« France, voulez-vous toujours vos paysans ? : le cri de colère a résonné ce lundi du Var au Calvados, partout où l’alliance syndicale majoritaire FNSEA-JA a lancé plus de 80 actions symboliques, prélude à un nouveau cycle de mobilisation. Moins d’un an après une mobilisation historique dans les campagnes, qui s’est soldée en janvier par des blocages de tronçons d’autoroutes dans le pays, les syndicats agricoles estiment que les comptes ne sont pas là. Ils appellent une nouvelle fois leurs troupes à manifester, mais en ordre dispersé, à l’approche de leurs élections professionnelles qui auront lieu en janvier.
C’est l’alliance majoritaire qui, la première, lança ses forces dans la bataille. L’alliance FNSEA-Jeunes Agriculteurs (JA) annonce « 85 points de manifestation » à travers le pays, mais sans aucun blocage d’autoroute. À Cannet-des-Maures (Var)quelque 300 agriculteurs ont mis de la terre sur la route et planté des croix symbolisant la mort de Agriculture françaisequ’ils considèrent menacés par l’accord de libre-échange que l’UE négocie avec les pays latino-américains du Mercosur. Près de la frontière belgeles agriculteurs contrôlent les poids lourds. A Lyonles opérateurs ont installé des panneaux d’entrée dans la ville. Devant la préfecture de Vesoulils ont déversé trois bennes pleines de tiges de maïs. Des rassemblements devant les préfectures ou des opérations escargots sont organisés un peu partout en France.
Dès dimanche soir, des impatients avaient sorti les tracteurs, défilant en cortège près de la base aérienne de Villacoublayprès de Paris, d’où a volé Le président Emmanuel Macron pour le G20 à Rio au Brésil. « Macron, si tu vas à Rio, n’oublie pas tes montagnards »» proclamait une bannière accrochée sur un pont.
Les actions sont avant tout symboliques, l’alliance majoritaire voulant alerter les pouvoirs publics mais “pour ne pas ennuyer les Français”: « Ce que nous voulons, c’est exprimer sur tout le territoire cette détresse agricole et cette nécessité de remettre le cap», a souligné sur RMC le président des JA, Pierrick Horel.
Dans le Calvados, le représentant local de la FNSEA Xavier Haie résume : “Nous avons lancé un premier avertissement pour demander l’arrêt des négociations sur le Mercosur.” Mais les agriculteurs attendent aussi que le gouvernement mette en place « ce qu’il avait promis : loi d’orientation agricole, simplification administrative… ».
« Révolte agricole » ?
Affaiblis par la pire récolte de blé depuis 40 ans et l’émergence de maladies animales, les agriculteurs estiment ne pas avoir récolté les fruits de la colère de l’hiver dernier : la concrétisation des 70 engagements alors pris par le gouvernement Attal a été ralentie par la dissolution de l’Assemblée nationale. Les manifestations étaient à l’époque dirigées contre l’augmentation du carburant agricole (GNR) ou le pacte vert européen.
Cette fois, c’est le résultat attendu du projet d’accord de libre-échange avec les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) qui enflamme les campagnes. Malgré l’opposition de la classe politique française, la Commission européenne, poussée par des pays comme l’Allemagne et l’Espagne, semble déterminée à signer d’ici la fin de l’année cet accord qui permettra aux pays latino-américains de vendre plus de bœuf, de poulet ou de sucre sans droits de douane. .
« Nous continuerons à nous opposer » à l’accord, a assuré Emmanuel Macron dimanche, en déplacement en Argentine avant le G20, cherchant à « rassurer les agriculteurs ».
Lundi sur France Bleu Besançon, la ministre de l’Agriculture Annie Genevard a déclaré « comprendre la colère » agriculteurs, tout en soulignant que le projet de budget contenait “près de 300 millions d’allègements sociaux et fiscaux”.
Reconnaissant les progrès en matière de simplification ou de prêts garantis par l’État, la FNSEA envisage de poursuivre la mobilisation jusqu’à la mi-décembre, avec des actions symboliques comme l’occupation du pont de l’Europe reliant Strasbourg à la ville allemande de Kehl. l’après-midi ou « feux de colère » dans différents départements.
La FNSEA, qui se veut un syndicat “responsable”non-violent, cherche à se démarquer de la Coordination rurale (CR, 2e syndicat agricole), habituée aux actions musclées et qui a gagné beaucoup de visibilité l’hiver dernier.
Le CR, qui accuse la FNSEA de « cogestion » avec le gouvernement, a choisi d’attendre la tenue de son congrès (mardi et mercredi) pour amplifier sa mobilisation. Elle promet « une révolte agricole » avec un « blocage des marchandises alimentaires » à partir de mercredi dans le Sud-Ouest si “aucun progrès” n’est pas noté dans le dossier du Mercosur.