ENTRETIEN – Le journaliste, qui joue son propre rôle dans la fiction Netflix, revient sur son expérience sur le tournage. Et met en lumière les particularités de cette discipline légalisée il y a quatre ans qui compte de plus en plus d’adeptes.
Le crochet gauche de Conor McGregor et les corps à corps de Francis Ngannou commencent à jouir d’une certaine notoriété en France. LE MMA (« Mixed Martial Arts »), discipline légalisée ici seulement en 2020, s’impose dans le paysage sportif et audiovisuel. Elle a déjà le droit à une série, La cage diffusé sur Netflix . Thomas Desson, voix de RMC Sport, joue son propre rôle. L’occasion, pour lui, d’observer de près la grande machinerie d’une fiction internationale qui, veut le croire le journaliste et commentateur, « démocratiser » un peu plus de discipline. Il le suit avec enthousiasme depuis une quinzaine d’années. Sa chaîne, RMC Sport, vient de diffuser un documentaire, disponible en replay, qui retrace l’histoire de cet art martial critiqué pour sa brutalité. Ou loué pour son exigence et son intensité.
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MAGAZINE TV LE FIGARO. – La victoire de Trump devrait être bénéfique à la discipline à en juger par son amitié avec Dana Blanc le patron de l’UFC, la toute-puissante organisation de MMA.
Thomas DESSON. – En effet, le président élu l’a fait monter sur scène parmi les premiers lors de la célébration de sa victoire à l’élection présidentielle. Entre eux, il y a les retours en ascenseur. Dana White voulait trouver un moyen de faire des combats pendant le Covid-19. Donald Trump l’a aidé et les audiences du MMA se sont envolées durant cette période…
Dans La Cage, vous incarnez Thomas Desson, journaliste à RMC Sports… Qu’est-ce que ça fait de jouer son propre rôle ?
C’est grisant ! Et assez drôle. De la même manière que Franck Gastambide a fait jouer Fred Musa de « Planète Rap » dans Valide (sa précédente série, NDLR), ce réalisateur fanatique de MMA se demandait qui étaient les plus identifiables dans ce monde. Il est venu me chercher. Ce qui offre également une réelle reconnaissance à la chaîne et à son travail. D’autant plus que La cageoù tout est précis, c’est une grosse production. Franck a bénéficié d’un alignement des planètes. Avec la grève des acteurs à Hollywood, Netflix avait besoin de contenu. La cage devient ainsi une série internationale, diffusée en trente-deux langues. Où l’on voit aussi Georges St-Pierre, le Léo Messi du MMA…
« Aujourd’hui, c’est devenu cool de dire qu’on aime le MMA. »
Thomas Desson
Avez-vous dû multiplier les prises ?
Pour nous, les journalistes, à qui Franck avait demandé de faire exactement comme d’habitude sur le plateau, la première prise était souvent la bonne. L’exercice n’était pas si difficile. Bien moins, en tout cas, que celle des comédiens qui ont dû ajuster leurs textes par rapport à nos commentaires. En revanche, lorsque je joue le rôle d’orateur lors d’une réunion, j’ai dû refaire la séquence soixante et onze fois à cause des différents plans à mettre dans la boîte !
En quinze années d’expertise, vous avez vu la vision du MMA évoluer grandement…
A l’époque, en 2008, quand je commentais pour RTL9, diffusée au Luxembourg, les gens me disaient : “Ah, tu es animateur de MMA ?” Ce qui signifiait beaucoup. Et plus précisément : « Tu le fais parce que tu as besoin de manger ». Le ton a changé aujourd’hui. Après la légalisation, le public a découvert ces incroyables spectacles à l’américaine. Il y a un avant et un après pour ceux qui ont assisté à une réunion de l’UFC. On l’a vu lors de la rencontre Doumbè – Baki, la discipline a aussi passé le cordon VIP. C’est devenu cool de dire qu’on aime le MMA.
Il y a plus de quatre ans maintenant, la légalisation de la discipline était annoncée sur RMC Sport.
La ministre Laura Flessel avait déjà été sensibilisée aux intérêts de ce sport. Mais c’est sa successeure Roxana Maracineanu qui, sur RMC Sport, en avril 2019, avait alors confirmé qu’elle ne voyait aucune contradiction dans la pratique. Elle avait beaucoup travaillé sur le dossier. Avec d’autres, nous avons poussé les murs dans ce sens.
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Quels projets attendent désormais le MMA en France ?
Il doit construire sa base amateur. Nous avons des pros de très haut niveau, il faut maintenant intéresser le monde amateur. Il existe aujourd’hui en France environ trois cents salles de sport où l’on peut s’entraîner. Un phénomène de mode est en train d’émerger, un peu comme la boxe il y a dix ans et le cross fit il y a cinq ans. Les gens voient d’un bon oeil ce sport total, avec cardio, frottements, gants. Et puis, ça peut se pratiquer pour pas grand-chose.
La série accorde une grande importance au « trash-talk », ces provocations verbales dont Cédric Doumbè est devenu champion de France.
Nous avons le sentiment que chaque conférence de presse doit en effet se terminer par une bagarre. Ce n’est heureusement pas le cas. En France, nous avions des combattants attachés à la nature martiale du MMA, centré sur l’humilité. Mais il y avait l’influence du MMA américain, avec Conor McGregor roi du « trash talk ». Le buzz était aussi une façon de vendre du pay-per-view (l’UFC est financé par un système de pay-per-view, NDLR). Une guerre froide a éclaté entre McGregor et Khabib Nurmagomedov. Est-ce qu’ils forcent la ligne ? Il y a bien sûr une part de falsification. Ce qui peut me déranger, c’est que les jeunes pensent que c’est une condition sine qua non. Dans mes émissions, j’espère transmettre l’idée que l’aspect sportif, les histoires humaines, le profil très diversifié des combattants de différentes disciplines, sont bien plus intéressants.
Comment trouvez-vous le rendu des scènes de combat ?
C’est ce qui a le plus stressé la production. C’est là que réside l’enjeu de la série. Tous les mouvements que nous voyons existent dans le monde réel. D’ailleurs, sans que les acteurs le fassent exprès, les plans frappent parfois pour de vrai. Il y avait des protège-dents qui se sont détachés ! Bosh (l’acteur qui incarne le redoutable Ibrahim, NDLR) pèse une centaine de kilos… J’ai aussi suivi avec plaisir le travail des effets spéciaux pour rendre les combats encore plus réalistes. Avec des images de synthèse, on peut recréer des visages ou avancer un bras de cinq centimètres pour qu’il touche le visage. Ce sont des heures de travail. Du côté des acteurs, Melvin Boomer (qui incarne Taylor, le jeune combattant, NDLR) prenait sept repas par jour et faisait des pompes entre les prises. Il a pris une dizaine de kilos de masse en plein tournage.
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Où en est la diffusion du MMA en France ?
RMC Sport a signé un contrat à long terme avec l’UFC, jusqu’en 2027. Les grands événements de l’UFC Paris sont également diffusés sur RMC Découverte. C’est un pas de plus vers le grand public. La cagecela démocratisera aussi un peu plus la discipline. Au-delà des combats, ce que raconte cette série, à savoir les aventures d’un enfant laissé pour compte, est une histoire de développement personnel. Cela peut affecter tout le monde.