“On voit bien que les Américains vont tenter de limiter les dégâts et de limiter l’expansion du conflit en envoyant un message extrêmement clair : nous sommes prêts à tirer relativement loin.», a réagi, lundi 18 novembre, Peer de Jong, ancien colonel des troupes de marine et vice-président de l’institut Themiis dédié aux questions de paix et de sécurité, au lendemain de l’annonce faite par Washington de donner autorisant l’Ukraine à frapper le territoire russe avec des missiles à longue portée fournis par les États-Unis. Un changement stratégique majeur à quelques semaines de l’arrivée au pouvoir de Donald Trump.
“L’ATACMS tire à 300 kilomètres. Cela signifie que les Ukrainiens gagnent environ 200 kilomètres de portée.», explique Peer de Jong. Selon lui, la véritable urgence se situe dans la région de Koursk, cette portion du territoire russe prise l’été dernier, à la surprise générale, par l’Ukraine. “Nous allons assister à une contre-offensive très importante. L’arrivée de Trump dans deux mois va globalement fossiliser le front, ce qui signifie que les négociations repartiront des positions acquises. Alors les deux belligérants vont évidemment tenter d’avancer le plus possible, pour avoir les plus grands gains territoriaux possibles.« .
« Le choix des cibles est très important »
Selon les États-Unis et l’Ukraine, 50 000 soldats, dont plus de 10 000 nord-coréens, ont été mobilisés par Moscou dans la région de Koursk. “Du côté russe, environ 20 % des forces sont d’origine nord-coréenne. Les Nord-Coréens parlaient de 10 000, mais combien y en aura-t-il demain ? C’est 20 000, 30 000. Aujourd’hui, l’armée nord-coréenne peut s’engager davantage», estime ce spécialiste.
Les ATACMS sont des missiles »extrêmement précis, extrêmement destructeurs, extrêmement efficaces, mais aussi extrêmement coûteux», précise Peer de Jong. “On peut donc supposer que les Américains ne vont pas en livrer 15 000. Ce qui veut dire qu’en fait, le choix des cibles est très important. Les Ukrainiens seront obligés de composer avec des cibles de concentrations de blindés ou d’infanterie ou éventuellement de quartiers généraux.« . Avec un risque, prévient-il, «vous avez une centrale nucléaire à Koursk« . “Il est donc vrai qu’aujourd’hui cet outil servira principalement à limiter la portée de la contre-offensive russe.« .
« Joe Biden reprend la main et oblige Donald Trump à engager une discussion »
Au-delà de l’effet purement militaire, «il y a un effet psychologique qui est extrêmement important», estime Peer de Jong. “Et puis il y a un effet psychologique interne aux Etats-Uniscontinue-t-il. On voit bien qu’une fois de plus, la séquence Trump, extrêmement active depuis une semaine, est en train de bouleverser son équilibre. En faisant cela, Biden reprend le contrôle et force Trump à s’engager dans une discussion d’une manière ou d’une autre. En tout cas Joe Biden tente de reprendre la main, il renforce quelque part son pouvoir pour les deux mois qui lui restent», conclut-il.
Une interview réalisée par Jérôme Chapuis, éditée par Diane Warin.