des importations, qui sont achetées dans des devises autres que le rouble, en particulier le dollar, ce qui affaiblit la monnaie russe.
Dans le même temps, les sanctions internationales et la chute des prix du pétrole ont limité les recettes d’exportation du pays. Les importations ont également alimenté l’inflation, qui a encore atteint 8,4% sur un an en octobre, autre facteur de dépréciation du rouble. Pour y faire face, la Banque de Russie s’est engagée dans un cycle de resserrement monétaire et a encore relevé son taux directeur fin octobre, à 21%, contre 19% précédemment. “Je m’attends à ce que le rouble s’apprécie début 2025, car la politique monétaire très ferme dissuadera les importations”explique Tatiana Orlova. Les taux d’intérêt élevés incitent les ménages russes à épargner en roubles, ce qui ralentit la consommation, notamment de biens et marchandises étrangers payés dans d’autres devises.