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Longtemps décrite comme isolée dans son opposition à l’accord de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et les pays latino-américains du Mercosur, la France continue de résister. Emmanuel Macron a assuré que d’autres pays de l’UE refusaient de signer le traité en l’état. Le poids de la France pourrait-il suffire à faire pencher la balance et à faire échouer les négociations qui devaient bientôt se finaliser ? Décryptage.
Face au mécontentement croissant des agriculteurs, le gouvernement l’assure : la France continuera « à maintenir le bras de fer aussi longtemps que nécessaire » avec l’Union européenne contre le traité de libre-échange UE-Mercosur. La porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a fait écho, mardi 19 novembre, aux promesses de la veille du chef de l’Etat. Pour elle, l’accord avec les pays signataires (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay), défendu par plusieurs grands pays de l’Union européenne, l’Allemagne et l’Espagne notamment, “constitue une concurrence déloyale absolument inacceptable pour nos éleveurs, car elle est pas cohérent sur le plan écologique et notamment au regard de l’Accord de Paris ».
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Lundi, Emmanuel Macron, en déplacement au Brésil pour le G20, a expliqué que la France cherchait depuis des semaines des « alliés » pour reporter la signature de cet accord. “Contrairement à ce que beaucoup pensent, la France n’est pas isolée et nombreux sont ceux qui nous rejoignent”, a assuré le président de la République depuis Rio. Il a cité « les Polonais, les Autrichiens, les Italiens et plusieurs autres en Europe ».
Une opposition émergente au sein de l’UE ?
La Commission européenne, et sa présidente Ursula Von Der Leyen, semblent déterminées à conclure rapidement cet accord de libre-échange avec les pays d’Amérique latine.
Négocié depuis plus de 20 ans, ce traité prévoit notamment des quotas d’importation de viande bovine avec des droits de douane réduits ou nuls. « Ce texte […] car elle est engagée depuis plusieurs décennies, repose sur des prérequis qui sont obsolètes», a insisté Emmanuel Macron. Il a avancé l’idée de « repenser la relation avec cette sous-région ».
Lundi, le ministre italien de l’Agriculture Francesco Lollobrigida a également indiqué qu’il considérait que cet accord était, “dans sa forme actuelle”, “inacceptable”.
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Pour bloquer le texte, la France doit rallier à sa cause au moins trois pays et ils doivent représenter au total plus de 35% de la population européenne. Alors qu’elle semblait isolée jusqu’ici, le déclin de l’Italie, représentant 13% de la population européenne, pourrait jouer en faveur de la France qui, elle, en représente 15%, souligne Europe 1. Si la Pologne, représentant, elle, 8% de la population européenne, Si la démographie européenne rejoignait également le camp de l’opposition, les 35% seraient alors dépassés. Il suffirait au trio de trouver un quatrième pays pour se rallier à leur cause. Un rôle qui pourrait être rempli par l’Autriche, si l’on en croit les propos d’Emmanuel Macron. L’Assemblée autrichienne a également adopté une résolution s’opposant à l’accord.
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Restera à tenir tête au titan allemand pour qui cette signature est vitale. Lors du G20, le chancelier Olaf Scholz a réaffirmé que l’accord de libre-échange « doit enfin être achevé ». Alors que Berlin s’y était opposé sous Angela Merkel, l’économie allemande, aujourd’hui en récession, a besoin de ce traité commercial, décrit par beaucoup comme un échange « viande contre voitures » et qui élargirait les opportunités d’exportation pour son industrie.
Du côté de Bruxelles, la finalisation des négociations ne semble être qu’une formalité. Ursula Von Der Leyen a déjà réservé ses billets d’avion pour Montevideo le 6 décembre, où l’accord devrait être officiellement scellé lors du sommet du Mercosur, indique le journal allemand Frankfurter Allgemeine Zeitungrelayé par Courrier International. Mais le scénario s’était déjà déroulé ainsi l’année dernière, et les négociations finales avaient finalement échoué en raison, entre autres, de l’opposition d’Emmanuel Macron. Ces derniers ont refusé de voir les agriculteurs français, déjà mobilisés dans tout le pays, se sacrifier au profit de cet accord et par conséquent, l’extrême droite sortant renforcée d’une éventuelle crise agricole.
En France, l’opposition au traité semble unanime. Le gouvernement proposera un débat au Parlement suivi d’un vote, a annoncé Matignon mardi, alors même que le mouvement de contestation des agriculteurs prend de l’ampleur.