Pneus et palettes en proie à de grandes flammes, de la fumée noire et de petites explosions. Ce lundi soir, à l’appel de la FDSEA et des Jeunes Agriculteurs (JA31), un « feu de colère » a enflammé un rond-point à Villefranche-de-Lauragais, au sud-est de Toulouse. La signature imminente du traité du Mercosur avec les pays d’Amérique latine est l’étincelle qui ravive la colère du monde agricole. Mais l’incendie qui couve depuis un an est plus général dans une profession plus que jamais en difficulté. Julien, vice-président de JA31, est un producteur de céréales, biologiques et conventionnels. Il revient pour 20 minutes sur ce « coup de semonce » qui présage peut-être d’une grande explosion.
Pourquoi ce retour de colère paysanne, quelles sont vos revendications ?
Ce feu de colère est pour exprimer notre ras-le-bol car le secteur agricole est complètement délaissé. Il aurait fallu faire des choses, sauf qu’avec la dissolution de l’Assemblée nationale, on a perdu un an. On repart de zéro. Mais nous ne pouvons pas repartir de zéro pour toujours. À un moment donné, la colère sera si grande qu’on ne contrôlera plus rien. Nous devrons mettre nos menaces à exécution.
Ce que nous souhaitons aujourd’hui, c’est pouvoir vivre normalement de notre travail, sans même parler de bien gagner notre vie, nous n’en avons jamais eu l’occasion. Ce que nous demandons, c’est de vivre de manière simple, sans nous laisser submerger par les normes.
Quelles difficultés rencontrez-vous au quotidien ?
Si je prends mon exemple, celui d’une ferme que je travaille avec mon père sur les terres de mon grand-père, c’est la deuxième année consécutive que nous avons des revenus négatifs. Cela n’était jamais arrivé dans la famille. On a commencé à douter, à penser à travailler différemment. Mais en fait non, c’est pareil partout. Cette année, ce n’est pas compliqué, nous avons vendu notre blé bio, qui a un rendement trois fois inférieur, soit la moitié du prix du blé conventionnel. On ne peut pas continuer comme ça, on ne peut plus vivre.
Et comme je ne parviens pas à tirer des revenus de ma ferme, je suis allée en chercher une à l’extérieur. Depuis un an, je suis professeur au lycée agricole de Castelnaudary.
Pourquoi la colère agricole se manifeste-t-elle toujours au cœur de l’hiver ?
Notre seul patron est la météo. Nous sortons quand nous le pouvons, et c’est la période qui convient à tout le monde : c’est la fin des travaux importants – labours et semis – pour les céréaliers, et avant le début de la période de vêlage pour les éleveurs.
Le Mercosur est-il en train de mettre le feu aux poudres ? Et vous, en tant que céréalier, vous sentez-vous concerné ?
Nous vendons nos céréales à nos éleveurs et si nos éleveurs se retrouvent en difficulté c’est toute la filière qui sera impactée. Sans parler du soja OGM qui arrive déjà. Nous échangeons des avions ou des voitures contre des céréales, et l’agriculture finit toujours par être la variable d’ajustement.